mardi 13 novembre 2012

Le Rwanda poignardé. La Belgique suspend sa coopération militaire

(L'Avenir Quotidien 13/11/2012)
*Pour la Belgique, il est inadmissible de former des militaires qui pourraient contribuer à la déstabilisation de la Rd Congo.

C’est pour la même raison que la Belgique s’est ainsi abstenue lors de l’élection du Rwanda au Conseil de sécurité de l’ONU en qualité de membre non permanent pour la période 2013-2014.

*Bruxelles ne compte pas en rester là. Selon des sources diplomatiques, Didier Reynders veut proposer, lors du prochain conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 19 novembre prochain, une suspension de la coopération avec le Rwanda, à l’exception des programmes directement destinés aux populations locales.

Pendant que tout le monde ne comprenait pas pourquoi la Belgique, à l’instar d’autres pays de l’Union européenne, ainsi que des Etats-Unis d’Amérique, avaient suspendu leur coopération avec le Rwanda, au motif que ce pays apporte quotidiennement un soutien total aux rebelles du M23 qui sèment les troubles dans la partie Est de la Rd Congo, aujourd’hui, ce pays vient de leur emboiter le pas, en suspendant la coopération militaire avec le pays de mille collines.

Comme on peut bien le constater, la Belgique aura attendu que son ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, arrive à Kinshasa pour palper du doigt la situation catastrophique que traverse les victimes de cette guerre injuste. A ceci, sans oublier la visite du Premier ministre de la Rd Congo en Belgique, Augustin Matata, pour que finalement la religion de la Belgique soit éclairée et qu’il reconnaisse que c’est le Rwanda qui arme les rebelles du M23 et que d’eux-mêmes, ils ne pouvaient pas se permettre de telles prouesses.

Raison pour laquelle ce pays a suspendu sa coopération militaire avec le Rwanda après sa mise en cause par l’ONU pour son soutien à une rébellion active dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Pour Didier Reynders qui s’exprimait via son compte Twitter, la Belgique ne va pas former des militaires qui pourraient contribuer à la déstabilisation de la République Démocratique du Congo.

Il sied de souligner que cette mesure a surtout une portée symbolique, car la coopération militaire se limite principalement à la formation de quelques élèves officiers rwandais à l’École Royale Militaire à Bruxelles. Le programme de partenariat entre les deux pays, conclu en 2004, concerne aussi la recherche et la santé. C’est ainsi que de mai à juillet dernier, deux officiers médecins belges ont séjourné à l’hôpital militaire de Kigali pour y assister les spécialistes en maladies tropicales, précise l’agence Belga.

Concrètement, les dernières formations qui devaient encore être dispensées en Belgique en 2012 dans le domaine médical ont été supprimées et aucune nouvelle activité avec le Rwanda n’a été planifiée pour 2013, a indiqué le ministre belge de la Défense Peter De Crem.

Cette suspension de l’aide militaire intervient dans la foulée d’autres prises de position signifiant une volonté de la Belgique de marquer ses distances envers le Rwanda, accusé dans un rapport de l’ONU en cours de validation, de soutenir les rebelles congolais du M23. La Belgique s’est par exemple abstenue lors de l’élection du Rwanda au Conseil de Sécurité de l’ONU en qualité de membre non permanent pour la période 2013-2014.

Ne pas en rester là
Apparemment, Bruxelles ne compte pas en rester là. Selon des sources diplomatiques, Didier Reynders veut proposer lors du prochain conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne, le 19 novembre prochain, une suspension de la coopération avec le Rwanda, à l’exception des programmes directement destinés aux populations locales.

Cela devrait concerner l’aide budgétaire. Et ce, même si l’UE avait déjà suspendu fin septembre les nouveaux projets d’aide au gouvernement rwandais.

Ce que l’on peut demander d’ores et déjà à la Belgique, en attendant le prochain conseil du 19 novembre 2012, c’est de soutenir le comité des sanctions des Nations Unies qui se réunit du 12 au 14 novembre 2012. Ça sera donc une preuve de bonne foi du Royaume de Belgique qui aura attendu que tout le monde se prononce, pour qu’à son tour il ne prenne qu’une décision symbolique.

La suspension de ce lien avec Kigali fait suite à la mise en cause du Rwanda pour son soutien au Mouvement du 23 mars (M23), groupe composé d’ex-rebelles de RDC intégrés en 2009 à l’armée nationale et qui se sont mutinés depuis mai.

Selon des experts de l’ONU, le M23 est soutenu par le Rwanda et l’Ouganda voisins, qui démentent ces accusations. Les dernières formations qui devaient encore être dispensées en Belgique en 2012 dans le domaine médical ont été supprimées et aucune nouvelle activité avec le Rwanda n’a été planifiée pour l’année 2013, a précisé Belga, citant le ministre de la Défense Peter De Crem.

La Belgique a également des liens de coopération militaire avec la RDC et ses instructeurs ont formé deux bataillons de l’armée congolaise déployés dans la province du Nord-Kivu (est). La RDC souhaite qu’un embargo sur les minerais soit décrété contre le Rwanda. Des groupes rebelles, des milices locales et des militaires sont régulièrement accusés d’exploiter les minerais dont regorgent les provinces des Nord et Sud-Kivu, et le Maniema (est) — riches en cassitérite et en coltan (largement utilisés en électronique), ainsi qu’en gisements d’or.

La région du Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), constitue le principal foyer de conflits du pays et de tensions dans la région des Grands Lacs africains. Frontalier de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie, le Kivu s’est trouvé au cœur des tragédies de la région : rivalités communautaires et politiques, conflits fonciers, exodes massifs des réfugiés rwandais en 1994 - près d’un million -, présence de milices tribales, de miliciens rwandais hutu et de rebelles burundais et ougandais.

La note du Rwanda dégradée par Standard and Poor’s
Le lundi 29 octobre dernier, l’une des plus puissantes agences de notations au monde, Standard and Poor’s (S&P), a réévalué à la baisse la note de solvabilité du Rwanda de « positive » à « stable ». Une décision qui intervient quelques semaines après que les grandes puissances aient décidé de réduire l’aide octroyée au Rwanda, à la suite d’un rapport des experts de l’ONU accusant le gouvernement rwandais de soutenir la rébellion M23 dans l’Est de la RDC.

En effet, dans un communiqué sur le site de l’agence de notation, S&P explique que cette réévaluation vers le bas résulte des dernières tensions entre le Rwanda et le Congo qui ont poussé certains donateurs, dont les États-Unis, l’Angleterre, les Pays-Bas et l’Allemagne, à suspendre ou retarder leurs aides au Rwanda. Cette même agence estime que la suspension de l’aide s’élève à 15% de l’aide totale que le Rwanda reçoit chaque année ; ce qui représente un manque de plus de 6% du budget rwandais.

Conséquences de cette réévaluation
Les conséquences de cette décision sont à regarder dans la mission même de l’agence de notation. Vivant dans un monde où règne une asymétrie d’information entre les détenteurs de capitaux et les emprunteurs, ces agences, qui sont des entreprises privées, ont comme rôle principal d’éliminer l’asymétrie d’information régnant sur les marchés financiers.

Chaque émetteur (État, entreprise, organisme public) se voit attribuer une note par les agences de notations, allant de « AAA » (qualité de crédit la plus élevée) à « D » (défaut) ; note reflétant la capacité de l’émetteur à honorer ses engagements financiers, à savoir rembourser son prêt.

Ceteris paribus, plus un pays est bien coté par les agences de notation, plus il pourra prélever des liquidités sur les marchés financiers aux meilleures conditions, c’est-à-dire à des taux d’intérêt bas.

A noter que le Rwanda bénéficiait jusque-là d’une note équivalente à celle du Kenya ou encore de l’Ouganda mais bien meilleure que celle de la Grèce. A court terme, dans le cas du Rwanda, cette réévaluation négative de S&P risque de se traduire par une hausse des taux d’intérêts sur les emprunts du gouvernement rwandais, ce qui, en combinant avec la suspension d’une partie de l’aide qu’il recevait, mettrait à mal les revenus gouvernementaux.

Sur le long terme, comme l’agence l’a précisé, si les donateurs continuent à suspendre leurs aides de manière permanente, « ça aurait des conséquences sérieuses sur les finances du Rwanda » car le gouvernement rwandais dépend des aides étrangères à hauteur de plus de 40% de son budget. De plus, la suspension permanente de ces aides se traduirait très probablement par une dégradation de la note du Rwanda, de « B » à « C », c’est-à-dire de la catégorie des pays très spéculatifs aux pays à risque très élevé.

Si ces suspensions perdurent, cette réévaluation pourrait avoir un effet de boule neige, dont les conséquences économiques et sociales seraient non négligeables. Le scénario suivant est à envisager : la dégradation de la note du pays se traduirait par une hausse de taux d’intérêts, et donc un financement sur les marchés plus couteux, et de ce fait une partie des revenus de l’état serait allouée à ce financement, ce qui entrainerait la baisse des revenus disponibles pour les dépenses publiques. Cela pourrait même aller plus loin puisque des licenciements dans le secteur public pourraient être envisagés dans un cas plus extrême.

En ce qui concerne les tentatives pour combler ce déficit, celles-ci ne seraient guère optimistes : principalement – moins de donateurs dans le fond « Agaciro » car une hausse de chômage et baisse de revenus, - peu de succès pour le prélèvement des liquidités via le « Diaspora Bond » car les investisseurs demanderont une compensation plus importante (prime de risque) pour compenser le risque élevé de défaut.

A terme, ayant comme seul moyen le financement une politique monétaire expansionniste, la pression inflationniste accentuerait le ralentissement de l’économie rwandaise. L’ampleur de cette réévaluation sur l’économie rwandaise repose entièrement d’une part, sur le peuple rwandais dans sa confiance ou non dans le fond « Agaciro » et le « Diaspora Bond » et d’autre part, dans la volonté de Kigali de résoudre les tensions entre lui et Kinshasa.

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