Des rebelles du M23 au nord de Goma (ici
en juillet 2012).
Reuters
Des rebelles du M23 au nord de Goma (ici
en juillet 2012).
Reuters
Par Christophe Boisbouvier
Les rebelles du M23 auraient franchi ce mardi 20 novembre les portes de Goma. Quelle est la stratégie du Rwanda ? Y a-t-il pour les assaillants une ligne rouge à ne pas dépasser ? Explications de Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale pour l'ONG International Crisis Group.
Depuis début juillet, les rebelles du M23 se tenaient tranquilles.
Pourquoi sont-ils repassés à l’offensive ces derniers jours ?
Ils souhaitent forcer le gouvernement congolais à des négociations, des négociations directes avec le président Kabila. Ils ne les ont pas obtenues, et la mise sous pression de Goma fait clairement partie de leur stratégie, comme elle avait fait partie de la stratégie de Laurent Nkunda en 2008.
Officiellement, le chef du M23, c’est le général Sultani Makenga. Mais est-ce que le vrai chef n’est pas Bosko N’taganda, l’ex numéro 2, justement, du général Nkunda ?
Il y a des liens assez clairs entre le M23 et l’ex-général Bosko N’taganda. Vous savez qu’il a disparu au mois d’avril, mais il serait dans des zones contrôlées par le M23. Son nom semble toujours planer derrière cette rébellion.
Beaucoup d’officiers rebelles sont d’origine tutsie congolaise. Est-ce qu’il n’y a pas des liens entre le M23 et le Rwanda ?
Il y a des liens. Mais surtout le M23 est en quelque sorte l’héritier plus ou moins bien accepté du CNDP de Laurent Nkunda, un mouvement qui représentait les Tutsis congolais au Nord-Kivu. Quand on regarde le leadership du M23, on voit qu’il y a un certain nombre d’entre eux qui viennent directement du CNDP. Le CNDP avait aussi des liens avec Kigali. Donc l’affiliation est assez claire.
Samedi dernier 17 novembre, le secrétaire adjoint de l’ONU, Hervé Ladsous, a signalé que le M23 s’était procuré des mortiers de 120 millimètres et des appareils de vision nocturne. Est-ce que c’est la preuve que le Rwanda soutient militairement les rebelles ?
Il semble que la dernière offensive du M23 était particulièrement musclée, notamment sur le plan logistique. L’une des voies d’approvisionnement du M23, selon l’ONU et d’autres organisations, semble être le Rwanda. Le M23 était localisé à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Ce positionnement géographique semble aussi indiquer que ces lignes d’approvisionnement logistique passent peut-être par ces pays. Mais il est clair maintenant que le M23 est capable de prendre la capitale du Nord-Kivu.
Mais voulez-vous dire que le M23 peut échapper à ses parrains rwandais et ougandais et mener sa propre politique ?
A l’heure actuelle c’est extrêmement difficile de dire qui tire les ficelles et qui est le véritable décideur de cette offensive contre Goma. Mais si des choses graves se passent à Goma, et notamment si la ville est prise dans des violences et qu’on a un bain de sang, je pense que ça rejaillira sur tous les Etats de la région.
Hier 19 novembre, les rebelles réclamaient le départ des troupes congolaises et le maintien dans la ville de Goma des seuls casques bleus. Est-ce que ça veut dire qu’il y a eu des discussions discrètes entre New York et les rebelles ?
Il y a eu des interventions de New York. Ces interventions ont aussi concerné Kigali, et Kampala. Mais à la fin de la journée de lundi, on a plutôt une impression qu’il y a un vrai risque de violence et de bain de sang à Goma. On a aussi l’impression qu’il y a un vrai risque de dérapage entre la RDC et le Rwanda. Par conséquent, il paraît extrêmement important que des pressions diplomatiques soient exercées et qu’il y ait un cessez-le-feu qui soit négocié par les Nations-unies concernant la ville de Goma.
Sur le plan politique, le M23 demande à Kinshasa d’engager des négociations, ouvertes à l’opposition, à la société civile et à la diaspora congolaise. Kinshasa refuse. Est-ce que c’est une proposition sérieuse ou est-ce que c’est plutôt une posture ?
Ça peut être une posture. D’autant plus que dans l’immédiat, ce qui est indispensable c’est plutôt le cessez-le-feu autour de Goma. Peut-être une démilitarisation de Goma, comme l’évoquait le M23. Mais en tout cas il faut qu’il y ait une décompression parce qu’on sent bien que l’accumulation des incidents peut faire très rapidement déraper les choses.
Est-ce que la communauté internationale peut accepter que les rebelles s’installent à Goma ?
Non. Je ne pense pas que la communauté internationale puisse permettre la prise de Goma, et surtout, je suis extrêmement inquiet à ce qui se passerait dans Goma.
Voulez-vous dire que si les rebelles s’installent à Goma, la communauté internationale en fera payer le prix au président rwandais, Paul Kagamé.
Je pense que depuis plusieurs semaines, aussi bien à New York qu’à Bruxelles, on discute d’éventuelles suspensions d’aides à l’égard du Rwanda, d’éventuelles sanctions. Il va de soi que ces discussions vont faire partie des pressions diplomatiques.
Il y a quatre ans, les rebelles du CNDP et du général Nkunda étaient déjà aux portes de Goma. Mais au terme d’un retournement d’alliance, ils avaient été lâchés par le Rwanda. Est-ce qu’ils ne risquent pas de connaître aujourd’hui la même mésaventure ?
Je ne suis pas sûr qu’ils aient été autant lâchés qu’on ne le pensait. En fait, l’arrestation de Nkunda par Kigali semble avoir été plus cosmétique que réelle. Mais je crois qu’il y a actuellement, en effet, des lignes rouges à ne pas dépasser. Il y a des choses extrêmement dangereuses qui pourraient se passer à Goma, pour Kigali, notamment si un bain de sang venait endeuiller la ville, il va de soi que Kigali risquerait d’être pointée du doigt. Et cela pourrait se traduire par des sanctions, à un moment où le Rwanda, doit, l’année prochaine, entrer au Conseil de sécurité. Donc, je pense qu’il y a là des enjeux extrêmement importants pour Kigali.
Ils souhaitent forcer le gouvernement congolais à des négociations, des négociations directes avec le président Kabila. Ils ne les ont pas obtenues, et la mise sous pression de Goma fait clairement partie de leur stratégie, comme elle avait fait partie de la stratégie de Laurent Nkunda en 2008.
Officiellement, le chef du M23, c’est le général Sultani Makenga. Mais est-ce que le vrai chef n’est pas Bosko N’taganda, l’ex numéro 2, justement, du général Nkunda ?
Il y a des liens assez clairs entre le M23 et l’ex-général Bosko N’taganda. Vous savez qu’il a disparu au mois d’avril, mais il serait dans des zones contrôlées par le M23. Son nom semble toujours planer derrière cette rébellion.
Beaucoup d’officiers rebelles sont d’origine tutsie congolaise. Est-ce qu’il n’y a pas des liens entre le M23 et le Rwanda ?
Il y a des liens. Mais surtout le M23 est en quelque sorte l’héritier plus ou moins bien accepté du CNDP de Laurent Nkunda, un mouvement qui représentait les Tutsis congolais au Nord-Kivu. Quand on regarde le leadership du M23, on voit qu’il y a un certain nombre d’entre eux qui viennent directement du CNDP. Le CNDP avait aussi des liens avec Kigali. Donc l’affiliation est assez claire.
Samedi dernier 17 novembre, le secrétaire adjoint de l’ONU, Hervé Ladsous, a signalé que le M23 s’était procuré des mortiers de 120 millimètres et des appareils de vision nocturne. Est-ce que c’est la preuve que le Rwanda soutient militairement les rebelles ?
Il semble que la dernière offensive du M23 était particulièrement musclée, notamment sur le plan logistique. L’une des voies d’approvisionnement du M23, selon l’ONU et d’autres organisations, semble être le Rwanda. Le M23 était localisé à la frontière du Rwanda et de l’Ouganda. Ce positionnement géographique semble aussi indiquer que ces lignes d’approvisionnement logistique passent peut-être par ces pays. Mais il est clair maintenant que le M23 est capable de prendre la capitale du Nord-Kivu.
Mais voulez-vous dire que le M23 peut échapper à ses parrains rwandais et ougandais et mener sa propre politique ?
A l’heure actuelle c’est extrêmement difficile de dire qui tire les ficelles et qui est le véritable décideur de cette offensive contre Goma. Mais si des choses graves se passent à Goma, et notamment si la ville est prise dans des violences et qu’on a un bain de sang, je pense que ça rejaillira sur tous les Etats de la région.
Hier 19 novembre, les rebelles réclamaient le départ des troupes congolaises et le maintien dans la ville de Goma des seuls casques bleus. Est-ce que ça veut dire qu’il y a eu des discussions discrètes entre New York et les rebelles ?
Il y a eu des interventions de New York. Ces interventions ont aussi concerné Kigali, et Kampala. Mais à la fin de la journée de lundi, on a plutôt une impression qu’il y a un vrai risque de violence et de bain de sang à Goma. On a aussi l’impression qu’il y a un vrai risque de dérapage entre la RDC et le Rwanda. Par conséquent, il paraît extrêmement important que des pressions diplomatiques soient exercées et qu’il y ait un cessez-le-feu qui soit négocié par les Nations-unies concernant la ville de Goma.
Sur le plan politique, le M23 demande à Kinshasa d’engager des négociations, ouvertes à l’opposition, à la société civile et à la diaspora congolaise. Kinshasa refuse. Est-ce que c’est une proposition sérieuse ou est-ce que c’est plutôt une posture ?
Ça peut être une posture. D’autant plus que dans l’immédiat, ce qui est indispensable c’est plutôt le cessez-le-feu autour de Goma. Peut-être une démilitarisation de Goma, comme l’évoquait le M23. Mais en tout cas il faut qu’il y ait une décompression parce qu’on sent bien que l’accumulation des incidents peut faire très rapidement déraper les choses.
Est-ce que la communauté internationale peut accepter que les rebelles s’installent à Goma ?
Non. Je ne pense pas que la communauté internationale puisse permettre la prise de Goma, et surtout, je suis extrêmement inquiet à ce qui se passerait dans Goma.
Voulez-vous dire que si les rebelles s’installent à Goma, la communauté internationale en fera payer le prix au président rwandais, Paul Kagamé.
Je pense que depuis plusieurs semaines, aussi bien à New York qu’à Bruxelles, on discute d’éventuelles suspensions d’aides à l’égard du Rwanda, d’éventuelles sanctions. Il va de soi que ces discussions vont faire partie des pressions diplomatiques.
Il y a quatre ans, les rebelles du CNDP et du général Nkunda étaient déjà aux portes de Goma. Mais au terme d’un retournement d’alliance, ils avaient été lâchés par le Rwanda. Est-ce qu’ils ne risquent pas de connaître aujourd’hui la même mésaventure ?
Je ne suis pas sûr qu’ils aient été autant lâchés qu’on ne le pensait. En fait, l’arrestation de Nkunda par Kigali semble avoir été plus cosmétique que réelle. Mais je crois qu’il y a actuellement, en effet, des lignes rouges à ne pas dépasser. Il y a des choses extrêmement dangereuses qui pourraient se passer à Goma, pour Kigali, notamment si un bain de sang venait endeuiller la ville, il va de soi que Kigali risquerait d’être pointée du doigt. Et cela pourrait se traduire par des sanctions, à un moment où le Rwanda, doit, l’année prochaine, entrer au Conseil de sécurité. Donc, je pense qu’il y a là des enjeux extrêmement importants pour Kigali.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire