vendredi 30 juin 2017

Kabila arrete les militants de la société civile le jour de l’indépendance, le 30 juin

RDC: au moins 7 militants de la société civile arrêtés à Kinshasa




Trafic sur le boulevard du 30 juin à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo
Au moins sept militants de la société civile congolaise ont été 
arrêtés vendredi à Kinshasa alors qu'ils se préparaient à participer 
à une conférence interdite sur le "retour à l'ordre constitutionnel" 
en République démocratique du Congo, a-t-on appris des 
organisateurs.

"La conférence était interdite. Nous avons arrêté sept personnes, 
on va les relâcher", a déclaré à l'AFP le colonel 
Pierrot-Rombaut Mwanamputu, porte-parole de la police.

"Neuf militants sont aux arrêts", a pour sa part assuré à l'AFP 
Bienvenu Matumo, militant du mouvement congolais Lutte pour 
le changement (Lucha).

La conférence, organisée par le collectif d'actions de la société 
civile (CASC), portait sur "la mobilisation citoyenne pour le retour 
de l'ordre constitutionnel en 2017".

Ces arrestations interviennent le jour de la commémoration du 
57e anniversaire de l'indépendance de la RDC. La veille, dans 
un court communiqué, le président Joseph Kabila avait invité 
la population congolaise à célébrer cet anniversaire "dans le calme 
et la méditation".

"Je regrette que pour raisons de santé, je ne puis, cette année, 
vous adresser mon message de manière traditionnelle", ajoutait 
le texte.

"C'est le 30 juin, date de l'indépendance et on refuse aux gens 
de réfléchir sur l'état d'avancement de leur pays. En quoi 
sommes-nous indépendants? C'est la preuve que une minorités 
des gens nous colonise encore", a commenté M. Matumo.

Le CASC regroupe une dizaine d'organisations dont Lucha, 
la Voix des sans voix et le Chemin de la paix, un mouvement 
lancé par le gynécologue congolais Denis Mukwege, qui faisait 
partie des intervenants prévus à cette conférence où un représentant 
de l'épiscopat devait également intervenir.

La RDC traverse une crise politique, aggravée par le maintien au 
pouvoir du président Joseph Kabila dont le mandat a échu depuis 
décembre.

M. Kabila, 46 ans, se maintient à la tête du pays en vertu d'une 
décision controversée de la Cour constitutionnelle, entérinée par 
un accord signé le 31 décembre dernier entre la majorité et 
l'opposition.

La RDC n'a connu aucune transition démocratique du pouvoir 
depuis son indépendance de la Belgique en 1960.

Le 23 juin, les évêques catholiques ont invité les Congolais à 
se mobiliser et à se mettre "debout" pour demander l'application 
intégrale de cet accord.

Avec AFP
Lire aussi sur radiookapi.net: 


RDC: Voici les hommes de Kabila qui entretiennent le chaos et du catastrophe politique et un état dictatorial à la Kabilisme

Lire aussi sur:

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/06/30/kalev-le-maitre-espion-de-kinshasa_5153550_3212.html

RDC : Kalev Mutond, le maître espion de Kinshasa

Accusé de répression brutale et visé par les sanctions de l’Union européenne et des Etats-Unis, Kalev Mutond reste l’incontournable pilier du régime de Joseph Kabila.


L’une des rares images (capture d’écran) du Congolais Kalev Mutond,  directeur de la redoutée Agence nationale de renseigement (ANR) de Kinshasa.
L’une des rares images (capture d’écran) du Congolais Kalev Mutond,  directeur de la redoutée Agence nationale de renseigement (ANR) de Kinshasa. Crédits : DR

« Je me fous des sanctions. » Impassible, Kalev Mutond veut donner l’impression qu’il snobe la communauté internationale. L’administrateur général de l’Agence nationale de renseignement (ANR) figure sur la dernière liste de sanctions de l’Union européenne rendue publique en mai. Cette fois, il n’y a pas échappé. Nul n’est plus dupe sur le rôle central du maître espion de Kinshasa dans les répressions par les forces de sécurité des manifestants, dans les emprisonnements de militants et d’opposants politiques critiques à l’égard du président Joseph Kabila qui s’accroche au pouvoir.


« Je n’ai pas une aiguille aux Etats-Unis et aucun projet de voyage en Amérique du Nord ou en Europe », dit-il de sa voix froide et maîtrisée. En décembre 2016, les Etats-Unis avaient déjà décrété des sanctions à son encontre. Les Européens ont tardé, louvoyé même à la demande des Français qui ont souhaité épargner leur interlocuteur, leur source, leur partenaire pour les affaires délicates. Puis ils ont cédé. « Je continue à discuter avec tout le monde, c’est mon travail. Même au plus fort de la crise avec le Rwanda, je continuais à appeler mes homologues à Kigali », précise le chef des services secrets congolais. Et de préciser en habile provocateur : « Je m’entends toujours bien avec les services sécuritaires français. »

« Bourreau du régime Kabila »

La ligne française en République démocratique du Congo (RDC) était encore claire en juin 2016. « Accompagner le pouvoir de Kabila jusqu’au 19 décembre [2016, date de la fin du dernier mandat du chef d’Etat] puis récupérer ses éléments les plus importants pour favoriser la transition et des élections », résumait un diplomate sur place. Quid du traitement réservé à Kalev Mutond, « le bourreau du régime Kabila », selon des militants congolais ? « Il fait partie de ceux avec qui il faudra négocier l’alternance », rétorquait le diplomate. Un statut à part pour un homme craint tant par les opposants à Joseph Kabila que par les pontes de son régime. Tous savent qu’il ne rend de comptes qu’au chef de l’Etat.



Le 12 décembre 2016, Washington a interdit toute transaction avec cet homme, ont ordonné le gel de ses comptes aux Etats-Unis pour son « rôle dans l’empêchement du processus démocratique », « la surveillance, l’arrestation et la torture d’opposants » et d’éventuelles « exportations illégales de minerais ». Est-ce la ligne française qui est parvenue à éviter à Kalev Mutond de figurer sur la liste des personnalités congolaises sanctionnées par l’Union européenne publiée le même jour ? Des diplomates occidentaux en poste à Kinshasa en sont persuadés, comme des hauts fonctionnaires congolais. « Il faudra un jour qu’ils s’expliquent là-dessus », assure un négociateur international en poste à Kinshasa.
L’assertion, devenue religion dans la capitale congolaise, a hérissé durant des mois le Quai d’Orsay. « Kalev Mutond ne bénéficie d’aucune protection de notre part », martèle, agacé, un haut fonctionnaire du ministère des affaires étrangères, conspuant les rumeurs qui entourent le personnage et brouillent la politique française en RDC. « Que Kalev arrête de laisser croire qu’il est protégé, s’agace encore un diplomate français. Un jour, il pourrait avoir à répondre de ses actes. » En attendant, à la tête de plusieurs milliers d’hommes, « Kalev » continue de terroriser « les ennemis de l’Etat ». Au sens très large du terme.



Pour lui, les jeunes militants de mouvements citoyens comme Lucha ou Filimbi, ne sont rien d’autres que des « terroristes ». Ses services les harcèlent, les traquent, les emprisonnent. Kalev Mutond se dit convaincu qu’ils sont soutenus financièrement par des puissances étrangères, comme les Etats-Unis, pour créer les conditions qui permettraient à une foule citoyenne de renverser le régime. Il assure avoir des preuves qu’il accumule pour ensuite les utiliser comme des atouts dans les négociations diplomatiques. Il compte bien tenir tête à ces Britanniques et à ces Américains qui ont soutenu le président rwandais, Paul Kagamé, couvert ses crimes et espionné les télécommunications de tout l’appareil d’Etat congolais, y compris Joseph Kabila. Et ce durant les complexes négociations, qu’il aime tant raconter, pour la reddition des troupes rebelles à l’est de la RDC en 2009 ou en 2013.

De Goma à Matadi, tout le monde craint, méprise ou respecte Kalev Mutond et ses redoutables agents qui quadrillent le plus grand pays d’Afrique francophone. « L’ANR est la seule agence d’Etat qui fonctionne en RDC », dit une blague populaire. Pourtant, des diplomates occidentaux ne prédisaient pas un grand avenir à son patron. « Ce n’est pas la peine de perdre du temps avec lui, car il n’est pas aimé de Kabila et il sera éliminé disaient les Européens il y a une dizaine d’années, rapporte un fin connaisseur de l’Afrique centrale pour moquer les erreurs d’analyses des diplomates occidentaux. 

Je l’ai vu à l’œuvre dans des négociations régionales sensibles. Il est au côté de Kabila depuis au moins 1998 et désormais il est sans doute l’un des plus forts du premier cercle du président. »

Des coffres forts devenus des cellules

Kalev Mutond reçoit dans sa forteresse aux murs rosés érigée en plein centre de Kinshasa. Un bâtiment austère qui fut l’ancien siège de la Banque centrale. Certains des coffres forts sont devenus des cellules. Son vaste bureau est un petit condensé du système Kabila dont il est l’un des piliers. On distingue sur une étagère deux portraits de lui avec le richissime homme d’affaires israélien controversé, Dan Gertler, suspecté de piller les ressources de la RDC et de partager les dividendes avec le clan présidentiel. Derrière ces cadres, on aperçoit des dossiers brûlants : « Kasaï », « Katumbi »…



« Moïse Katumbi est un ami. La dernière fois qu’il est venu à Kinshasa, je lui avais conseillé de rester loyal au président. Mais les amis n’écoutent pas toujours les conseils », sourit l’espiègle fonctionnaire. Passé à l’opposition, l’ancien gouverneur du Katanga, autrefois intime de Joseph Kabila et de Dan Gertler, est désormais traqué par la justice congolaise, probablement influencée par « Kalev ». Après avoir fui le pays, Moïse Katumbi, qui s’était déclaré candidat à la présidentielle, a d’abord été condamné à trois ans de prison en juin 2016, dans une affaire de spoliation immobilière après avoir été accusé d’« atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat » en ayant recours à des prétendus mercenaires américains.

image: http://s1.lemde.fr/image/2017/06/30/768x0/5153548_6_716a_joseph-kabila-a-kinshasa-le-5-avril-2017_12a42a37a4340d0843f7fb81071a5d97.jpg
Joseph Kabila à Kinshasa le 5 avril 2017.
Joseph Kabila à Kinshasa le 5 avril 2017. Crédits : JUNIOR D. KANNAH/AFP
Comme pour appuyer son propos, « Kalev » montre un rapport d’enquête avec, en page de garde, la photo de l’Américain Darryl Lewis, un ancien soldat des forces spéciales qui fut le conseiller en sécurité de Moïse Katumbi, « un tireur d’élite », insiste Kalev Mutond, entré en RDC avec un visa de travailleur agricole. « Nous l’avons arrêté et nous l’avons bien traité, il nous a presque remerciés », jure l’homme, qui dit avoir mené lui-même les interrogatoires en présence de diplomates américains. Une version contredite par Darryl Lewis qui a porté plainte contre Kalev Mutond aux Etats-Unis. Les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) ont qualifié ce traitement judiciaire de « mascarade », évoquant un « règlement de comptes politique ».



La politique, Kalev Mutond la suit et l’influence. On l’a aperçu au siège de la Cenco interférer discrètement dans le fastidieux dialogue politique organisé sous l’égide de l’Eglise catholique congolaise. « Je les avais prévenus qu’il ne fallait pas s’énerver. Mais les politiques, quand ils parlent de leurs pieds, leurs problèmes sont aux cheveux, se moque-t-il sans cacher son mépris. Ils n’ont pas pris deux minutes pour la Constitution, pas cinq minutes pour le calendrier électoral, ce qu’ils veulent, c’est des postes. »

Un an plus tôt, il était en mission en Europe pour convaincre l’opposition d’accepter de dialoguer avec la majorité présidentielle. Alors fragilisé par la maladie, il a refusé le traitement présidentiel médical en Belgique pour se faire opérer à Kinshasa. Puis il a repris les négociations secrètes avec l’opposition.

« Sécuriser les institutions »

Le Katangais de Kolwezi, volontiers hâbleur aime à se draper dans l’uniforme du grand commis de l’Etat. Il s’amuse de la sombre réputation de l’ANR, que l’opposition comme la communauté internationale accusent de s’être mué en police politique. « Toutes ces critiques venues de l’extérieur, cela me motive pour continuer à défendre mon pays. L’ANR est un obstacle à ceux qui veulent abattre la RDC et je vais travailler avec autant plus d’ardeur à sécuriser les institutions. »
Depuis, la guerre en cours au Kasaï s’est révélée au monde : plus de 3 000 personnes y ont été tuées, selon l’Eglise catholique congolaise, et 2 millions déplacées, selon les Nations unies. Ce conflit politico-ethnique s’est embrasé et, là encore, Kalev Mutond est soupçonné d’en tirer les ficelles meurtrières. Le régime de Joseph Kabila a tout fait pour entraver les enquêtes indépendantes censées démêler l’écheveau des exactions commises par les milices Kamwina Nsapu... et par les forces armées du pays. Avec succès.
Lors de la 35e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui s’est tenue à Genève, Kinshasa, soutenu par le groupe des pays africains, a fait plier les Occidentaux. Il n’y aura pas d’enquête indépendante. Les autorités congolaises ont obtenu de garder la main sur une enquête conjointe avec l’ONU. Joseph Kabila, son homme lige et les autres caciques du régime restent maîtres de la situation. Kalev Mutond coopérera-t-il pleinement avec l’ONU pour faire la lumière sur les crimes perpétrés au Kasaï par les soldats et les miliciens ?
Il sourit. un rire brutal, carnassier et en même temps distingué toujours sous contrôle. Kalev Mutond est de cette race d’homme qui a appris à ne rien laisser transparaître. Pas d’émotions. Pas de regrets. En soldat loyal de Kabila. Pour lui, les violences qui ravagent le centre du pays mais aussi l’est ne sont le fait que d’une ingérence de puissances étrangères qui veulent déstabiliser le pays. « Regardez, les Bantous et les Pygmées ne s’étaient jamais affrontés. Mais des ONG anglo-saxonnes attisent les braises du conflit en montant la tête des Pygmées, leur disant qu’ils sont mal traités et cela dégénère. »
Etonnant criminel de guerre présumé que ce Kalev Mutond. Accusé par l’Union européenne d’avoir « planifié ou dirigé des actes qui constituent de graves violations des droits humains en RDC », le fonctionnaire demeure droit dans ses bottes, et prêt à tout pour se maintenir au pouvoir, à la tête d’une sorte d’Etat parallèle au service du régime de Kabila. « Ma mission est de protéger les institutions de la République, dont fait partie le chef de l’Etat. » Maître espion et maître du jeu.

En savoir plus sur 

http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/06/30/kalev-le-maitre-espion-de-kinshasa_5153550_3212.html#FLqcKz3xVedr5It6.99

L’une des rares images (capture d’écran) du Congolais Kalev Mutond,  directeur de la redoutée Agence nationale de renseigement (ANR) de Kinshasa.


http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/05/29/rdc-sanctions-de-l-union-europeenne-contre-neuf-responsables-congolais_5135684_3212.html

RDC: Indépendance le 30 juin 1960, ... VOICI LES TRAÎTRES ET ENNEMIS DU PEUPLE CONGOLAIS QUI ONT TRAHIS NOTRE SOUVERAINETÉ COMME LE FAIT KABILA A CE JOUR

Vie et mort de Lumumba: quand la France encensait le dirigeant nationaliste

Patrice Lumumba (d) en décembre 1960. Il était alors Premier ministre du Congo-Kinshasa. A ses côtés, le vice président du Sénat Joseph Okito (g). Patrice Lumumba sera assassiné avec 2 de ses proches, Joseph Okito et Maurice Mpolo, le 17 janvier 1961

C’est l’indépendance, enfin. A Léopoldville, les cérémonies sont empreintes de solennité. En ce 30 juin 1960, Baudoin, roi des Belges, et Patrice Lumumba, Premier ministre du Congo, prononcent des discours historiques. Deux hommes, deux mondes, s’affrontent. Des documents récemment déclassifiés par le ministère français des Affaires étrangères décrivent l’escalade qui débouchera sur une crise internationale et l’assassinat de Lumumba.+

Après le pape, dont on a lu un message, la parole est au roi. Au Palais de la Nation, ancienne résidence du gouverneur général, le jeune Baudoin vante le « génie du roi Léopold II », l’ex-propriétaire du Congo. 

Puis, c’est au tour de Patrice Lumumba, dirigeant charismatique qui incarne, au Congo et bien au-delà, l’anticolonialisme qui gagne l’Afrique et l’Asie. Le Premier ministre élu s’adresse aux Congolais – et non au roi --, charge la Belgique et dénonce « l’humiliant esclavage qui nous était imposé par la force ».

Le corps diplomatique, réuni pour l’occasion, est sidéré. La puissance coloniale devait remettre le pouvoir en grande pompe aux nouveaux maîtres de Léopoldville. En lieu et place, c’est le choc de deux hommes, de deux mondes.

Pour tenir Paris au courant, l’ambassadeur de France, Pierre-Albert Charpentier, rédige un télégramme sur les discours prononcés. Celui de Baudoin, flatteur pour la Belgique, était « à l’extrême opposé de l’autocritique », raille l’ambassadeur.

Celui de Lumumba, rapporte le diplomate, se résumait quant à lui à « une violente diatribe contre le régime d’exploiteurs, de fusilleurs et de colonialistes dont le Congo était enfin débarrassé ». Les propos du Premier ministre embarrassent visiblement Baudoin qui, relève cet observateur attentif, « parlait avec ses voisins ».

« L’étoffe d’un homme d’État »
L’ambassadeur reconnaît des qualités au Premier ministre. Malgré sa jeunesse – il n’a que 35 ans --, il personnifie la nation congolaise face à de « frustes chefs de clans » empêtrés dans « leurs intérêts (et) leurs haines traditionnelles », estime-t-il.

Dans les télégrammes qu’il envoie par télex au Quai d’Orsay (siège du ministère des Affaires étrangères à Paris), Charpentier ne dissimule pas son admiration pour « l’habile, l’agressif, le courageux M. Lumumba ». A ses yeux, sa personnalité « se détache nettement des hommes politiques falots qui l’entourent ». Dans un autre câble, cet observateur va encore plus loin, déplorant l’absence d’hommes politiques au Congo -- « en dehors du Premier ministre ».

Cela n’empêche pas Charpentier de craindre que le chef du gouvernement ne se transforme vite en chef tout court. « Il est probable que (…) Lumumba sera, dans quelques mois, l’homme fort du Congo, écrit-il, le 7 juillet 1960. Ce qui est rassurant car il a, d’après ceux qui le connaissent, l’étoffe d’un homme d’État, mais préoccupant quand on sait son admiration pour Nkrumah et pour Nasser. »
Les présidents du Ghana et de l’Égypte n’inspirent aucune confiance aux puissances occidentales en ces temps de Guerre froide. Le premier, héraut du panafricanisme, a volé à l’aide de la Guinée du marxiste Sékou Touré. Le second, un des « pères » du mouvement des non-alignés, a nationalisé le canal de Suez, en 1956, provoquant un conflit armé avec la France, le Royaume-Uni et Israël.
Les ambassadeurs occidentaux à « Léo » n’ont pas tous un regard aussi bienveillant sur Lumumba. Charpentier le sait bien : « Les uns le considèrent comme l’homme fort du régime, souligne-t-il, d’autres, dont mon collègue américain [Clare Timberlake], estiment qu’il est fou. »

Tout oppose Lumumba à la Belgique
Au Quai d’Orsay, on voit moins ce dirigeant nationaliste basculer dans le bloc soviétique que dans le camp des non-alignés. La fiche que lui consacre le ministère insiste sur sa personnalité, laquelle suscite l’inquiétude. « M. Lumumba n’a cessé de passer d’un extrême à l’autre », assure ce document, faisant tantôt appel au maintien de la présence belge en Afrique, tenant tantôt des propos « d’un nationalisme outrancier ».

Tout oppose Lumumba à la Belgique. Le Premier ministre ne veut pas du drapeau qu’elle propose pour le Congo ; il le considère d’inspiration coloniale (parce que son étoile représenterait les lumières de la civilisation occidentale). Il ne veut plus de ses missionnaires ; Lumumba écrit au Vatican pour demander leur remplacement par des religieux français. Surtout, il réclame l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct. Pour la Belgique, qui y voit une simple manœuvre lui permettant de cumuler les postes de Premier ministre et de président, c’est le comble !
A Bruxelles, l’ambassadeur de France, Raymond Bousquet, ne cache pas l’inquiétude que lui inspire Lumumba. Dans les jours qui précèdent l’indépendance du Congo, le diplomate cherche à mettre Paris en garde contre ce fondateur du Mouvement national congolais (MNC).

Le Premier ministre joue, certes, un rôle important à Léopoldville. « Pour le meilleur et pour le pire, assure Bousquet, M. Patrice Lumumba tient à l’heure actuelle dans ses mains l’essentiel du destin du nouvel État congolais »

Mais ce diplomate craint que Lumumba ne se transforme en tyran s’il venait à cumuler les fonctions de chef de l’État et du gouvernement. Avec « une équipe à sa dévotion (sa) tendance à l’autoritarisme pourrait aller croissant, craint-il, le chef du MNC n’ayant jamais caché sa préférence pour les méthodes totalitaires. »
En tant que ministre de la Défense, Lumumba aura autorité sur la Force publique (en voie de devenir l’Armée nationale congolaise). Cela pourrait lui faciliter la tâche s’il décidait la « liquidation autoritaire des oppositions », soutient l’ambassadeur Bousquet, dont les télex reflètent le point de vue de ses interlocuteurs belges.

« Lumumba pouvait et devait réussir »
Le rôle de la Belgique au Congo est loin de faire l’unanimité, y compris en Occident. La décolonisation « à la belge » est parfois décriée par l’autre puissance coloniale de l’Afrique centrale…
« La politique des Belges est décevante, écrit l’ambassadeur Charpentier depuis Léopoldville. Ils ne sont pas aimés et les Flamands sont détestés. Or, ils agissent comme s’ils conservaient leur responsabilité. » Surtout dans la Force publique, que tant de nationalistes considèrent comme une force d’occupation, d’autant plus qu’elle continue d’être dirigée par un général… belge.
11 juillet 1960 : Moïse Tshombe, que soutient l’Union minière du Haut-Katanga, le groupe belge, proclame l’indépendance du Katanga, province du cuivre. Lumumba, qui craint l’éclatement du pays, se précipite à Élisabethville. Mais son avion est empêché d’atterrir à « É’ville » par des militaires belges. L’impuissance du Premier ministre est plus criante que jamais.

Au fil des mois, sa position continuera de s’effriter, surtout après le coup d’État du colonel Joseph Mobutu, chef d’état-major de l’armée, le 14 septembre 1960. Ambitionnant de « neutraliser » le président, Joseph Kasa Vubu, et son Premier ministre, l’officier confiera le pouvoir à une junte composée de jeunes Commissaires.
Alors que s’installe « l’anarchie » -- terme qui revient constamment dans la correspondance diplomatique --, la position de Lumumba devient intenable, d’autant plus que les militaires et policiers se mutinent. « Avec une armée disciplinée et une police bien en main, écrit Charpentier, Lumumba pouvait et devait réussir. Mais l’armée et la police étaient et restent indisciplinées. » Le non-versement de la solde y est sûrement pour quelque chose...

Le Premier ministre a, malgré tout, certains atouts en main. « [Lumumba] dispose de l’appui des soldats de sa tribu qui sont littéralement à sa solde, poursuit Charpentier dans ce télégramme daté du 25 septembre 1960. En revanche, le restant de l’armée est contre lui et il a fort à faire pour assurer sa sécurité personnelle et celle de ses collaborateurs, qui passent la nuit hors de leur domicile pour échapper aux "commandos" du colonel Mobutu. »
Le président Kasa Vubu, qui cherche à l’affaiblir finira par révoquer son Premier ministre, provoquant une crise constitutionnelle. Alors que les cadres européens partent, que les usines, mines et magasins ferment, que le nombre de chômeurs augmente, la grogne monte presque partout.

« C’est ce qu’attendait patiemment le président de la République pour démolir, puis anéantir, son adversaire, analyse Charpentier. Avec une apparence d’impassibilité mais un talent extraordinaire de manœuvrier, il l’a petit à petit diminué, privé de ses appuis extérieurs et intérieurs, l’a usé, lui a fait perdre la face. » Avant que Lumumba ne perde la vie.

Pour comprendre les secrets et vérités au tour de la mort de LUMUMBA, lire Michel Arseneault sur Twitter

Samedi 1er juillet [2e partie] Vie et mort de Lumumba: Washington, Bruxelles et sa «marionnette»
Dimanche 2 juillet [3e partie] Vie et mort de Lumumba: l’anticolonialisme assassiné

Sur le même sujet