(Le Potentiel 27/11/2012)
Certains observateurs de la région des Grands Lacs
s’étonnent de l’occupation du territoire de l’Est de la RDC pendant 15 ans par
de petits pays comme le Rwanda et l’Ouganda. Malgré les rapports des Nations
unies sur le drame congolais, les Etats-Unis ainsi que la Grande-Bretagne
s’opposent à toutes les sanctions contre le Rwanda et l’Ouganda. Pourquoi cette
opposition de la part de ces grandes puissances anglo-saxonnes ? Pourquoi la
communauté internationale, en général, ferme ses yeux sur les pillages des
richesses du Congo et le génocide congolais (plus de 6 millions de morts) par
les présidents Museveni de l’Ouganda et Paul Kagame du Rwanda ?
Trois raisons : Le génocide rwandais, les mutations géostratégiques
et la crise économique.
Depuis l’agression de la RDC en 1996 par l’AFDL
soutenue par les Usa et la Grande-Bretagne, les militaires rwandais et ougandais
tuent et violent les Congolaises et Congolais, pillent les richesses du Congo
avec la complicité des multinationales occidentales sans être inquiétés. La
grande partie des médias occidentaux sont silencieux et beaucoup d’intellectuels
se sont presque tus. Selon les organisations humanitaires, la guerre dans la
partie Est de la RDC a fait déjà plus 6 millions de morts et 2 millions de
déplacés. Le génocide des Congolais est occulté au profit de celui des Rwandais
qui a fait seulement 800 mille morts.
Le Génocide rwandais
Le
génocide rwandais (800 mille morts) s’est passé sous la barbe des Nations unies
et sous le mandat du président américain Bill Clinton. La conscience de ces
derniers est particulièrement chargée. C’est sous Kofi Annan et Bill Clinton que
plus de 800 mille rwandais ont été massacrés. Responsables et coupables de ne
pas avoir empêché le génocide rwandais, l’administration américaine et la
communauté internationale tentent de se racheter. Voilà pourquoi un élan de
compassion et de solidarité s’est développé envers le régime de Paul Kagame.
Sous la présidence de Bill Clinton, le président trouve un allier de
poids : Mme Susan Rice. Actuellement ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au
Nations unies. Diplômée de Stanford et de la Brookings Institution, Susan avait
travaillé à la direction des organisations internationales de maintien de la
paix pour le compte du Conseil de sécurité nationale– poste qu’elle occupait au
moment du génocide rwandais. Elle était partie au Rwanda après le massacre, pour
constater le génocide occasionné par l’irresponsabilité de son patron Bill
Clinton. Depuis lors, elle est restée attachée à la cause rwandaise.
Lors de la crise libyenne, Susan Rice a confié au correspondant du New
York Times à la Maison Blanche, Daalivid E. Sanger : « Je me suis jurée que, si
jamais j’étais à nouveau confrontée à une crise semblable (Rwanda),
j’approuverais toute action spectaculaire, si c’était nécessaire, quitte à me
planter totalement ». Mais face au génocide de 6 millions de Congolais, Susan
Rise s’est plantée.
L’autre poids lourd et défenseur de Paul Kagame n’est
autre que Hillary Clinton, secrétaire d’Etat de l’administration Barack Obama.
Hillary Clinton avait bien vu comment, au milieu des années 1990, son mari
n’avait rien fait pour empêcher le massacre des 800 000 Rwandais, ce qu’il avait
amèrement regretté plus tard, considérant qu’il s’agissait de la plus grande
faute de sa présidence. A la tête du département d’Etat américain, Hillary doit
payer les fautes commises par Bill Clinton en soutenant aveuglement le régime de
Paul Kagame. D’ailleurs, son mari Bill Clinton, ancien président américain,
était de passage à Kigali pour apporter son soutien à Kagame lors de la
publication du rapport des experts de l’Onu incriminant son régime de soutenir
militairement et matériellement les rebelles du M23 à l’Est de la RDC.
Le troisième pilier de Paul Kagame aux USA reste Mme Samantha Power,
conseillère et proche du président Obama. Elle a remporté le prix Pulitzer avec
un livre sur les horreurs du génocide rwandais. Power avait mis entre
parenthèses sa carrière universitaire pour conseiller Obama pendant la campagne
présidentielle, et le convertir à la « responsabilité de protéger » - ce concept
émergent, en vertu duquel il est de la responsabilité de la communauté
internationale d’intervenir pour empêcher des massacres de masse.
Ainsi,
le clan Clinton, Susan Rice et Samantha Power sont des inconditionnels
défenseurs de Paul Kagame. Hantés par les esprits des 800 mille Rwandais
massacrés, ces personnalités américaines encouragent Paul Kagame à commettre
sous leurs yeux un autre génocide en cours et dont le bilan est estimé à plus de
6 millions de Congolais. Diront-ils un jour qu’ils n’étaient pas au courant
?
Mutations géostratégiques
La fin de la guerre froide a ôté à la
RDC son utilité géostratégique. Le monde occidental, les USA en tête, a élaboré
une nouvelle stratégique avec le Rwanda et l’Ouganda dans la lutte contre le
terrorisme. Pendant la Guerre froide, la tête de pont des intérêts
géostratégiques occidentaux était le Congo. Avec la nouvelle politique étrangère
des USA, la tête de pont est l’Ouganda suivi du Rwanda. Ces deux pays deviennent
la plaque tournante de la politique américaine dans les Grands Lacs. Pour
réaliser leur projet du contrôle de l’Afrique des Grands Lacs, le président Bill
Clinton va inventer le concept de New Young Leaders. Un club des dirigeants de
l’Afrique des Grands Lacs et de l’Est sera mis en place : Museveni, Kagame et le
Premier ministre éthiopien Meles.
Au moment où ce club est mis en place
par l’Administration Bill Clinton, une étude est faite par The Brookings
Institution, dans lequel Susan Rise et ses parents ont travaillé. Cette
institution préconise la balkanisation des pays africains comme le Soudan, la
RDC, le Nigeria, l’Angola…
Ce concept de New Young Leader associé à
l’étude de Brookings Institution avec l’accord des Américains et des
Britanniques va aboutir à la guerre d’agression contre la RDC. Mobutu est chassé
du pouvoir et remplacé par Laurent-Désiré Kabila, le 17 mai 1997.
Dans ce
nouveau contexte géostratégique, Museveni de l’Ouganda et Kagame du Rwanda vont
sous-traiter les affaires américaines, notamment la lutte contre le terrorisme.
On remarque cette nouvelle politique américaine dans les dossiers du Sud-Soudan,
le Darfour et la Somalie. Depuis l’humiliation de l’armée américaine en Somalie
où les corps des marines américains trainés dans la rue par les rebelles
somaliens, le Pentagone ne veut plus engager ses troupes sur le théâtre de
conflits africains. Ainsi, il a formé des troupes ougandaises, rwandaises et
autres nationalités pour faire le sale boulot. On retrouve les troupes
rwandaises au Darfour et les troupes ougandaises en Somalie. Toutes ces troupes
sont équipées par les Américains sous bannière des Nations unies.
Derrière cette lutte contre le terrorisme se cache l’endiguement de la
Chine. Dans la guerre économique que se livre la Chine et l’Occident avec
l’Amérique en tête, tout est mis en place pour mettre la Chine en dehors de
l’Afrique noire. L’Ouganda et le Rwanda se sont inscrits dans cette logique
occidentale de contrôle des matières premières et du pétrole. Voila pourquoi,
l’Occident et le monde anglo-saxon s’opposent à toutes les sanctions contre ces
deux pays au détriment de la RDC. Et, en prime (d’impunité !) Kigali siège au
Conseil de sécurité. Cela, en égratignant la morale internationale.
En
tout état de cause, à Washington le Club des interventionnistes libéraux faucons
(Samantha Power et Susan Rice) et le Département d’Etat conduit par Hillary
Clinton, selon la politologue Justin Vaisse, ont influencé les décisions de la
Maison Blanche en matière de politique étrangère des USA durant le premier
mandat de Obama (2008-2012).
Crise économique
Quand la guerre
d’agression de la RDC a été déclenchée en 1996, le problème ethnique était
l’argument justifiant cette agression. Le régime de Kagame et Museveni
interviennent au Congo pour protéger la minorité tutsi menacée d’extermination
par le régime Mobutu et les anciens génocidaires rwandais réfugiés dans les
provinces du Kivu. Derrière cette rhétorique se cachait le plan de la
balkanisation de la RDC et la guerre des mines que les multinationales
anglo-saxonnes menaient pour faire main basse sur les richesses du Congo. Il
s’agit bel et bien d’une nouvelle guerre coloniale.
Plusieurs rapports de
Nations unies et deux ouvrages du canadien Alain Denault, Noir Canada, pillage,
corruption et criminalité en Afrique du congolais Patrick Mbeko, le Canada dans
les guerres en Afrique centrale, génocides et pillages des ressources du Congo
par le Rwanda interposé sont des preuves irréfutables.
Dans cette
nouvelle guerre coloniale et de pillage, comme du temps de l’esclavage et de la
traite négrière, Paul Kagame et Yoweri Museveni jouent le rôle d’intermédiaire.
Les parrains leur laissent la possibilité d’amasser de richesses, comme primes,
pour leurs entourages et leurs familles. Entre-temps, les multinationales
occidentales, leurs élites politiques et tous les maffieux du monde peuvent
faire des affaires en toute quiétude en RDC.
Tout en clamant la
démocratie, la bonne gouvernance, les droits de l’Homme et l’Etat de droit, ces
parrains mettent à la disposition des régimes de Paul Kagame et Museveni des
lobbies et des bureaux d’études pour défendre leur cause sur le plan
international et présenter des Congolais comme des incapables de gérer un grand
territoire comme la RDC. Objectif poursuivi : justifier la balkanisation au sein
de l’opinion internationale.
En tout état de cause, avec la crise
économique qui frappe le monde, le discours sur les droits de l’Homme et la
bonne gouvernance au sein des gouvernements occidentaux a laissé la place au
discours de survie. Entre-temps, Kagame (Hitler africain) et Museveni (le
Bismark africain) sabrent du champagne pour des services loyaux rendus à
l’Occident au détriment du Congo et de l’Afrique. Pour combien de temps
?
Écrit par Freddy Mulumba Kabuayi
© Copyright Le
Potentiel
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