vendredi 23 novembre 2012

Interview exclusive du porte-parole du M23, Bertrand Bisimwa, sur Africa N°1

Par webmaster, le 23 novembre 2012
Bertrand Bisimwa, porte-parle du M23 a été interviewé hier, jeudi 22 novembre, par Stéphanie Hartmann pour Africa N°1. Selon lui les rebelles sont prêts à la négociation.

Comment s’est passée la prise de Goma ?

Les affrontements ont commencé le 15 novembre. Nous avons campés aux portes de Goma pendant deux jours pour mettre en place une zone tampon et éviter le contact physique avec les FARDC (Forces armées de RDC). L’armée congolaise nous a attaqué dans le dos et nous avons alors contre-attaqué. Nous nous sommes rendu compte que les militaires tiraient également des obus vers le Rwanda. Pour nous, c’est une manière d’inviter le Rwanda dans la crise.

Quelle était l’attitude de la Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilisation du Congo) ?
Comme les soldats de la Monusco gèrent la ville de Goma, nous essayons d’établir un contact avec eux. Les efforts actuels portent sur l’établissement d’un lien entre nous et la Monusco, jusqu’ici sans résultat.

Vous contrôlez également la ville de Saké, jusqu’où comptez-vous aller ?
Notre intention n’est pas d’aller jusqu’à Bukavu, ou Kinshasa. Notre intention est d’aller à la table de négociations. Le gouvernement de Kinshasa doit cesser sa logique guerrière. Cette option a échoué maintenant. Nous devons nous retrouver à la table des négociations pour discuter et résoudre les problèmes des Congolais. Mais si le gouvernement continue de nous attaquer, nous serons obligés de faire taire ces armes qui sont en train de tuer notre population.

Quelles sont exactement vos revendications ?
Tout d’ abord, nous demandons la mise en œuvre des accords du 23 mars que nous avons signé avec le gouvernement de Kinshasa [en 2009, qui prévoit notamment la réintégration des anciens rebelles dans l’armée nationale]. Notre seconde revendication a trait à la légitimité du pouvoir de Joseph Kabila. Nous mettons clairement en cause l’élection du chef de l’Etat actuel, élu en 2011 grâce à des tricheries. Nous demandons que le président Kabila reconnaisse qu’il a perdu les élections et accepte la vérité des urnes.

Vous demandez donc le départ de Joseph Kabila ?
Il se pose un grave problème de légitimité du pouvoir de Kabila. Il a tripatouillé la Constitution pour se faire élire par une minorité des Congolais. C’est de notoriété publique, il a été élu par 48 % des congolais après avoir tripatouillé la Constitution.

Vous appelez donc à des négociations. Est-ce que Kinshasa est prêt, selon vous, à négocier ?
Jusqu’à aujourd’hui, le pouvoir continue à refuser les négociations avec le M23.


L’armée congolaise a affirmé à plusieurs reprises que des éléments rwandais combattaient aux côtés du M23, et le 17 octobre dernier, un rapport de l’ONU affirmait que votre mouvement disposait du soutien du Rwanda. Quelles sont vos relations avec Kigali ? Et le M23 est-il composé de combattants rwandais ?
Le pouvoir de Kinshasa nous accuse d’être rwandais, déclarant que le général Makenga est rwandais, que notre président [Jean-Marie Rugina] est un Rwandais. On ne sait plus qui est rwandais pour eux. Les membres de notre armée viennent des FARDC, l’armée régulière. Si nous sommes rwandais, cela signifie qu’eux-mêmes avaient recrutés des Rwandais dans l’armée. Notre force militaire est constituée par les membres de l’armée régulière qui ont fait défection. On les qualifie aujourd’hui de « Rwandais » parce qu’ils sont allés dans l’opposition. Pour nous, il s’agit d’une stratégie du gouvernement de basse campagne.

A défaut d’avoir un soutien du Rwanda, est-ce que vous avez des contacts avec les autorités de Kigali ?
Nous sommes un mouvement de révolution, nous ne sommes pas un Etat. Les autorités de Kigali traitent avec des Etats, non pas avec des mouvements de révolutions. Il n’y a aucun lien entre eux et nous. Nous sommes congolais, nous ne parlons pas des problèmes du Rwanda. Nous parlons des problèmes congolais. Si nous sommes rwandais, comme Kinshasa le prétend, c’est donc que les autorités congolaises estiment que cette région appartient au Rwanda. Mais le Nord-Kivu dépend du territoire congolais, à ce que je sache.

L’Onu vous accuse d’exécutions sommaires et d’exactions. Que
répondez-vous à ces accusations ? Et quelles sont vos relations avec la population notamment celle de Goma, et dans les villes que vous occupez ?
Je ne sais pas si l’Onu nous accuse de cela. En tout cas, les experts mandatés par cette organisation internationale n’ont pas fait leur travail. Leur mission consiste à aller voir sur le terrain et faire un travail de recherche. Mais on ne peut pas descendre au Congo et s’arrêter à Kinshasa, travaillait dans des chambres climatisées et monter des rapports sur la base de documents fournis par les services de renseignements congolais.

Est-ce que quand même, vous reconnaissez que la situation humanitaire dans la région est alarmante ?
Pendant la guerre, il est normal que la population fuit les balles. Dans l’espace que nous contrôlons, il n’y a plus de camps de déplacés. Les déplacés sont retournés chez eux. Nous encourageons, par la voie des médias, la population à revenir et à retrouver sa dignité au lieu de se faire infantiliser par des ONG.

Propos recueillis par Stéphanie Hartmann

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