dimanche 4 novembre 2012

L' impuissance De Kabila en RDC, Un Pays Rogné Par Ses Voisins


La rébellion du M23 et les guerres récurrentes en République démocratique du Congo font craindre une forme de balkanisation de ce pays qui partage ses frontières avec neuf autres Etats.
Dans une tribune parue dans lâhebdomadaire Jeune Afrique, Albert Rudatsimbura, le patron de la radio rwandaise Contact FM, affirme que «si Kabila ne comprend pas que la sécurité de toutes les communautés, y compris celle des rwandophones, doit être garantie en priorité (â¦) alors, à long terme, Kinshasa perdra les Kivus et probablement davantage».
 
Faut-il voir dans ces déclarations une prédiction de la partition de la République démocratique du Congo?
Le mot «balkanisation» est même lancé. Et il se murmure que les guerres récurrentes que connait ce pays, à lâinstar de la récente rébellion du M23 dans la province du Nord-Kivu, seraient organisées dans cette optique.
Le clergé monte au front
L'Eglise catholique, réunie au sein de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), sâest fermement opposée à ce quâelle considère comme un plan de balkanisation exécuté sous plusieurs formes:
«Sur le plan économique, par la présence de réseaux dâexploitation illégale des ressources naturelles et sur le plan politique, par une intensification de la présence inacceptable des milices et des groupes armés étrangers qui tuent, violent et pillent, entraînant le déplacement forcé des populations congolaises et une occupation irrégulière de notre territoire.»
Le clergé congolais ajoute, dans un communiqué publié le 6 juillet, que lâintégrité du territoire national nâest pas négociable.
En réalité, câest le Rwanda qui est ainsi pointé du doigt. Car, comme lâexplique Diangitukwa Fweley, un politologue, spécialiste de la région des Grands Lacs, «les Rwandais se sentent étouffés à lâintérieur de leur pays qui est petit par rapport à la densité de la population au kilomètre carré. Ils ne seraient pas indifférents à lâélargissement de leur territoire vers lâEst de la RDC».
Dans son dernier rapport, le groupe dâexperts des Nations unies sur la RDC évoque ces visées du Rwanda à lâest du Congo démocratique.
A la suite à ce rapport, le quotidien kinois Le Phare sâest, lui aussi, inquiété des velléités sécessionnistes du Rwanda dans lâest de la RDC:
«Deux objectifs sont poursuivis dans lâimmédiat: la sécession du Nord-Kivu, suivie, peu après, de celle du Sud-Kivu», écrit le journal.
 
Ce que confirme Honoré Ngbanda, président de lâApareco, Alliance des patriotes pour la refondation du Congo et ancien conseiller spécial de lâex-président Mobutu Sese Seko:
«Nous sommes en train de vivre lâépopée finale dâun plan dâoccupation de lâest de la RDC par le Rwanda. Ce processus a commencé depuis 1996 et a continué avec lâassassinat de Laurent-Désiré Kabila (père de lâactuel président congolais Joseph Kabila, Ndlr).»
Le Rwanda n'est pas le seul
Seulement dâautres pays frontaliers à la RDC semblent également vouloir tirer profit de lâinstabilité dans lâest du Congo.
«Le Burundi comme lâOuganda ne rêvent que dâun espace de plus, fleuron de minerais et dâagriculture. LâAngola veut prendre le territoire Kahemba, province du Bandundu, et ses parages, détaille une source basée à Kinshasa.
En 2007, les militaires angolais ont envahi le territoire de Kahemba, situé à la frontière avec lâAngola, remettant ainsi en cause les bornes frontalières entre les deux pays, héritées de la colonisation.
Deux ans après, en 2009, les militaires angolais ont encore occupé Sava Ina et Kuzi, deux villages du territoire de Mbanza-Ngungu dans la province du Bas-Congo, cette fois. Ils décideront de se retirer près dâun mois après.
En 2010, câétait au tour des militaires sud-soudanais dâoccuper le village de Kimba. Ce village du territoire dâAru, dans le district de lâIturi, est revendiqué par les autorités sud-soudanaises du district de Morobu.
Les troupes rwandaises et ougandaises se sont affrontées à Kisangani, sur le sol congolais en juin 2000, pour le contrôle de cette partie de la RDC.
L'impuissance de Kabila
Cette guerre fera encore des victimes civiles du côté congolais et est connue sous le nom de la guerre des six jours.
En 2001, les troupes ougandaises se retirent du sol congolais, un retrait de façade, alors quâelles sont accusées de pillage des ressources.
Une plainte des autorités congolaises sera déposée auprès de la Cour internationale de justice en 2005.
Dans sa requête, la République démocratique du Congo prie la cour de juger lâOuganda pour des actes dâagression armée perpétrés par ce dernier au Congo.
Pour les autorités congolaises:
«LâOuganda sâest livrée à des actions militaires et paramilitaires en occupant le territoire congolais et en soutenant activement, sur les plans militaire, logistique, économique et financier, des forces irrégulières qui y opéraient».
En 2007, les troupes ougandaises occuperont une partie du parc de Virunga en RDC. La même année, dans le sud-est de la RDC, la province du Katanga va connaître la crise avec la Zambie voisine.
Toute chose qui amène Honoré Ngbanda de lâApareco à être très critique vis-à-vis du régime de Kinshasa:
«On ne peut même pas parler dâEtat dans ce pays. Un Etat ne peut pas laisser une partie de son territoire aller à vau-lâeau, précise-t-il. Tout le gaz que nous partageons en commun avec le Rwanda dans le lac Kivu est déjà exploité par le Rwanda seul. Le pétrole des lacs Albert et Edouard, câest lâOuganda qui négocie son exploitation. Aujourdâhui, la RDC nâexiste que sur papier.»
Dans la province du Bas-Congo, lâexploitation du pétrole est en grande partie assurée par lâAngola.
Dâaprès le professeur Kasongo-Numbi Kashemukunda, géologue et professeur à lâuniversité de Kinshasa, «lâAngola qui produit autour de 2 millions de barils par jour, occupe, depuis 1989, tout lâespace maritime constituant le prolongement naturel du territoire terrestre de la RDC. Ce pays a même découpé cet espace revenant à la RDC en blocs pétroliers confiés à des sociétés qui lâexplorent et lâexploitent à son compte.»
La pression des Occidentaux
Les ONG Human Rights Watch et Global Witness ont même interpellé les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en leur suggérant de réduire ou carrément couper lâaide au développement quâils accordent annuellement au Rwanda, à hauteur de 350 millions de dollars américains.
La suspension ou la suppression de lâaider serait, selon elles, lâunique message que pourrait comprendre Paul Kagame, décrypte le quotidien le Phare.
Câest chose faite. Lâaide militaire américaine au Rwanda vient dâêtre suspendue depuis ce samedi 21 juillet.
Une aide dâun montant symbolique de 164.000 euros destinée à financer une académie militaire rwandaise, suspendue en raison du soutien du Rwanda à la rébellion du M23 en République démocratique du Congo.
Soutien que le Rwanda nie toujours. LâAgence France Presse qui reprend les propos de Darby Holladay, porte-parole du département dâEtat américain indique que «le gouvernement des Etats-Unis est gravement préoccupé par les preuves selon lesquelles le Rwanda est impliqué dans la fourniture dâun soutien aux rebelles congolais, dont le M23».
Faut-il y voir un signe de changement de vent de la politique américaine? Ou bien un désaveu de lâobjectif du Rwanda de sécession des deux Kivus à lâest de la RDC?
Politiquement, câest plus quâun message que les Etats-Unis envoient au Rwanda et à dâautres membres de la communauté internationale. Câest une réelle prise de distance.
JACQUES MATAND/SLATE
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