vendredi 9 novembre 2012

La représentation de la RD Congo au sein des organisations internationales

(Le Monde 09/11/2012)
Il y a un adage qui dit : "celui qui veut aller loin doit ménager sa monture".
Si la RDC veut encore jouer un rôle prépondérant en Afrique et participer efficacement à la vie internationale, elle doit faire un examen d’autocritique et redéfinir sa politique étrangère en tenant compte des intérêts nationaux et de la manière dont elle compte les défendre. Parlant justement de la politique étrangère dans ses mémoires de guerre, le général de Gaulle disait qu’il y a «trois leviers qui commandent la politique étrangère : la diplomatie qui l’exprime, l’armée qui la soutient et la police qui la couvre».

La RDC est membre de plusieurs organisations régionales et internationales, mais la présence des ressortissants congolais au sein de ces administrations est quasi inexistante. Et pourtant les compétences ne manquent pas. La RDC compte énormément des femmes et hommes de qualité et formés dans les meilleures universités du monde. Le pays pouvait bien mettre ces ressources humaines au service des organisations internationales dont il est membre. Malheureusement, il y a une absence totale de politique publique ou de volonté politique de placement des cadres congolais au sein de l’administration publique internationale.

Les États qui ont compris les opportunités qu’offrent les organisations internationales pour s’affirmer sur la scène internationale, en ont fait un enjeu diplomatique pour influencer dans la prise des décisions mondiales et affirmer également leur puissance. Ainsi, ils font la chasse des postes stratégiques au sein des organisations internationales et placent leurs ressortissants peu importe les considérations politiques, encore moins tribales ou ethniques.

Deux cas illustratifs des organisations régionales et internationales dont fait partie la RDC : la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).

1. CEEAC
La CEEAC est une organisation sous-régionale qui a été mise en place par un traité signé en octobre 1983 à Libreville au Gabon et entré en vigueur en décembre 1984. Le professeur Vincent de Paul Lunda Bululu a été le premier secrétaire général de la CEEAC entre 1984-1989. Cette organisation regroupe actuellement dix États-membres après de départ du Rwanda. Il s’agit de : Angola, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo, RD Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Sao Tomé et Principe et Tchad.

Lors du 15e sommet de la CEEAC qui s’est tenu du 15 au 16 Janvier 2012 à N’Djamena au Tchad, les chefs d’État et de gouvernement ont procédé au renouvellement de l’équipe dirigeante du secrétariat général de cette organisation. La RDC a perdu le poste de secrétaire général adjoint qu’occupait alors M. Tiker Tiker avant sa démission. Il faut noter au passage que depuis la démission de celui-ci, la RDC n’a pas comblé ce poste deux ans après et ce, jusqu’à la fin du mandat. Lors de ce 15e sommet, il a été confié à la RDC le poste de directeur des Affaires politiques, diplomatiques et du mécanisme d’Alerte rapide de l’Afrique Centrale (MARAC). À ce jour, tous les États-membres de la CEEAC ont déjà désigné leurs représentants, sauf la RDC qui attend encore.

Pour ceux qui ne le savent pas, le MARAC est un de trois organes techniques du Conseil de paix et de sécurité de l’Afrique centrale (COPAX) chargé de veiller au maintien, à la consolidation et à la promotion de la paix et de la sécurité dans la sous-région. Le MARAC est donc chargé de collecter, d’analyser et de transmettre les informations à la Commission de défense et de sécurité (CDS) sur la situation sécuritaire de la sous-région. Il s’agit des informations sur la nature et l’intensité de toute situation menaçant la sécurité de la sous-région et pouvant aboutir à un conflit. La CDS utilise ces informations pour donner des conseils aux ministres des Affaires étrangères qui préparent les décisions des chefs d’État et de gouvernement relatives aux mesures de prévention, de gestion et de règlement des conflits.

En effet, point n’est besoin de rappeler ici que l’Afrique centrale constitue l’une des régions les plus riches d’Afrique et où l’on assiste impuissant face aux conflits armés, à la prolifération des armes légères, etc. La RDC qui partage ses frontières avec neuf pays, est considérée comme la plaque tournante et l’enjeu majeur pour la sécurité sous-régionale. Elle est, depuis une dizaine d’années, dans une situation d’insécurité permanente, avec des effets possibles de contagions transfrontalières. Dans la mesure où, elle ne sait pas sécuriser et défendre son intégrité territoriale, fragilisée par la porosité de ses frontières et soumis au commerce illicite de ses ressources naturelles par les pays voisins.

En confiant le poste de directeur des Affaires politiques, diplomatiques et du MARAC à la RDC, la CEEAC lui a donné une opportunité de formuler des stratégies et de mettre en place un système d’alerte rapide et de prévenir toute escalade de violence et de conflit armé. En d’autres termes, le RDC aurait à utiliser la diplomatie préventive pour solutionner les problèmes de la sous-région, y compris les siens qui deviennent de plus en plus endémiques et menacent même son intégrité territoriale.

En mai 2012, le secrétaire général de la CEEAC avait reçu en audience l’ambassadeur de la RDC, M. Jeannot Letamba, et lui avait exprimé son souhait que la RDC nomme dans les délais raisonnables une personne qui devrait combler le poste de directeur politique, diplomatique et du MARAC.

Le 15 octobre à Kinshasa au cours d’un point de presse animé, en marge du 14e sommet de la Francophonie, le secrétaire général de la CEEAC a dit regretter que son organisation ne soit en mesure d’envisager une intervention en RDC, mais en même temps, il renvoyait la responsabilité aux États-membres. En effet, il avait pleinement raison, le MARAC qui est censé être l’instrument de détection des signes avant-coureurs des conflits dans la sous-région se retrouve pratiquement inopérant à cause de l’immobilisme de certains États-membres. Par conséquent, la CEEAC peine à prévenir les différents conflits armés qui secouent la sous-région, s’il peut bien entendu.

Ceux qui s’intéressent à la situation sécuritaire dans la sous-région savent bien qu’il y a plusieurs acteurs visibles et invisibles qui opèrent en Afrique centrale, notamment les acteurs étatiques et non étatiques, et des réseaux criminels nationaux et transnationaux. Dans une telle situation, la diplomatie préventive est beaucoup plus efficace qu’une action militaire, parce qu’elle peut influer en amont pour empêcher un conflit armé éventuel. D’ailleurs, la prévention des conflits demeure l’un des principes fondamentaux de la Charte des Nations Unies qui favorise les négociations directes, les bons offices, la médiation, l’établissement des faits, la conciliation, l’arbitrage et le règlement judiciaire, pour permettre aux parties concernées de mettre fin à leur différend par des moyens pacifiques.

2. Quelle place occupe la RDC à l’OIF?
La RDC se félicite d’avoir organisée le sommet de la Francophonie à Kinshasa, ce qui était une bonne chose. Point n’est besoin de vous rappeler que la RDC est l’un de plus grands pays membres de l’OIF, mais force est de constater également que la RDC est très mal représentée, pour ne pas dire absente au sein de l’administration de l’OIF.

Encore une fois pour ceux qui ne savent pas, l’administration de l’OIF est composée d’un secrétaire général, un administrateur, quatre représentations permanentes : auprès des Nations-Unies à New-York, à Genève, à l’Union africaine et à l’Union européenne, quatre bureaux et antennes régionaux, une dizaine des directions au siège social, ainsi que des organes subsidiaires. De tous ces postes, vous ne trouverez aucun ressortissant congolais.

En janvier 2012, nous avons écrit à la représentante de la RDC à l’OIF, madame Isabelle Tshombe, pour l’informer que la RD Congo n’était pas sur la liste des États-membres admissibles au recrutement à l’OIF. En effet, sur le formulaire en ligne, il n’était pas possible pour un ressortissant congolais ou simplement une personne née en RDC de remplir ce formulaire parce que la RDC n’y figurait pas et les candidatures des ressortissants congolais étaient systématiquement rejetées. Madame Tshombe avait promis de faire les démarches nécessaires pour corriger cette situation.

Tout ça pour démontrer que les autorités politiques auxquelles il revient la responsabilité de déterminer les priorités de la nation, doivent accorder beaucoup d’importance à la présence de leurs ressortissants dans les institutions internationales. Il est vrai qu’un fonctionnaire international ne peut faire allégeance qu’a l’institution qui l’engage et non pas aux autorités de l’État qui l’ont proposé. Mais sa notoriété peut déterminer l’attitude que les autres États peuvent avoir à l’égard de son pays d’origine. Le cas de l’ancien SG des Nations-Unies, M. Kofi Annan est très illustratif. Il a contribué à l’amélioration de l’image du Ghana sur la scène internationale. C’est une fierté nationale et une affirmation de son pays sur la scène internationale.

Ottawa, le 30 octobre 2012
Isidore Kwandja Ngembo

Analyste des politiques publiques

Ancien conseiller à la direction Afrique centrale au Ministère des affaires étrangères et du commerce internationale du Canada

Publié le 06 novembre 2012 par AFFOI

http://dominique-hoppe.blog.lemonde.fr/2012/11/06/74/



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