lundi 12 novembre 2012

La RDC ne s’est jamais dotée d’un budget de développement

 (Le Potentiel 12/11/2012)

Contraintes et avancées dans l’élaboration du budget national de la RDC ont été clairement dévoiles le week-end par Adolphe Muzito lors d’une conférence débat organisée dans la salle des conférences de la paroisse Notre-Dame de Fatima à Gombe. En fait, jusqu’à ce jour, la RDC se dote chaque année d’un budget «d’aménagement» et non d’un budget de développement, s’est défendu l’élu de Kikwit, par ailleurs ex-Premier ministre et ministre du Budget. Hors d’un contexte partisan, la problématique des budgets en RDC a pu ainsi être décortiquée, sans passion. Exercice difficile, mais brillamment réussi par Hubert Mpunga, Adolphe Muzito et le prof. Kabeya Tshikuku.

Un débat sur le budget national dépouillé de toute coloration partisane s’est tenu en la salle des conférences de la paroisse Notre-Dame de Fatima, à l’initiative du Groupe de presse Le Potentiel/Radio-Télé 7, sous le thème «Budget national ou l’expression des ambitions des Etats», trois exposés en ont constitué le menu.

Le public très diversifié, constitué essentiellement d’acteurs politiques, de professeurs des universités, d’étudiants, d’opérateurs économiques ainsi de cadres des entreprises publiques et privées, a été bien servi. Ce qui n’a pas manqué de susciter l’admiration d’un habitué de ces rendez-vous de Notre-Dame de Fatima. « Aujourd’hui, le public est d’une qualité exceptionnelle. Le sujet valait autant d’intérêt pour une élite en quête de la compréhension du pourquoi le pays ne prend toujours pas la vitesse de croisière dans le processus de son développement, malgré autant de compétences et de ressources naturelles », a-t-il dit.

Le premier exposé, développé par Hubert Mpunga, a porté sur des notions élémentaires du budget présenté. L’économiste a cerné le concept budget, indiquant qu’il s’agit d’une présentation des dépenses et des recettes d’une entité qui peut être un Etat, une localité, une entreprise voire une famille – son financement pouvant être le fait des ressources propres ou externes.

Budget et révolution de la modernité

Après le plat d’entrée servi par Hubert Mpunga, le public a eu finalement droit au plat consistant servi en premier par l’ancien ministre du Budget, par ailleurs Premier ministre honoraire. Adolphe Muzito s’est appesanti sur le thème « Quel budget pour la Révolution de la modernité ? ».

Le deuxième Premier ministre de la première législature de Joseph Kabila a tenu, avant toute chose, à fixer les esprits sur les concepts contenus dans son exposé. D’abord, la « Révolution de la modernité », un concept lancé pendant la campagne électorale de 2011 par le candidat Joseph Kabila. Pour le Premier ministre honoraire, la révolution laisse planer l’idée d’un changement brusque. Adolphe Muzito la veut permanente, inscrite suivant un planning approprié et durable pour la construction de l’Etat.

Dans la salle, certains participants ont considéré qu’il fallait plutôt parler de « la modernisation de la révolution ». A Muzito de rétorquer, estimant : « Dans ce pays, on a connu une révolution de l’authenticité. Aujourd’hui, c’est tout le contraire. Le chef de l’Etat veut une révolution mais dans la modernité ».

Selon lui, la révolution telle que développée dans la vision du chef de l’Etat est donc la conséquence. Elle n’est ni un résultat ni un moyen. Aussi pense-t-il que la révolution peut conduire à l’atteinte de la modernité. Il estime par conséquent qu’« on peut faire la révolution, changer la société en modernisant ».

Traduisant la pensée de Joseph Kabila, Adolphe Muzito conclut qu’il s’agit de faire « la révolution par le moyen de la modernité ».

Budget de la construction ou du développement

Y a-t-il une différence entre un budget consacré à la construction et un autre destiné au développement ? Sur ce point précis, Muzito a fait un distinguo entre les défis du pays et les moyens disponibles pour les relever. La RDC n’est plus en phase de descente aux enfers, croit-il, prenant en compte toutes les avancées enregistrés sur le front macroéconomique.
« En tant que peuple, les Congolais n’ont pas investi dans les mines, dans le pétrole, dans le bois », a relevé le Premier ministre honoraire. Difficile dans ces conditions de prétendre à un budget de l’ordre de 40 milliards USD. Le budget est insignifiant au regard des défis, reconnaît-il, cependant.

Il est convaincu que des efforts sont fournis pour inverser cette tendance. Pourvu, craint-il, que des stratégies soient mises en œuvre pour créer une économie au service de la nation entière. « C’est malheureux de le dire : nous sommes pauvres ». Sa révélation n’a pas tardé : « Etant dans la pauvreté, le budget, qui est le reflet de la santé économique d’un Etat, ne peut être qu’un budget pauvre tant que rien ne sera entrepris dans le sens de créer un espace de richesse au pays ».

Les budgets annuels ne tiennent compte que des moyens mobilisables en vue de résoudre des priorités du moment. Les défis, quant à eux, ne pourront trouver solution comme par un coup de baguette magique, en un seul exercice. Le décalage reste donc énorme entre les attentes du peuple (défis) et les efforts substantiels du gouvernement.

Les différents budgets présentés par les différents gouvernements de la République sont insignifiants par rapport aux défis, donc aux besoins de la population, à l’immensité du pays ayant des dimensions d’un sous continent. Adolphe Muzito, qui est favorable au soutien à l’initiative privée, ne s’est pas privé d’affirmer que toutes les banques opérant au pays réunies - elles sont 22 à ce jour - ne peuvent pas apporter un financement de l’ordre de 750 millions USD à une entreprise publique. Il faut s’attendre à plus d’efforts dans l’incitation des privés à investir pour booster la production. Toutes les entreprises de l’Etat sont des charges parce qu’elles ne contribuent pas au budget de l’Etat, a-t-il affirmé.

Ces entreprises sont devenues des charges puisqu’émargeant dans les dépenses de l’Etat en termes de rémunérations et de fonctionnement, rappelle-t-il. « C’est seulement maintenant que nous commençons à investir », indique Adolphe Muzito. « C’est encore maintenant que l’on s’attelle à la construction d’un Etat. La RDC n’avait même pas le droit de parole dans beaucoup d’organisations à cause d’arriérées héritées de la gestion de la deuxième République (...). Aujourd’hui, les efforts du gouvernement sont consacrés à la construction du pays », a-t-il indiqué, ne cachant pas son optimisme sur la capacité de la RDC à rebondir.

Par ailleurs, selon lui, la faiblesse du budget national de la RDC tient, entre autres, à l’organisation de la société telle qu’héritée de l’histoire du pays. En RDC coexistent, note-t-il, la République et la structure féodale au niveau de la base. La contribution des provinces est très faible voire inexistante. Les entités n’ont pas de culture de budget. Par conséquent, les territoires et les localités ne disposent pas de budget.

Sa conclusion est sans appel : « Les budgets du gouvernement sont des budgets d’aménagement et non du développement ». Ce qui explique, soutient-il, l’importance accordée à la construction des routes, la desserte en eau et électricité, … Pour lui, le pays n’est pas en phase de développement, mais en phase de construction. En définitive, Adolphe Muzito a fait le choix de la stabilité pour consolider les acquis, convaincu que la RDC est sur la bonne voie pour se doter d’un budget correspondant à son ambition ; celle d’un géant au cœur de l’Afrique.




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