dimanche 9 septembre 2012

Force internationale neutre : impasse à Kampala

(Le Potentiel 08/09/2012) Les violons sont loin de s’accorder entre Kigali et Kinshasa alors que s’ouvre à Kampala (Ouganda) la réunion extraordinaire de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL). En effet, Kinshasa persiste sur sa position de reconfigurer les troupes de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) afin d’en faire une force internationale neutre à déployer dans sa partie Est. Ce que réfute le Rwanda qui soutient plutôt l’idée d’actionner le mécanisme conjoint de vérification, comme prévu dans le Pacte sur la paix, la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, en vigueur depuis 2008. On va droit vers une impasse.

Les dirigeants des pays de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL) se retrouvent à nouveau à Kampala, capitale de l’Ouganda, pour débattre de la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est de la RDC où un mouvement rebelle, le M23, formellement soutenu par le Rwanda sème terreur et désolation depuis mai 2012.

C’est pour la deuxième fois, en l’espace d’un mois, que des chefs d’Etat de cette organisation sous-régionale se donnent rendez-vous dans la capitale ougandaise pour trouver un mécanisme de mise en œuvre de la Force internationale neutre, à déployer dans l’Est de la RDC, comme convenu en juillet dernier, en marge d’un sommet restreint de la CIRGL à Addis-Abeba, en Ethiopie. Cela après un mini-sommet de quelques heures de la SADC dans la capitale tanzanienne à la fin du mois d’août dernier.

Annoncée pour hier vendredi, c’est finalement aujourd’hui samedi, apprend-on des sources présentes à Kampala, que doit démarrer la réunion. Dans la capitale ougandaise, on explique ce report par le retard pris dans la transmission aux chefs d’Etat de la CIRGL des conclusions de la réunion du sous-comité des ministres de Défense de la région, clôturée le 16 août 2012 à Goma (RDC).

Les mêmes sources, du reste confirmées par l’AFP, rapportent que, outre Yoweri Museveni, président de l’Ouganda et hôte du sommet, seuls les chefs d’Etat de la RDC, Joseph Kabila ; de la Tanzanie, Jakaya Kikwete ; et du Sud-Soudan (membre à venir de la CIRGL), Salva Kiir marquent de leur présence la rencontre. Le président rwandais Paul Kagame est représenté, confirme l’AFP, par ses ministres de la Défense, James Kabarebe, et celui des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.

Mauvais présage

La faible représentativité des chefs d’Etat de la CIRGL ne devait pas rester sans conséquence dans les décisions de cette deuxième réunion de Kampala. Rien de consistant, prédit-on dans certains milieux, ne devait donc sortir de cette réunion. L’on courait déjà droit vers une impasse, avance-t-on. Ce qui paraît évident, au regard du mauvais départ de cette nouvelle rencontre de Kampala. Dans la forme, la réunion de Kampala s’est ouverte avec un sérieux handicap. Il s’agit, dans un premier temps, des conclusions de la réunion de Goma qui auraient été transmises avec un grand retard aux chefs d’Etat de la CIRGL. Pourtant, le nouveau sommet de Kampala est censé tourner essentiellement autour des recommandations des ministres de la Défense de la CIRGL en vue de l’Opérationnalisation de la Force internationale neutre dans l’Est de la RDC.

Mais au-delà de ce couac du début, qui aura occasionné un décalage de 24 heures par rapport au calendrier initial, il y a cette sous-représentation des chefs d’Etat de la CIRGL, seuls habiletés à lever une option définitive sur la mise en œuvre de cette force neutre. L’absence de Paul Kagame à Kampala intrigue à tout point de vue. Certains y voient le signe d’un sabotage. Bien plus, d’aucuns sont poussés à penser que l’homme fort de Kigali voudrait anticiper sur le caractère « opposable à tous » que pourraient revêtir les conclusions du sommet de Kampala. En clair, Paul Kagame pourrait se déclarer non lié par les décisions que prendraient ses homologues si jamais celles-ci ne l’arrangeaient pas. Il pourrait même développer un argumentaire qui le dédouanerait, notamment en prétendant que son pays n’a pas été représenté au plus haut niveau.

Par ailleurs, en se faisant représenter par deux de ses plus fidèles lieutenants, à savoir James Kabarebe et Louise Mishikiwabo, Kagame tente de prendre Kinshasa à contre-pied. Car, les deux ministres rwandais ont ouvertement livré la position de leur pays lors de la dernière apparition médiatique. Le premier, James Kabarebe s’est catégoriquement opposé au déploiement d’une force internationale neutre, préférant plutôt la mise en œuvre du mécanisme conjoint de vérification, comme prévu dans le Pacte sur la paix, la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands Lacs, en vigueur depuis 2008.

Venant à sa suite, Louise Mishikiwabo a multiplié des sorties sur le front diplomatique pour tenter de disculper son pays concernant le soutien au M23. Elle a accusé jeudi dernier, indique l’agence Chine Nouvelle, la RDC de « mauvaise foi » après que Kinshasa ait une nouvelle fois réaffirmé que Kigali est très impliqué dans l’éclosion de la nouvelle rébellion armée dans l'Est congolais. « Les autorités congolaises sont dans cette psychose de toujours trouver le voisin coupable (...) Quand il y a un problème au Congo, si ce n'est pas le Rwanda, c'est le Congo Brazzaville, c'est l'Angola, c'est l'Ouganda », avait ironisé sans scrupule la ministre rwandaise des Affaires étrangères.

Dans ces conditions, que peut-on attendre de cette nouvelle rencontre de Kampala ? C’est la question que tout le monde se pose. Déjà, dans le principe, Kigali et Kinshasa ont des positions diamétralement opposées sur la composition de la Force internationale neutre. Outre, la composition de cette force qui pose déjà problème, il y a également l’équation de financement de cette force ? L’autre couac porte sur sa légitimité dans les termes du droit international. Sous quel mandat opérera cette force ? Autant de questions qui rendent hypothétique sa mise en oeuvre. Fin joueur, Kagame a choisi de contourner cette difficulté en actionnant le mécanisme conjoint de vérification. D’où, l’éventualité d’une impasse quant à une issue heureuse à la crise dans les Grands Lacs, et particulièrement en RDC.

Pour rappel, la CIRGL s'était déjà retrouvée pour un deuxième sommet dans la capitale ougandaise Kampala. Mais aucune avancée concrète n'avait alors été enregistrée sur la complexe composition de la force neutre à mettre en place pour neutraliser les groupes armés opérant dans la région. Face aux divergences, les chefs d'Etat avaient demandé le mois dernier à un groupe ministériel de déblayer le terrain. Depuis avril, les nouveaux combats dans la région ont fait, selon des humanitaires, plus de 220 000 déplacés à l'intérieur de la RDC et forcé quelque 57 000 autres personnes à fuir au Rwanda et en Ouganda voisins.
Écrit par Le Potentiel



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