vendredi 21 septembre 2012

Témoignage de KALONJI ALBERT sur l'assassinat de LUMUMBA

lumumba

KALONJI ALBERT

Présentation du témoin

Au moment de l’assassinat de Lumumba, Albert Kalonji était président du Sud-Kasaï. Les questions suivantes sont importantes : 1. Dès le 15 juillet 1960, Kalonji est entré en contact, par l’intermédiaire de Soumoy, son conseiller à Bruxelles, avec le chef de cabinet du Roi. Pourquoi ? Est-ce que cette démarche entrait dans le cadre de la lutte contre Lumumba et d’un soutien belge qu’il sollicitait pour cela ? A-t-il finalement obtenu ce soutien belge dans son initiative sécessionniste ? Et si oui, pourquoi la Belgique l’ a-t-elle soutenu ? 2. Le 9 août 1960, l’indépendance du Sud-Kasaï est proclamée. Elle est soutenue par la Forminière, filiale de la Société Générale. D’autres acteurs belges viennent la soutenir. Quelle était la nature des aides et des appuis qui lui ont été apportés, avec l’établissement d’une chronologie de cette aide : aide financière (gouvernementale belge, privée ?), aide militaire, aide technique. Quels furent les acteurs belges qui participèrent à ces aides, avec qui Kalonji et son gouvernement ont été en liaison en Belgique ? Cette aide incluait-elle une condition, celle de la lutte contre Lumumba ? 3. Le témoin a-t-il été au courant d’un quelconque projet belge ou belgo-congolais de liquidation physique de Patrice Lumumba, ou d’enlèvement, dès août 1960, et en septembre-octobre ? 4. Quels étaient ses contacts avec Jules Loos, conseiller militaire du ministre d’Aspremont Lynden ? 5. En septembre 1960, en compagnie de Ngalula, il a rencontré Rothschild. Sur quoi ont porté ces discussions ? 6. A partir de quand a-t-il souhaité que Lumumba soit transféré à Bakwanga ? Auprès de qui a-t-il entamé des démarches en ce sens ? A-t-il demandé un appui de la Belgique pour que ce transfert se concrétise ? Si oui, quel sort réservait-il à Lumumba ? Si non, c’est en contradiction avec différents témoignages dont celui de Mukamba, qui prétend que Kalonji avait demandé à Munongo que Lumumba soit transféré à Bakwanga . 7. Après l’évasion de Lumumba, le 28 novembre, et dans le cadre des fêtes de l’indépendance du Congo-Brazzaville, Youlou a accueilli Kalonji parmi d’autres invités. Apprenant la nouvelle de l’évasion, une « table ronde » fut improvisée avec Kasa Vubu, Iléo, Adoula, Tshombe, Bomboko, Kimba et Kalonji. Sur quoi portaient ces discussions ? Qu’a-t-on envisagé pour Lumumba ? Y avait-il des Belges présents ? 8. Après l’évasion de Lumumba fin novembre 1960, Kalonji a indirectement participé à la capture du fugitif en informant, selon ses possibilités, des déplacements de ce dernier. Lors de sa capture au début décembre, pourquoi Pongo l’a-t-il ramené à Léopoldville et ne l’a pas conduit directement chez Kalonji ? A-t-il tenté alors de convaincre les autorités de Léopoldville que Lumumba lui soit livré ? N’était-il pas en droit de réclamer directement le transfert du fugitif à Bakwanga, compte tenu des exactions commises par l’ANC en août 60 dans le Sud-Kasaï ?9. Le 6 décembre à Brazzaville, le témoin a demandé à Mobutu et à Kasa Vubu le transfert de Lumumba à Bakwanga ? Est-ce exact ? Etait-ce une initiative personnelle ? 10. Le diplomate belge Vanden Bloock, dans un télégramme du consulat général d’Elisabethville destiné à Bruxelles, le 28 décembre 1960, précisait que Bakwanga était « un bon compromis » pour le transfert de Lumumba. Qu’entendait par là le diplomate belge, que voulait-il dire ? 11. A la mi-décembre 1960 s’est tenue une conférence des Etats francophones africains à Brazzaville. Kalonji était présent, comme Tshombe, Kasa Vubu, Bomboko, Kamitatu, Ileo, Mobutu, Bolikango, Kimba. Parmi les Belges présents, on cite Weber et Bartelous, les proches de Tshombe. Y avait-il d’autres Belges présents ? A cette conférence, il fut question du sort de Lumumba. Comment a-t-on évoqué l’avenir de celui-ci ? Fut-il question de son transfert à Bakwanga ? A Elisabethville ? 12. Pourquoi Kalonji s’est-il rendu à Elisabethville fin janvier 1961 ? Fut-il question de Lumumba, de sa mort ? 13. Quand, par qui et comment a-t-il appris la mort de Lumumba ? A qui a-t-il transmis cette information 14. Quelle a été la raison exacte de la scission du MNC en un MNC-Lumumba et un MNC-Kalonji. Était-ce lié au caractère de Lumumba ? 15. Le gouvernement de Léopoldville a-t-il demandé en janvier 1961 de transférer Lumumba à Bakwanga ? 16. Kalonji a-t-il été informé du fait que la destination du transfert avait été modifiée ? Dans l’affirmative, par qui et comment ? 17. Kalonji a-t-il reçu de l’argent de la Belgique ou d’autres pays ? 18. A-t-il connu Benoît Verhaegen et dans quel contexte ? 19. Avait-il été convenu de provoquer plusieurs sécessions (Tshombe, Bolikango, Diomi) ? Kalonji était-il au courant de la rencontre Tshombe-Mobutu du 16 octobre 1960 ?

Témoignage

2.1. Albert Kalonji a été entendu par la commission le 25 juin 2001. 2.2. Le témoin nie avoir eu un contact avec le chef de cabinet du Roi le 15 juillet 1960. Il a bien eu des contacts avant l’indépendance, mais pas après. Ces contacts avaient déjà été rompus à ce moment-là du fait qu’il avait été contraint de quitter le territoire belge. Les événements du Congo ont en outre empêché la poursuite de relations personnelles avec les autorités belges. Il s’était en effet engagé dans le mouvement de Lumumba et avait aidé à la création d’une section de ce parti, le MNC, dans la province du Kasaï. 2.3. Le 11 juin 1960, il s’était toutefois retiré du conseil de gouvernement après que Lumumba eut déçu l’ethnie du témoin (les Baluba) et il s’était ensuite engagé dans la lutte des Baluba contre les Lulua au Kasaï, une lutte dans laquelle la minorité Lulua avait pris le pouvoir et avait assassiné et chassé des membres de la majorité Baluba. Étant donné que la situation était devenue trop dangereuse au Kasaï, Kalonji est parti pour un temps au Congo-Brazzaville afin de diriger, à partir de là, l’opposition parlementaire à Lumumba. Il déclare n’avoir certainement jamais été un ennemi de Lumumba; il s’est uniquement consacré à l’organisation du combat politique des Baluba dans le sud de la province du Kasaï et voulait, dans ce cadre, créer un parti capable de donner au Sud-Kasaï un avenir autonome dans un Congo fédéral. 2.4. Lorsque Lumumba a été assigné à résidence, il a même plaidé en faveur de sa libération, ce qui constitue, selon lui, la preuve qu’il n’a pas participé à son emprisonnement ni à la tentative ultérieure visant à transférer Lumumba à Bakwanga, chef-lieu du Sud-Kasaï. Il lui a toutefois été demandé par le gouvernement national du Congo, en particulier par l’intermédiaire du président Kasa Vubu et de Mobutu, de pouvoir transférer Lumumba et deux autres prisonniers à Bakwanga, ce qu’il a refusé, par principe, parce qu’il refusait de collaborer avec le gouvernement congolais, qui ne voulait pas reconnaître le Sud-Kasaï en tant qu’entité juridique indépendante, et qu’il aurait par là même signé son propre arrêt de mort (politique). 2.5. Il a uniquement appris la nouvelle de la mort de Lumumba par la radio. Il est également étranger au transfert et à l’assassinat ultérieurs de sept lumumbistes; ce massacre a été organisé et exécuté par son premier ministre Ngalula sans qu’il en ait été personnellement informé.2.6. Le témoin a été interrogé sur les relations qu’il entretenait à l’époque avec la Belgique. Il nie avoir reçu un soutien logistique du ministre d’Aspremont Lynden et déclare que ses deux conseillers militaires belges n’ont pas demandé la reconnaissance diplomatique du Sud-Kasaï ni sollicité un appui matériel auprès du gouvernement belge; leur tâche se limitait à acheter des armes afin de pouvoir repousser des attaques ennemies. Son premier ministre n’a pas non plus entrepris de telles actions, à moins qu’il ait agi à son insu. En revanche, il a reçu, de Belgique, des avances remboursables de l’Union Minière. Selon certains membres de la commission, cette opération a eu lieu avec l’accord du gouvernement belge. 2.7. En conclusion de son témoignage, le témoin répond encore à quelques questions précises de membres de la commission. Il nie que Bukamba, qui a accompagné Lumumba lors de son transfert au Katanga, ait tenté de le convaincre d’autoriser Lumumba à entrer sur le territoire du Sud-Kasaï. Il confirme avoir conclu un accord avec le président katangais Tshombe au sujet de la collaboration des Baluba du Kasaï et du Katanga. Il déclare que Tshisekedi, ministre de son gouvernement rebelle du Sud-Kasaï, ne donnait pas toujours suite à ses ordres, mais qu’il le gardait dans son gouvernement parce que Tshishekedi était important pour l’image du gouvernement vis-à-vis de l’extérieur. Il nie avoir envoyé trois de ses meilleurs collaborateurs politiques dans la capitale congolaise, Léopoldville, pour y mener des négociations politiques; ils ne relevaient plus de son autorité et avaient suivi, au gré des circonstances de la guerre, leur propre voie. Il ne se souvient pas si son (ancien) collaborateur Mukamba s’est arrêté au Sud-Kasaï avant de se rendre d’Élisabethville à Léopoldville. Certains membres de la commission lui reprochent dès lors d’avoir une mémoire sélective.

Données biographiques

Né à Hemptinne (Kasaï), le 8 juin 1929. Études : diplômé comme assistant agronome. Interrompt ses études à l’Université catholique de Louvain. En Afrique : Délégué national MNC. Chef de l’État du Sud-Kasaï : président, roi. Divers : Cofondateur du MPNC. Siège dans diverses organisations provinciales. Co-organisateur de la première conférence des partis politiques du Congo (1959). Lors de la scission du MNC, choisit la branche anti-Lumumba avec, entre autres, Ileo et Kimbimbi. Le MNC de Kalonji tente de se rapprocher de l’Abako.Vice-président du Congrès fédéral d’Isantu (décembre 1959). Tente en vain de réunir les deux ailes du MNC. Chef de la délégation du MNC-Kalonji à la conférence de la Table ronde. Cosignataire de l’Accord de Bruxelles (février 1960) destiné à régler les relations entre les Lulua et les Baluba. Lumumba contraint Kalonji à l’opposition si bien qu’il s’alliera à Tshombe. Observateur à la Conférence de l’Afrique latine à Abidjan (octobre 1960). Participe à la petite Table ronde congolaise (janvier 1961). Signataire de l’accord militaire Léopoldville-BakwangaÉlisabethville.

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