vendredi 21 septembre 2012

Témoignage de HOCKERS MARYSE sur l'assassinat de LUMUMBA

Présentation du témoin

Diplômée de l’Université de Liège, Maryse Hockers travailla dès 1957 au service du professeur Arthur Doucy, qui dirigeait l’Institut de Sociologie (Solvay) de l’ULB, et qui fut conseiller de la Balubakat à la Table Ronde. Doucy apportera son soutien à Bomboko, son ancien élève. Agée d’une trentaine d’années, Maryse Hockers se rendit au Congo en qualité d’observatrice et d’enquêtrice pour l’Institut Solvay, plus précisément au Katanga Accusée de manoeuvrer contre Tshombé, réputée indésirable par l’Union Minière et Schöller, elle fut priée de quitter le Katanga. Elle se rendra à Léopoldville et deviendra secrétaire de cabinet du ministre Lumumba, jusqu’à sa chute le 5 septembre 1960. Maryse Hockers peut éventuellement apporter un éclairage sur la période antérieure à l’Indépendance, sur la situation au Katanga, et sur la période où Lumumba exerça la charge de premier ministre. Les questions suivantes sur le sujet sont pertinentes pour l’enquête de la commission :— Peut-elle informer la commission de son séjour au Katanga et de ses relations avec l’Union Minière ?— Quand a-t-elle rencontré Lumumba ?— En quoi consistaient ses fonctions en tant que secrétaire de cabinet de Lumumba ? Quelle était la fréquence de ses contacts avec le premier ministre Lumumba ? Avait-elle accès à des informations confidentielles ? Qui étaient les autres collaborateurs belges de Lumumba ? Entretenait-elle des contacts avec des milieux politiques belges et d’autres milieux ?— Le fait qu’elle était devenue secrétaire de cabinet a-t-il modifié ses relations avec Arthur Doucy ? Quelle relation a-t-elle maintenue avec ce dernier ?— Quelles furent les relations entre Lumumba et les autorités belges après le 30 juin et jusqu’à la veille de la mutinerie de la Force Publique ? A-t-on assisté à des tentatives de rapprochement, de réchauffement ?— Quelle fut la réaction de Lumumba à l’annonce de la mutinerie ? Etait-ce un événement spontané ? Sinon Lumumba a-t-il pointé du doigt ceux qui, à ses yeux, étaient responsables ? Que penser de l’hypothèse qui consiste à dire que Lumumba est à l’origine de la mutinerie ?— Après avoir été empêché de débarquer à Elisabethville avec Kasa Vubu, et après avoir vu son avion détourné vers Léopoldville le 14 juillet, sur ordre du général Cumont adressé au pilote, alors qu’il souhaitait se rendre à Stanleyville, Lumumba a-t-il changé et dans quelle mesure ?— Maryse Hockers a-t-elle accompagné Lumumba lors de son voyage en Amérique ? Des membres de l’opposition à Lumumba l’ont-ils approchée à cette époque ou à quelque autre moment que ce soit ?— Après le retour de Lumumba de l’étranger, en août 1960, a-t-elle assisté à la préparation des mesures à prendre dans le cadre de la proclamation de l’état d’exception ? Si oui, peut-elle évoquer cet épisode et le rôle de Lumumba ?— Le témoin a-t-il été au courant de l’ordre donné par Lumumba comme ministre de la Défense pour l’envoi de troupes au sud-Kasaï en vue de sévir contre cette province ? Dans ce contexte de prise de décision, quel fut le rôle de Kasa Vubu, de Mobutu et de Lumbala ?— Dans quelles circonstances le témoin est-il rentré en Belgique ?— A-t-il conservé un contact avec Lumumba après sa chute, et sa mise en résidence surveillée ? Si oui, par quel canal ?— Quand, dans quelles circonstances et par qui le témoin a-t-il appris la mort de Lumumba ? Si c’est avant le treize février 1961, était-ce sous la forme d’une rumeur, ou d’une information précise ? A-t-il transmis cette information à quelqu’un ?

Témoignage

Maryse Hockers a été entendue par la commission d’enquête le 11 juin 2001. Elle est arrivée pour la première fois au Congo en 1957. Elle y est ensuite retournée en 1959 et en 1960. Elle s’est initialement rendue au Congo pour réaliser une étude en sciences sociales pour le compte de l’Institut de sociologie de l’ULB (qui bénéficiait, certes indirectement, du soutien de l’Union Minière, par l’intermédiaire de son centre pour l’étude des problèmes sociaux indigènes). Dans son témoignage, elle fait état d’une éventuelle fraude lors des élections, au Katanga. Par la suite, Hockers s’est rendue à Léopoldville afin d’y devenir, à la demande de Pierre Duvivier, chef de cabinet de Lumumba, attachée au cabinet du premier ministre Lumumba. Pour ce qui concerne cette période, il convient de préciser que le cabinet concerné ne fonctionnait en fait pas normalement. Personnellement, elle n’a jamais joué de rôle politique actif au sein du cabinet. Interrogée sur les relations existant entre Lumumba et les autorités belges après le 30 juin 1960 et sur la mutinerie de la Force Publique, Hockers a répondu que la décision d’envoyer des troupes belges sans recueillir l’avis du premier ministre Lumumba, qui était également ministre de la Défense, a été un élément décisif dans la rupture. Hockers ne pense pas que Lumumba ait été luimême l’instigateur de la mutinerie de la Force Publique. Elle n’a pas écrit le fameux discours prononcé par Lumumba à l’occasion de l’indépendance, mais estimait néanmoins que le premier discours prononcé par le roi Baudouin contenait, lui aussi, des passages inadéquats. Il n’en demeure pas moins que des tentatives de rapprochement entre les deux camps ont bel et bien été entreprises. Lumumba écrivait généralement lui-même ses discours. Au début, les relations entre Kasa Vubu et Lumumba n’étaient certainement pas mauvaises. Avec Mobutu, une certaine tension était perceptible. À un moment donné, à la fin de la conférence panafricaine, Hockers a été arrêtée par Nendaka; ensuite, elle a décidé de quitter le Congo. Quelque chose se préparait à ce moment; Bomboko a confié ses enfants à Hockers. Le témoin avait l’impression qu’il existait un gouvernement parallèle. À l’instar du grand public, elle a appris la nouvelle de la mort de Lumumba par la presse. Elle souligne que la presse belge a fortement diabolisé le personnage de Lumumba et qu’elle s’est fait l’instrument d’une véritable campagne de désinformation. Lumumba ne s’est toutefois pas laissé influencer par les Belges de son entourage. En fait, il n’était pas anti-Belge. Au contraire, il a demandé aux Belges de rester, conscient que le pays avait besoin d’eux. Hockers pense que Lumumba a été tué à la maison Brouwez, sans toutefois disposer de preuves pour étayer son opinion. Elle a le sentiment que l’exécution dans le bois était une mise en scène et que la destruction des corps a été dictée par la crainte que les tortures soient découvertes.

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