vendredi 21 septembre 2012

Témoignage de DURIEUX JEAN sur l'assassinat de LUMUMBA

Présentation du témoin

Jean-Joseph Durieux était chef de cabinet de Raymond Scheyven, ministre sans portefeuille, chargé des Affaires économiques et financières du Congo belge et du Ruanda-Urundi. Les questions suivantes étaient pertinentes :— Quelles fonctions a exercées le témoin au cours de la période 1960-1961 ?— Comment est-il devenu chef de cabinet de Scheyven ? Avait-il eu précédemment des contacts avec le Congo ? En a-t-il entretenu par la suite ?— En quoi consistait la mission du ministre Scheyven après l’indépendance du Congo ?— Après le 5 septembre 1960, Durieux a-t-il également accompli des tâches pour le nouveau ministre des Affaires africaines, Harold d’Aspremont Lynden ? Il n’a pas été repris dans le cabinet de ce dernier. Y a-t-il une raison particulière à cela ?— Du 14 au 28 août 1960, des discussions ont eu lieu à Genève au sujet de la liquidation de la Banque centrale pour le Congo belge et le Ruanda-Urundi. Durieux a-t-il participé à ces discussions ou à leur préparation ?— Le 9 août 1960, le gouvernement a décidé qu’en tant que ministre, Scheyven ne pouvait pas participer à ces négociations, étant donné que les relations diplomatiques avaient été définitivement rompues. Scheyven s’est quand même rendu à Genève. Durieux l’a-t-il accompagné ? Avait-il connaissance des entretiens qu’avait le ministre Scheyven — en toute discrétion — avec les ministres Delvaux et Nkayi ? Quel était le sujet de ces entretiens ? Les relations entre le Congo et la Belgique ? La personne de Lumumba ? Son éloignement en tant que premier ministre ?— Le 26 août 1960, le Conseil des ministres a approuvé un (nouveau) poste budgétaire 19/1, d’un montant de 20 millions de francs, au titre de crédits pour dépenses exceptionnelles, sous la responsabilité exclusive du ministre sans portefeuille chargé des Affaires économiques et financières en Afrique (le ministre Scheyven). Ces crédits sont mieux connus sous la dénomination de « fonds secrets ».a. L’utilisation de « fonds secrets » était-elle une nouveauté ou cette pratique existait-elle déjà par le passé ? b. Qui a pris l’initiative de demander ces fonds ? Le premier ministre Eyskens ou le ministre Scheyven ? Y a-t-il eu un débat sur la pratique des « fonds secrets »avant leur approbation par le Conseil des ministres ? c. Lorsque le Conseil des ministres a approuvé ce crédit, connaissait-il l’affectation de ces fonds ?d. Comment et par qui ces fonds pouvaient-ils être utilisés ? e. Dans une note du 12 septembre 1960 de Durieux, il est question de deux contacts à Léopoldville : Jean Brück et Benoît Verhaegen. En sa qualité de chef de cabinet du ministre Scheyven, Durieux avait-il des contacts directs avec ces personnes ? Comment était-il entré en contact avec elles ? Que voulait-on dire par « lignes d’action souterraine » ?f. En ce qui concerne la coordination entre Brück et Verhaegen « à notre initiative » : qui l’a demandée ? g. Qui a décidé de l’affectation des fonds du département de l’Intérieur (8 millions pour Brück) ? Wigny ? Sur quels crédits les Affaires étrangères ont-elles prélevé ces fonds? h. Pourrait-on avoir davantage de précisions en ce qui concerne les fonds du département des Affaires africaines destinés à Jean Brück : à quoi étaient-ils destinés (2,5 millions pour le quotidien Courrier d’Afrique et 5 millions sans affectation précise). i. À quoi devaient servir les fonds du département des Affaires africaines destinés à Benoît Verhaegen ? (7 millions). Est-il exact que ces fonds étaient destinés à Ndele, chef de cabinet du ministre des Finances Nkayi ? Et quelle était la raison de ce paiement ? j. Quel rôle le président de la CSC, Cool, a-t-il joué dans le transfert de ces fonds ? k. À quoi étaient destinés les fonds secrets de la Défense et de quel montant s’agissait-il ? l. Le témoin a-t-il eu connaissance de « fonds secrets» destinés au Sud-Kasaï?

Témoignage

2.1. Jean-Joseph Durieux a été entendu par la commission d’enquête le 18 juin 2001. 2.2. Durieux était le chef de cabinet du ministre Scheyen, nommé ministre à la fin de l’année 1959. Il a quitté ses fonctions au début du mois de septembre 1960, après le remaniement gouvernemental lors duquel les ministres De Schrijver et Ganshof ont également été remplacés, et lors duquel d’Aspremont Lynden a été nommé ministre. Les compétences du ministre Scheyen couvraient surtout les matières économiques, financières et monétaires. Durieux était effectivement présent à Genève, en août 1960, lors d’une rencontre avec le ministre congolais des Finances au cours de laquelle diverses questions monétaires, ainsi que l’organisation et le fonctionnement de la Banque centrale ont été débattus (en dépit de la rupture des relations diplomatiques avec la Belgique). L’une de ces questions portait sur la séparation de la banque centrale du Congo, et de celle du Rwanda-Urundi.Les Congolais souhaitaient rétablir des relations avec la Belgique, et ce, en tout cas dans le domaine des finances et de l’économie. 2.3. Durieux ne se souvient pas que son ministre ait disposé des fonds secrets, mais il se souvient qu’il a disposé de moyens spéciaux, alloués en dehors du budget des colonies, pour financer de manière souple et discrète des opérations visant à assister le gouvernement congolais dans le domaine économique. Le président de la commission d’enquête a toutefois attiré l’attention du témoin sur le fait qu’une note rédigée par lui à l’intention du successeur du ministre Scheyven traite en détail de ces fonds secrets, qui servaient apparemment à financer des opérations et des réseaux secrets. Durieux trouve cela étrange et ne reconnaît pas là la manière d’agir du cabinet Scheyven. Le ministre Scheyven passait, au sein du gouvernement, pour un partisan de l’unité du Congo. Durieux ne peut guère fournir d’explications à la commission concernant l’affectation, la gestion et le contrôle de ces fonds. Il pense qu’il s’agissait de crédits qui n’avaient pas leur place dans le budget des colonies et que l’on devait plutôt considérer comme une sorte de budget destiné à la coopération technique (qui n’existait pas encore formellement à cette époque). L’inscription de ces crédits se justifiait également pour des raisons de vitesse, de souplesse et de discrétion. La discrétion s’imposait parce que, formellement et officiellement, les relations avec le Congo avaient été rompues, de sorte que l’on pouvait difficilement financer des opérations congolaises. 2.4. En commission, il a été demandé dans quelle mesure l’échange entre les ministres Scheyven et d’Aspremont constituait une rupture sur le plan technique, sur celui des dossiers transférés ainsi que sur le plan de l’appréciation politique de la situation. Selon Durieux, il y avait incontestablement une divergence de vues entre Scheyven et d’Aspremont. Le transfert des dossiers et des compétences a été assez laborieux. Une des questions à régler concernait par exemple l’élaboration d’un st atut pour les Belges qui continuaient à travailler pour le gouvernement congolais.

Données biographiques

Né à Wiers le 25 septembre 1924. Formation : Licencié en sciences économiques.Divers : 1950-1958 : Fonctionnaire à l’ Office belge du Commerce extérieur. 1959-1960 : Chef de cabinet adjoint du ministre des Affaires africaines Chef de cabinet du ministre des Affaires économiques et financières pour le Congo et le Rwanda-Urundi. 1960-1969 : Chef de division à la Commission européenne. 1969-1981 : Directeur, puis directeur général adjoint à la Direction générale pour le développement 1972-1974 : Participation aux travaux préparatoires et aux négociations pour la Convention de Lomé I. 1975-1976 : Négociateur (pour la Communauté) de l’accord commercial avec Israël et des accords de coopération avec les trois pays du Maghreb. 1976-1977 : Porte-parole de la CEE à la Conférence pour la Coopération économique internationale à Paris. 1977 : Chef de cabinet du vice-président Davignon. 1978-1979 : Négociateur pour la Convention de Lomé II. Chef de la délégation de la Commission pour la CNUCED III. Editeur de « Le Courrier » (ACP-CEE). 1981-1984 : Chef de cabinet du président de la Commission européenne, Thorn. Représentant du président de la Commission lors des travaux préparatoires des sommets économiques sur l’Est. 1985-1990 : Conseiller, puis directeur général du directorat général pour les relations Nord-Sud. Depuis 1990 : Directeur général honoraire Conseiller spécial (Commission européenne) 1991-1995 : Président du Groupe économique de la commission internationale pour l’ex-Yougoslavie

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire