(La Libre 04/09/2012)
L’annonce du retrait de troupes rwandaises admises au Kivu
fait l’effet d’un coup de tonnerre dans l’opinion. Elle mobilise l’opinion
contre le chef de l’Etat.
L’annonce, vendredi, par Kigali, que le Rwanda
"retirait les deux compagnies de ses forces spéciales qui travaillaient aux
côtés de leurs homologues des FARDC (NdlR : armée congolaise) dans un bataillon
conjoint opérant à Rutshuru, au Nord-Kivu", a suscité un tollé au Congo, où la
majeure partie de l’opinion ignorait ou avait oublié que des soldats rwandais se
trouvaient toujours en territoire congolais.
Les deux pays sont en effet
à couteaux tirés, depuis des semaines, en raison d’un rapport d’experts de l’Onu
indiquant que Kigali a armé, équipé et soutenu par l’envoi de recrues la
mutinerie congolaise du M23 au Nord-Kivu. Ces derniers jours, les deux capitales
s’expliquent devant le Comité de l’Onu pour les sanctions et le ministre
congolais des Affaires étrangères a évoqué - le jour même de l’annonce rwandaise
- une "situation de guerre" entre les deux pays.
L’annonce du retrait
rwandais a semé une certaine confusion côté congolais, où le porte-parole du
gouvernement a d’abord indiqué ce week-end, selon Radio France internationale,
ne pas être informé "d’une présence non autorisée des forces rwandaises après la
fin des opérations conjointes depuis le 25 février 2009".
De son côté,
le ministre congolais de la Défense, Alexandre Luba Ntambo, indiquait que les
forces évoquées par Kigali faisaient partie d’un bataillon "public" et
"officiel", mis en place en mars 2011, composé de deux compagnies de forces
spéciales congolaises et deux rwandaises, chargées de combattre ensemble les
FDLR (rebelles hutus rwandais issus des génocidaires).
Dimanche, le
porte-parole a indiqué que le nombre d’hommes concernés "ne pouvait pas dépasser
50" (deux compagnies feraient environ 280 hommes) affectés à la surveillance
conjointe de la frontière commune. Et d’ajouter : "Nous savons que, dans les
discussions que nous avons eues avec eux pour cette surveillance commune, il ne
devrait pas y avoir plus de 100 officiers de chaque côté."
Rien n’est
dit, cependant, pour expliquer pourquoi les forces rwandaises se trouvaient
encore au Congo jusqu’au week-end dernier, alors que le président Kabila avait
annoncé en avril dernier la fin des opérations contre les FDLR - annonce qui
avait mécontenté Kigali et, selon plusieurs analystes, expliquerait les raisons
pour lesquelles les autorités rwandaises auraient aidé le M23, créé le 6 mai,
soit après l’annonce de la fin des opérations contre les FDLR.
Quoi qu’il
en soit, l’annonce a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans la rue congolaise
et sur Internet, où nombreux sont les opposants à Joseph Kabila qui l’accusent
de "haute trahison" , en reprenant les vieilles accusations selon lesquelles il
n’est pas congolais mais rwandais. Beaucoup de Congolais de la rue ne peuvent
s’expliquer qu’ainsi l’incapacité de leur armée (95 000 hommes) à mettre fin à
la mutinerie du M23 (300 hommes au départ, 400 à 600 aujourd’hui, selon une
source onusienne).
Les élections frauduleuses, à l’issue desquelles
Joseph Kabila s’est maintenu au pouvoir, et la répression de toute contestation
de ces résultats, ont accentué l’impopularité du chef de l’Etat là où il était
déjà peu aimé. Ainsi, à Kinshasa, on signale que dans la foule qui marche chaque
jour pendant des heures, faute de transports en commun, le long des grandes
artères, des groupes de piétons entonnent maintenant des hymnes religieux dont
ils modifient les paroles en : "Seigneur, tue Kabila comme tu avais tué son
père"; tapent sur les véhicules; chantent l’hymne national de Mobutu, "La
Zaïroise", et des chants de l’ex-parti unique à la gloire de Mobutu, repris en
chœur par des passants.
Marie-France Cros
Mis en ligne le
04/09/2012
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