mercredi 19 septembre 2012

James Kabarebe, les Nations Unies et l’histoire immédiate de la RD Congo(suite et fin)

(Congo Libre 19/09/2012) Pour plusieurs compatriotes, lire l’interview que Colette Braeckman a organisé avec James Kabarebe et qui a été publiée le 29 août ne servait pas à grand-chose. Nous avions été, nous aussi, de cet avis jusqu’au moment où, au contact du texte, nous l’avions trouvé intéressant. Les questions de Colette Braeckman et les réponses de James Kabarebe méritaient d’être pensées. Il fallait par exemple repenser la nature des relations du Rwanda de Paul Kagame avec la communauté dite internationale en écoutant James Kabarebe soutenir qu’il n’y a pas de pression contre son pays. Telle a été l’une des tâches de la première partie de cet article. Elle a rappelé certains lieux communs. Cette deuxième partie ira dans le même sens en portant une insistance particulière sur les effets de cette sortie médiatique sur le réseau de prédation transnational pillant nos matières premières et sur la suite à réservé aux discours débités à partir du Rwanda par les escadrons de la mort opérant autour de leur chef, Paul Kagame.

Quand nous lisons ou écoutons James Kabarebe, nous ne devrions pas perdre de vue que, comme son chef, il est un criminel multirécidiviste. Sa dernière sortie médiatique nous a permis de comprendre qu’il y a eu un dysfonctionnement au niveau du réseau transnational de prédation de nos matières premières à partir de ses deux centres névralgiques que sont Kigali et Kinshasa. Mais il n’est pas exclu que ce dysfonctionnement relève de la mise en scène, de la théâtralisation politique. Mettre à nu les pratiques secrètes d’une coalition entre Kigali et Kinshasa en donnant l’impression de s’acharner sur l’un ou l’autre membre du réseau transnational de prédation ne signifie pas que ce réseau de la mort soit démantelé. Non. Une petite preuve. Les bataillons de soldats Rwandais troquant l’uniforme congolaise de théâtre contre la leur propre pour dire au revoir à leurs complices congolaises ont fait semblant de partir de chez nous la journée et ils sont revenus la nuit ou par d’autres petits sentiers.
Disons, donc, que sans le démantèlement du réseau transnational de la mort de la sous-région des Grands-Lacs, les critiques de son dysfonctionnement risquent de ne pas servir à grand-chose. Vigilance oblige ! Même si ce dysfonctionnement ouvre des brèches où les combattants-Résistants et les mouvements sociaux congolais peuvent s’engouffrer et éviter d’être les dindons de la farce du jeu des dupes qui perdure chez nous.
Quand nous lisons ou écoutons James Kabarebe, nous devrions savoir que le FPR a ses dissidents et ses opposants. Eux, au jour d’aujourd’hui, sont d’avis qu’ils se sont débarrassés d’un dictateur (Habyarimana) pour embrasser un tyran (Paul Kagame). L’un des ex-proches de Kagame, aujourd’hui en exil et membre fondateur du Congrès National Rwandais, a écrit un texte qui devrait inciter plusieurs d’entre nous à la méditation quand ils traitent du Rwanda de Paul Kagame. Le 1er octobre 2011, un an après la publication du Rapport Mapping, Théogène Rudasingwa, c’est de lui qu’il s’agit, publie un texte intitulé : « La vérité, enfin ».
Dans cet article-confession, M. Rudasingwa affirme que le FRP, après le 06 avril1994, a vendu beaucoup de mensonges au monde. Les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les universitaires, les hommes et les femmes politiques se sont abreuvés aux mensonges du FPR en passant à côté des crimes orchestrés par Paul Kagame. Dieu merci ! Au jour d’aujourd’hui, les crimes de « l’homme fortifié » de Kigali sont très bien documentés et les textes qui en parlent peuvent être lus sur certains sites et blogs rwandais tels que Jambonews ou www.france-rwanda.info. Dans son article, M. Rudasingwa, contrairement à ce que soutiennent certains politiques occidentaux et les escadrons de la mort du système Kagame, soutient, à raison, que le Rwanda est un pays malade. (Pendant que certains d’entre nous croient dans les bobards de James Kabarebe parlant de la discipline de l’armée rwandaise, ceux qui connaissent ce pays de l’intérieur ont un avis contraire.) James Kabarebe reconduisant ces mensonges enlève au Rwanda de Kagame (ainsi qu’à ses collabos du Congo (RD)) toute crédibilité et tout respect.
Quand nous écoutons James Kabarebe ou Paul Kagame, il est aussi important d’écouter les autres Rwandais, se situant en dehors du système. Cela présente plusieurs avantages : avoir plusieurs sons de cloche sur un petit pays satellite des puissances occidentales sur le déclin ; envisager la renaissance des pays des Grands-Lacs à partir des alliances possibles avec d’autres acteurs de la sous-région ; approcher la dimension spirituelle de notre commun ensauvagement et de notre commune inhumanité. Il serait fou que par réaction au discours de Kagame et de ses escadrons de la mort, nous nous engagions dans un processus d’inhumanisation dont ses parrains, malades spirituellement et moralement, tirent des bénéfices matériels. (Lire entre autres T. DELPECH, L’ensauvagement. Le retour de la barbarie au XXIe siècle, Paris, Grasset, 2005, A. MAALOUF, Le dérèglement du monde, Paris, Grasset, 2009 et R. PETRELLA, Pour une nouvelle narration du monde, Montréal, Ecosociété, 2007)
Contrairement aux apparences, la guerre de basse intensité menée contre notre pays par les grandes puissances sur le déclin pose la question de l’apport de l’Afrique centrale à l’humanisation du monde. Est-elle capable de rompre avec la spirale de la violence en protégeant ses fils et filles contre les assauts cupides et inhumains de ceux qui ont fait de l’argent (pour l’argent) un principe de vie et/ ou de mort ou va-t-elle « réagir » en offrant le sang de ses filles et fils aux vampires ? Comment peut-elle rompre avec « la réaction » pour des actions responsables donatrices de vie ? La réponse à ces questions ne viendra pas du système mis sur pied dans la sous-région des Grands-Lacs par le réseau transnational de prédation depuis l’assassinat de Patrice-Emery Lumumba. Il doit s’inventer à parti des nouvelles coalitions entre Congolais, Rwandais, Burundais, Ougandais et autres Africains amoureux de la liberté, de la responsabilité et de la vérité. Ces nouvelles coalitions exigeront comme matrice organisationnelle la recréation de véritables Etats-nations au Congo, au Rwanda, en Ouganda, au Burundi, etc. N’empêche que les nouvelles coalitions en facilitent l’éclosion. Il y a va de la vie ou de la mort de notre commun espace vital. Le temps joue contre nous. Le Nord, dans son mode de fonctionnement actuel, ne nous est pas d’un grand secours. Il s’est perverti moralement et éthiquement. Il nous faudra, peut-être, chercher d’autres alliés ailleurs. Le Nord, ou du moins ses véritables cercles du pouvoir, opère par-delà le bien et le mal. Les peuples qu’il embrigade dans sa croisade subissent sa loi : ils doivent, eux aussi, opérer par-delà le bien et le mal.
La lutte est âpre. Contrairement aux apparences.

Mbelu Babanya Kabudi

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