(Le
Potentiel 19/10/2012)
La fin de la guerre dans l’Est du pays relève avant tout de
la compétence du gouvernement. Après le soutien des pays francophones, l’Onu
montre sa disponibilité à aider la RDC. Reste à Kinshasa de saisir la balle au
bond pour une adhésion internationale à sa cause. Pour cela, tous les fronts
(militaire, politique, diplomatique) doivent être actionnés mais en embrayant
plus sur l’offensive diplomatique.
Pour couper court à toutes les
machinations fomentées par des lobbies extérieurs qui soutiennent l’action du
M23, la RDC est obligée de sortir véritablement du bois. L’offensive
diplomatique amorcée à travers la CIRGL ne semble pas donner des résultats
escomptés. Le leadership sous-régional étant impliqué dans la déstabilisation du
pays, il ne sert plus à rien d’aller chercher la solution auprès du
pyromane.
Les réserves exprimées quant à l’implication du Rwanda dans la
rébellion menée dans la partie Est du territoire national par les mutins du M23
n’ont plus droit de cité. La timidité du ton, tel que constaté le 17 octobre de
la part des officiels congolais n’est pas à la mesure de la gravité de la
situation. En effet, le mercredi 17 octobre 2012, les autorités congolaises ont
appelé à des sanctions contre toutes les personnes morales et physiques qui
apportent leur soutien au M23.
Alors que le rapport final des experts de
l’ONU ne fait pas mystère sur la désignation des agresseurs de la RDC, à
Kinshasa on fait la fine bouche. Pour des raisons qui restent à élucider, les
autorités congolaises ne se montrent pas promptes à citer nommément le Rwanda et
l’Ouganda. .
Avec l’intensification de la pression exercée
particulièrement par l’ONU sur ces deux capitales, l’on comprend aisément les
raisons qui ont poussé le Rwanda a refusé d’endosser la Résolution du 14ème
Sommet de la Francophonie qui appelait d’un côté «le Conseil de sécurité des
Nations unies à adopter des sanctions ciblées contre tous les responsables des
exactions commises dans l’Est de la République démocratique du Congo », tout en
soulignant, de l’autre côté, « combien il importe que le gouvernement congolais
s’emploie activement à poursuivre en justice les auteurs des crimes de guerre et
des crimes contre l’humanité commis dans le pays et combien la coopération
internationale s’impose en la matière, et encourageons l’Organisation
internationale de la Francophonie à soutenir les actions menées dans ce sens,
conformément aux Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface ».
Juste
après la messe francophone, l’Onu est, une fois de plus, revenue à la charge, en
dénonçant publiquement la mainmise évidente du Rwanda et de l’Ouganda sur la
rébellion menée par les troupes du M23. Il est étonnant cependant de constater
qu’à Kinshasa, l’on continue à faire profil bas, feignant d’ignorer la réalité
dans l’Est du pays où Kigali et Kampala s’activent à renforcer les positions du
M23.
C’est le moment, pense-t-on, de briser les glaces, de rompre le
silence pour amener la communauté internationale à agir en mettant fin aux
hostilités de manière à protéger les paisibles Congolais condamnés à l’errance
dans la partie Est du pays. Mais, le monde ne saura pas se mobiliser si Kinshasa
se montre – comme c’est le cas actuellement - de plus en plus complaisant envers
les agresseurs, en l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda.
Après les
dernières révélations de l’Onu, on se trouve bel et bien devant un cas de
flagrance où des pays œuvrant tous au sein d’une organisation sous-région, à
savoir la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL),
jouent un double jeu pour démanteler dans son format du 30 juin 1960 les
frontières de la RDC.
La main tendue de la France
A Kinshasa, le
président français, François Hollande, a réaffirmé tout haut que « les
frontières de la RDC sont intangibles et qu'elles doivent être respectées. Je
souhaite que les francophones appuient tous les efforts de l'ONU pour qu'elle
soit davantage présente ici en RDC, pour la sécurité de l'Est. Je suis favorable
à ce que le mandat de la MONUSCO puisse être précisé, élargi si c'est nécessaire
», a ajouté le président français.
La RDC saura-t-elle saisir la perche
qui lui est superbement tendue ? Difficile à dire pour l’instant. Car, dans la
capitale congolaise, parler ouvertement du Rwanda ou de l’Ouganda comme pays
agresseurs passe encore pour un sujet tabou. Il est temps pour la RDC de mettre
véritablement en marche sa diplomatie. L’heure a sonné pour Kinshasa de
capitaliser l’ensemble des appuis extérieurs engrangés tout le long de la crise
déclenchée par le M23. A l’Onu tout comme, récemment, au 14ème Sommet de la
Francophonie tenue à Kinshasa, la RDC obtient, de plus en plus, du soutien à
partir des partenaires extérieurs.
Après cette série de dénonciations,
l’on devait vite passer à l’étape ultime des sanctions pour fragiliser tous les
soutiens qui se sont mobilisés derrière le M23. Or, une telle action ne peut
être envisagée que si Kinshasa porte courageusement son cas devant les instances
internationales compétentes.
Le pays est en danger, ce n’est plus le
temps d’user de la langue de bois. Tourner autour du pot, sans toutefois
aborder, à bras-le-corps le nœud du problème avec précision, ne participe pas
d’une volonté de résoudre le problème. La racine de la guerre dans l’Est du pays
est désormais connue. Elle porte les marques du Rwanda et de l’Ouganda. Comment
dès lors croire aux initiatives au sein de la CIRGL lorsqu’il devient établi que
Kampala soutient le M23 ? N’est-ce pas l’occasion de changer de fusil en
explorant d’autres pistes ?
La communauté internationale vient de donner
le ton, la balle est désormais dans le camp de Kinshasa. Des actes concrets sont
attendus du gouvernement. Des gestes et des déclarations qui rassurent. Et non
ceux qui pourraient être assimilés à la compromission ou la complaisance. En
encadré, la résolution sur la situation en RDC adoptée à Kinshasa à l’issue du
14ème Sommet de la Francophonie.
Encadré
Résolution sur la
situation en République démocratique du Congo
Nous, chefs d'État et de
gouvernement des pays ayant le français en partage, réunis les 13 et 14 octobre
2012 à Kinshasa, en République démocratique du Congo, à l’occasion du XIVe
Sommet de la Francophonie, Agissant en vertu de la Charte de la Francophonie et
des valeurs qu’elle promeut, notamment à travers les Déclarations de Bamako et
de Saint-Boniface ;
Exprimant notre forte préoccupation sur la situation
sécuritaire et humanitaire dans l’Est de la République démocratique du Congo du
fait des activités de tous les groupes armés, notamment les Forces démocratiques
pour la libération du Rwanda (FDLR) et le Mouvement du 23 mars (M23)
;
Prenant en compte toutes les résolutions des Nations unies sur la
situation en République démocratique du Congo, et en particulier la déclaration
du Conseil de sécurité du 2 août 2012 sur la situation dans l’Est
;
Réaffirmant notre attachement à la souveraineté, à l’intégrité
territoriale et à l’indépendance politique de la République démocratique du
Congo et de tous les États de la région ;
Saluant l’engagement du
gouvernement congolais à rétablir la paix et la stabilité dans l’Est de la
République démocratique du Congo ;
Condamnons les violations massives des
droits de l’Homme et du droit humanitaire dans l’Est de la République
démocratique du Congo, en particulier le meurtre de civils, le déplacement de
populations, le recrutement d’enfants soldats et les violences sexuelles
;
Tenons les dirigeants des FDLR, du M23 et de tous les groupes armés
pour responsables de ces violations et exigeons de ces mouvements qu’ils
déposent les armes et mettent fin immédiatement à ces exactions et à toute forme
de violence ;
Soutenons les actions que mènent les pays de la région des
Grands Lacs dans le cadre des rencontres successives de la Conférence
internationale sur la région des Grands Lacs visant à trouver une issue à la
situation sécuritaire dans la région ;
Appelons le Conseil de sécurité
des Nations unies à adopter des sanctions ciblées contre tous les responsables
des exactions commises dans l’Est de la République démocratique du Congo ;
(*)
Soulignons combien il importe que le gouvernement congolais s’emploie
activement à poursuivre en justice les auteurs des crimes de guerre et des
crimes contre l’humanité commis dans le pays et combien la coopération
internationale s’impose en la matière, et encourageons l’Organisation
internationale de la Francophonie à soutenir les actions menées dans ce sens,
conformément aux Déclarations de Bamako et de Saint-Boniface ;
(*)
Invitons les parties congolaise et rwandaise à poursuivre et
développer le dialogue afin de renforcer la confiance nécessaire à
l’instauration et à la consolidation de la paix ;
Saluons la mise en
place du Mécanisme conjoint de vérification élargi de l’Équipe militaire
d’évaluation et du Centre conjoint de renseignement comme point de départ
important dans la restauration de la confiance entre la République démocratique
du Congo et le Rwanda ;
Invitons le Secrétaire général de la Francophonie
à offrir ses bons offices aux fins de soutenir les efforts diplomatiques de la
Conférence internationale sur la région des Grands Lacs, tout en prenant en
compte le travail accompli par l’Organisation des Nations unies, l’Union
africaine et la Communauté de développement d’Afrique australe ;
Notons
avec intérêt la décision de la Conférence internationale sur la région des
Grands Lacs concernant le déploiement d’une Force internationale neutre ;
Appelons à une mobilisation des autorités congolaises et de la communauté
internationale pour relancer et consolider le processus de réforme du secteur de
sécurité afin d’offrir des garanties de paix, de sécurité et de stabilité au
peuple congolais ;
Apportons notre plein appui au processus de réforme du
cadre légal électoral engagé par les autorités congolaises, notamment en ce qui
concerne l’organisation et le fonctionnement de la Commission nationale
électorale indépendante (CENI) et appelons au renforcement de la coopération
avec la société civile ;
Réitérons notre soutien aux autorités
congolaises dans leurs efforts visant à renforcer le cadre juridique relatif à
la justice et aux droits de l’Homme, et les encourageons à poursuivre la lutte
contre l’impunité en s’appuyant sur les instruments juridiques nationaux et
internationaux pertinents ;
Encourageons l’Organisation internationale de
la Francophonie à poursuivre son action pour le règlement pacifique des crises
et des conflits, notamment à travers son soutien aux efforts déployés sur les
plans régional et international en vue du rétablissement d’une paix juste et
durable dans la région des Grands Lacs.
(*) Réserve du Rwanda sur ces
paragraphes
Écrit par Le Potentiel
© Copyright Le
Potentiel
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