mardi 30 octobre 2012

RDC : le M23 en ordre de bataille

 

Le colonel Sultani Makenga est devenu « général de brigade » de la branche militaire du M23 rebaptisée l’Armée révolutionnaire du Congo.
Le colonel Sultani Makenga est devenu « général de brigade » de la branche militaire du M23 rebaptisée l’Armée révolutionnaire du Congo.
REUTERS/James Akena

Par Habibou Bangré

Une trêve est observée entre l’armée et la rébellion qui déstabilise depuis mai l’est de la République démocratique du Congo. Mais le M23 manœuvre et se dit prêt à riposter.

Kalachnikov ou lance-roquettes en main, quelques dizaines de soldats patrouillent à Rumangabo, dans l’est de la République démocratique du Congo. La plupart portent l’uniforme des forces armées mais le cœur n’y est plus : ils se revendiquent du Mouvement du 23 mars (M23), une rébellion créée en mai et surtout composée d’ex-membres du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), intégrés dans l’armée après des accords en 2009.
Sur une terrasse du principal camp militaire de la province du Nord-Kivu, perchés sur les hauteurs verdoyantes, vallonnées et sinueuses de Rumangabo, des mutins jouent au billard. « Nous avons pris le camp à 27 militaires », se vante le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole du M23. Un trésor de guerre car, de là, ils ont une vue imprenable sur leurs positions à Runyonyi, Chanzu et Mbuzi, des collines adossées au Rwanda et à l’Ouganda.

Un calme précaire
Depuis août, on observe une trêve relative et, emmenés par l’Ouganda, les pays des Grands Lacs travaillent à la création d’une force neutre entre la RDC et le Rwanda. Un exercice périlleux. Des experts de l’ONU accusent Kigali - tout juste élue membre non permanent du Conseil de sécurité - de soutenir le M23, ce qu’elle dément. Ils mettent également en cause Kampala, qui réfute, pour des faits similaires.

« Il apparaît clairement qu’avec deux Etats pointés du doigt (…) les mécanismes de paix sont pour le moins grippés, si ce n’est complètement paralysés », analyse un expert de l'International Crisis Group (ICG). Les rebelles, eux, multiplient les rencontres. On croise ainsi le colonel Sultani Makenga, chef du bras armé, roulant à vive allure vers Bunagana, ville frontière avec l’Ouganda où s’est installé le président du mouvement, Jean-Marie Runiga.

Doucement, la trêve semble se fissurer. « De nouveaux mouvements de troupes régulières rwandaises ont été signalés au cours de la nuit du 14 au 15 octobre 2012 sur un nouvel axe du territoire de Rutshuru. Il s’agit vraisemblablement des préparatifs d’une nouvelle attaque », accuse un compte rendu du Conseil des ministres du 19 octobre, indiquant que l’armée a récemment infligé « une série de revers » au M23.

Sans négociation, le M23 reprendra l'offensive
Les loyalistes renforcent leurs positions pour « un assaut final contre nos positions, a répliqué le lendemain Jean-Marie Runiga. Nous demandons au gouvernement de cesser toute velléité belliciste et de revenir sur la table de négociation. Dans le cas contraire, le M23 se défendra ». Le même jour, sa branche militaire a été rebaptisée Armée révolutionnaire du Congo et le colonel Makenga a pris du galon en devenant « général de brigade ».
« Cela permet au M23 de faire oublier que leur principal leader est et reste Bosco Ntaganda », l’ex-chef d’état-major du CNDP recherché par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crime contre l’humanité, avec lequel le M23 nie tout lien, estime l’expert d’ICG. D’après lui, le groupe espère aussi « "congoliser" le M23 et ainsi essayer de faire disparaître le rôle du Rwanda ».

Le 22 octobre, Jean-Marie Runiga a débuté une tournée pour promouvoir le programme du M23. La participation et « les applaudissements lors du discours étaient obligatoires », dénonce dans un communiqué la société civile du Nord-Kivu. Le chef rebelle évoque pour sa part une affluence forte et spontanée et affirme que les villageois ont donné « mandat » au mouvement pour étendre son contrôle si Kinshasa ne négocie pas directement avec lui.

L'ONU se veut ferme envers le M23
Début août, l’ONU avait demandé au M23 de stopper son avancée vers Goma, la capitale du Nord-Kivu, à une vingtaine de kilomètres des mutins. Mais après un regain d’insécurité dû à des militaires et des civils, il a menacé d’aller « sauver » la ville si les violences se poursuivent. Confiantes, l’armée et la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco) martèlent que Goma est hautement sécurisée.

« Ils avaient dit que Bunagana ne tombera jamais, que Rutshuru ne tombera pas… Prendre Goma, c’est le jeu de quelques heures », ironise Benjamin Mbonimpa, l'administrateur du Rutshuru désigné par le M23. Combien sont-ils ? Secret défense, mais ils se réjouissent des nouvelles recrues « volontaires ». Rectification de l’ONU et des ONG : ils recrutent de force des civils, dont des mineurs, et gonflent leurs troupes en s’alliant à d’autres groupes armés.

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