lundi 10 décembre 2012

Vue de Kigali, la guerre qui a repris en RDC, là-bas à l'ouest, reste une poudrière

10/12/2012 à 15h:44 
Un rebelle hutu rwandais des FDLR, le 28 novembre.
Un rebelle hutu rwandais des FDLR, le 28 novembre. © James Akena/Reuters
Vue de Kigali, la guerre qui a repris en RDC, là-bas à l'ouest, reste une poudrière dont il faut se tenir éloigné.
 
En parcourant les 150 km qui séparent les faubourgs bruyants et colorés de Goma, la grande ville de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), des pelouses vertes d'Uwigiro village, le siège de la présidence rwandaise, à Kigali, on pourrait croire avoir changé d'univers. Mais, à l'heure où les cadres de la présidence avalent un déjeuner rapide, tous les regards se tournent vers la grande télévision branchée sur Al-Jazira en anglais, qui donne les dernières nouvelles de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23).
Ce 27 novembre, Kigali s'est réveillé avec l'annonce d'une incursion du Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR, rébellion hutue rwandaise en partie issue de la fuite des génocidaires en 1994). Pas de quoi semer la panique, mais tout de même une inquiétude : cela faisait des années qu'ils n'avaient pas pénétré sur le territoire. « Il y avait deux compagnies, soit entre 120 et 150 hommes, affirme le général Joseph Nzambamwita, porte-parole des Forces de défense rwandaises (RDF). Ils ont tué un civil et en ont blessé grièvement trois autres, avant d'être repoussés. »
Les Rwandais n'ont toutefois pas attendu cette dernière péripétie pour se passionner pour le conflit qui déchire l'est de la RDC, ce « pays qui peut devenir comme le Soudan », comme le titrait le bihebdomadaire en kinyarwanda Igihe, le 20 novembre, en référence à la sécession du Soudan du Sud. Le Rwanda est accusé par le groupe d'experts de l'ONU sur la RDC de soutenir le M23 depuis le début de sa mutinerie, en avril. Kigali a démenti ces accusations, mettant en cause l'indépendance du panel.
Cousins
À l'évidence, les rebelles congolais du M23 bénéficient d'une grande sympathie de la part des Rwandais.
À l'évidence, les rebelles congolais du M23 bénéficient toutefois d'une grande sympathie de la part des Rwandais. Ils parlent la même langue - le kinyarwanda - et disent combattre le même ennemi - les FDLR. Les rwandophones du Nord-Kivu, communauté dans laquelle ils recrutent principalement, sont vus comme des cousins aux traditions rurales encore très ancrées, dont on moque gentiment le parler mais dont on partage les inquiétudes. Aux 55 000 d'entre eux qui vivaient déjà dans des camps de réfugiés au Rwanda, début 2012, sont venues s'ajouter 20 000 personnes depuis avril, d'après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). À Kigali, on ne comprend pas toujours leur histoire dans toutes ses nuances - ils sont fréquemment nommés Banyamulenge, vocable qui désigne en réalité une ­communauté rwandophone du Sud-Kivu - mais on les soutient spontanément.
« Il y a eu, contre le M23, une campagne de désinformation comme je n'en avais jamais vu, s'insurge Faustin Kagamé, consultant en communication à la présidence rwandaise. On dit qu'ils pillent, qu'ils violent, qu'ils rançonnent la population. Mais ce ne sont pas eux qui ont ce type de comportement. » Faustin Mbundu, le président de la Fédération du secteur privé, a suivi la crise congolaise avec moins de passion, mais pas moins d'inquiétude. « Si les affrontements se poursuivent, que le commerce est touché avec la fermeture de la frontière, alors, bien sûr, il y aura un impact sur notre économie, sans compter la mauvaise image de la région donnée aux touristes », explique-t-il.
« En revanche, si la situation se calme, que des négociations sérieuses débutent et parviennent à stabiliser durablement le Nord-Kivu, cela pourrait être une bonne chose pour nous à long terme en facilitant les investissements dans la région », assure l'homme d'affaires. Les ressources minières de cette région (coltan, tantale, tungstène...), dont une partie est exportée illégalement via le Rwanda, selon le groupe d'experts de l'ONU, attisent les convoitises.
Sanctions
Les critiques acerbes contre le Rwanda par l'influente presse économique anglo-saxonne, dont le président Paul Kagamé est un lecteur attentif, n'arrangent rien.
Restent les coupes dans l'aide budgétaire au Rwanda, déjà annoncées par certains de ses bailleurs (la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, la Suède...) après les accusations de soutien au M23. Le ministre des Finances, John Rwangombwa, a prévenu, début novembre, que ces sanctions auraient des conséquences négatives sur la croissance économique du Rwanda si elles se poursuivaient au-delà de décembre. Les critiques, acerbes, contre le Rwanda par l'influente presse économique anglo-saxonne (The Economist, The Financial Times...), dont le président Paul Kagamé est un lecteur attentif, n'arrangent pas les choses. Mais à Kigali, le discours, officiel et officieux, reste le même : le Rwanda n'apporte aucun soutien au M23.
Cela n'empêche pas certains de s'interroger. « Je ne sais pas quoi penser de cette histoire, confie un jeune cadre. Nous avons des dirigeants intelligents, et je n'imagine pas qu'ils aient pu prendre la décision d'intervenir au Congo sans en mesurer les conséquences. La manière dont ils s'insurgent contre les accusations me fait penser qu'ils sont de bonne foi. Mais alors, je ne comprends pas pourquoi la communauté internationale tout entière nous accuse. »
Le fonds de développement Agaciro (« dignité », en kinyarwanda), qui doit permettre de compenser en partie la baisse de l'aide extérieure en incitant les patriotes rwandais à donner, se porte bien, selon ses initiateurs : 20 milliards de francs rwandais (24 millions d'euros) avaient été collectés fin novembre. « Bien sûr que j'y ai contribué, assure le jeune cadre. J'ai même participé à des événements pour lever des fonds. Mais cela ne m'empêche pas d'avoir des craintes sur les conséquences de cette affaire pour mon pays. Heureusement, l'entreprise pour laquelle je travaille ne vit pas que de son activité au Rwanda. »


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