vendredi 22 mars 2013

Est pris qui croyait prendre. Enfin Ntaganda à la CPI. Et le sort de ses militaires se trouvant à Kigali ?

(L'Avenir Quotidien 22/03/2013)
Le président rwandais Paul Kagame a affirmé que son pays apporterait tout le soutien nécessaire pour le transfèrement de Bosco Ntaganda vers la Cour pénale internationale

D’après Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, Bosco Ntaganda, qui s’est livré lundi 18 mars à l’ambassade des États-Unis au Rwanda, sera transféré à la Haye ce vendredi pour répondre des faits mis à sa charge. Des envoyés de la CPI se trouveraient déjà à Kigali afin d’y récupérer le chef de guerre rwandais

Si le transfèrement de Bosco Ntaganda est acquis, que sera alors le sort qui sera réservé à plus de six cents militaires qui l’accompagnaient, tenant compte des prescrits de l’Accord-cadre signé à Addis-Abeba selon lequel, les pays de la Région s’engagent à ne pas héberger ni fournir une protection de quelque nature que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou aux personnes sous le régime de sanctions des Nations Unies .

Le président rwandais, Paul Kagame, a surpris tout le monde en affirmant jeudi 21 mars que son pays apporterait tout le soutien nécessaire au transfert du rebelle Bosco Ntaganda vers la Cour pénale internationale (CPI), qui devrait être effectif aujourd’hui vendredi, selon la procureure de la juridiction, la Gambienne Fatou Bensouda.

« Nous allons travailler pour faire en sorte que tout ce dont l’ambassade américaine a besoin en lien avec l’affaire Bosco Ntaganda soit mis en œuvre aussi rapidement que possible », a déclaré Paul Kagame dans un communiqué. Lundi 18 mars, Bosco Ntaganda, l’un des seigneurs de guerre les plus recherchés de la région des Grands Lacs, a étonnamment choisi de trouver refuge à l’ambassade américaine de Kigali, dans des circonstances encore inconnues, demandant lui-même à être envoyé devant la CPI. Le rebelle congolais est accusé de viols, meurtres, pillages et enrôlement d’enfants-soldats entre 2002 et 2003 en RD Congo.

Cette attitude du président rwandais est à comprendre dans la mesure où il a subi des pressions de toutes sortes exigeant le transfert pur et simple de ce seigneur de guerre à La Haye. D’ailleurs, Johnnie Carson a appelé les autorités rwandaises, dont le général Ntaganda a été pendant longtemps une créature, à ne pas interférer dans le transfert du chef rebelle vers l’aéroport en vue de son départ pour la CPI. Soulignant que les « modalités pratiques » du transport de Bosco Ntaganda de l’ambassade à l’aéroport restaient à définir, il a néanmoins assuré que les « contacts » avec Kigali avaient été « ouverts et bons ». Selon Johnnie Carson, la remise de Bosco Ntaganda à la CPI enverra « un signal clair » aux autres chefs rebelles et permettra de pacifier l’Est de la Rdc.

La CPI déjà au Rwanda

Selon des sources crédibles, c’est depuis mercredi à Paris, que la procureur de la Cour pénale internationale (CPI), la Gambienne Fatou Bensouda, a déclaré que le général rebelle congolais Bosco Ntaganda serait transféré au Pays-Bas ce vendredi. « Nous travaillons étroitement avec ceux qui peuvent faciliter son transfert dans le délai le plus court possible », a indiqué Mme Bensouda au cours d’une conférence, estimant que Ntaganda serait à La Haye « dans les deux jours ».

Bosco Ntaganda, surnommé « Terminator », est notamment accusé par la CPI de divers crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, commis entre septembre 2002 et septembre 2003 dans l’Ituri (nord-est de la RDC). « Une fois qu’il sera transféré à la Haye il y aura une première comparution. Les juges fixeront une date pour la confirmation des chefs d’inculpation. D’après mon expérience, cela peut prendre trois mois », a-t-elle poursuivi.

Des envoyés de la CPI sont partis pour le Rwanda, afin d’y récupérer Bosco Ntaganda à Kigali, avait annoncé auparavant mercredi un haut diplomate américain. « Des responsables de la CPI sont, à l’heure où nous parlons, en route vers Kigali », a déclaré à la presse, par téléconférence depuis Washington, Johnnie Carson, le responsable de l’Afrique au Département d’État américain. « Le calendrier est fluctuant mais il est clair qu’il faut agir rapidement » et « les prochaines 48 heures seront cruciales », avait-il ajouté.

Quid de plus de 600 combattants du M23

Le monde peut à ce jour saluer la rapidité avec laquelle les négociations ont été menées en vue du transfèrement du Rwandais Bosco Ntaganda à la CPI. Curieusement, aucun mot n’a été dit au sujet de plus de six cents militaires du M23 qui ont trouvé refuges à Kigali après qu’ils aient été désarmés. Pour plusieurs observateurs, cette attitude du Rwanda ne peut que porter un coup dur à l’Accord-cadre signé à Addis-Abeba le 24 février 2013.

Car selon cet accord appuyé par toute la communauté internationale, les pays de la Région s’engagent à ne pas héberger ni fournir une protection de quelque nature que ce soit aux personnes accusées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’actes de génocide ou de crimes d’agression, ou aux personnes sous le régime de sanctions des Nations Unies.

En réalité, le Rwanda qui avait reçu cette visite inattendue des militaires du M23 avec à leur tête Bosco Ntaganda et le bishop Jean-Marie Runiga devait s’empresser non seulement pour alerter la communauté internationale, mais immédiatement prendre langue avec les autorités de Kinshasa pour le transfert de ces militaires vers leur pays.

Sinon, il sera difficile d’empêcher ceux des observateurs qui disent que les militaires du M23 sont rentrés au bercail, c’est-à-dire, là où ils ont été recrutés, formés et armés pour venir semer la terreur en Rd Congo. Si tel est le cas, il appartient donc au Rwanda de le dire clairement à la face du monde et d’accepter pour une fois sa responsabilité dans cette guerre d’agression imposée à la Rd Congo.

Le mystère reste entier

Jusqu’aujourd’hui, la façon dont Bosco Ntaganda a rejoint l’ambassade américaine à Kigali, quelques 150 km plus loin, reste inconnue. Le mystère reste entier. « Il n’aurait pas pu arriver à Kigali sans que personne ne le sache, d’autant plus que le Rwanda est un petit pays très contrôlé par les autorités », commente Carina Tertsakian de Human Rights Watch, sans toutefois en conclure que « les autorités l’ont livré à l’ambassade américaine ».

Pour Thierry Vircoulon, de l’International Crisis Group cité par Radio Okapi, Ntaganda a bien été pris en charge par l’armée rwandaise à son arrivée à la frontière. Après, les choses sont moins claires : l’a-t-elle escorté jusqu’à l’ambassade ou s’est-il échappé pour la rejoindre par ses propres moyens ? « A-t-il été menacé ? Y a-t-il eu un deal ? Je ne sais pas. Mais il a été livré sous pression ou incitation du gouvernement rwandais qui l’avait récupéré après sa défaite », estime Gérard Prunier, spécialiste des Grands Lacs.

Même s’il s’est montré coopératif dans cette affaire, il ne faut pas oublier que le Rwanda a toutefois été largement accusé par le passé d’entretenir des liens étroits avec les rebelles congolais et de protéger Bosco Ntaganda, notamment accusé par la CPI de viols, meurtres, pillages et enrôlements d’enfants-soldats entre septembre 2002 et septembre 2003 dans l’Ituri (nord-est de la RDC). Les ONG accusent également le rebelle d’être responsable de crimes dans la province du Nord-Kivu (Est de la RDC), où il est soupçonné d’avoir dirigé la rébellion du M23, qui a explosé en deux factions rivales fin février.

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