mercredi 27 mars 2013

  Bosco Ntaganda vers la CPI. Le feu vert des Etats-Unis
(L'Avenir Quotidien 20/03/2013)



Les Etats-Unis d’Amérique acceptent finalement de livrer Bosco Ntaganda à la Cour pénale internationale (CPI) afin qu’il y soit jugé pour les graves crimes internationaux dont il est accusé. Et ce, à la demande de la CPI qui a exigé un transfert immédiat à la Haye pour juger le suspect surnommé « Terminator » pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre

Pour beaucoup d’observateurs, la présence de Ntaganda sur le banc des accusés lors d’un procès équitable et crédible devant la CPI, enverrait un message fort aux autres criminels qui, eux aussi, pourraient bien un jour se retrouver face à la justice

Dans le contexte des pourparlers de paix avec le M23 qui se déroulent actuellement à Kampala, en Ouganda, le gouvernement congolais devrait honorer son engagement à ne pas réintégrer dans les rangs de son armée des violateurs notoires des droits humains

Enfin, le gouvernement américain accepte de livrer le dirigeant rebelle congolais Bosco Ntaganda à la Cour pénale internationale (CPI) afin qu’il y soit jugé pour les graves crimes internationaux dont il est accusé, a déclaré hier l’Ong Human Rights Watch. Et ce, d’autant que Ntaganda s’est rendu à l’ambassade des États-Unis à Kigali, au Rwanda, le 18 mars 2013. Le Département d’État américain a confirmé que Ntaganda se trouvait bel et bien à son ambassade et a indiqué être en train de consulter d’autres gouvernements afin de faciliter son transfert à La Haye, où siège la CPI, précisant que Ntaganda lui-même en avait fait la demande.

Il sied de souligner que c’est depuis plusieurs années que les États-Unis réclamaient l’arrestation de Ntaganda et son transfert à la CPI. Au début de 2013, ils ont ajouté Ntaganda à leur « Programme de primes pour la capture de criminels de guerre » (“War Crimes Rewards Program”), qui offre des récompenses financières aux personnes qui fournissent des informations pouvant mener à l’arrestation de suspects faisant l’objet de mandats d’arrêt de la CPI ou d’autres tribunaux internationaux.« Cela fait plus de dix ans que Ntaganda commande des troupes qui ont assassiné, violé et pillé dans l’Est de la République démocratique du Congo », a déclaré Ida Sawyer, chercheuse sur la RD Congo à Human Rights Watch, ajoutant que les États-Unis réclament sans relâche l’arrestation de Ntaganda depuis des années.

La CPI réclame Bosco

Saluant la reddition surprise du général rebelle congolais Bosco Ntaganda à l’ambassade des Etats-Unis au Rwanda, la CPI cherchait mardi à obtenir son transfert « immédiat » à La Haye afin de juger le suspect, surnommé « Terminator », pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre en République démocratique du Congo en 2002 et 2003. « La CPI salue la nouvelle de la reddition de Bosco (Ntaganda, ndlr), c’est une grande nouvelle pour la Rdc qui a souffert des crimes d’un fugitif de la CPI pendant trop longtemps », a indiqué le bureau du procureur de la Cour pénale internationale dans un courriel.

La fédération d’ONG Société civile du Nord-Kivu (Est de la RDC) a pour sa part estimé que le transfert de Bosco Ntaganda à la CPI serait un « tournant décisif vers la paix, la sécurité et honorera les victimes de crimes perpétrés par Ntaganda, des victimes toujours en attente d’une justice et d’un signal fort dans la lutte contre l’impunité ».

Pour la « Voix des sans voix pour les droits de l’homme » (VSV), le transfert rapide à la CPI de ce seigneur de guerre contribuera non seulement à la lutte contre l’impunité, mais constituera également un motif de soulagement pour les victimes de pires atrocités et crimes commis en Rd Congo.

L’ONU se félicite de la reddition de Bosco Ntaganda

La Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) s’est félicitée mardi de la reddition du chef rebelle congolais Bosco Ntaganda et de son transfert prochain à la Cour pénale internationale (CPI).

« La reddition de Bosco Ntaganda et son transfert prochain à la CPI permettront de faire avancer le processus de paix en République démocratique du Congo », a déclaré le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, Roger Meece, qui est également le patron de la MONUSCO. « C’est également un message fort adressé aux autres auteurs de violations des droits de l’homme, leur signifiant qu’ils ne peuvent échapper à la justice », a-t-il ajouté.

La Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Navi Pillay, s’est elle aussi félicitée de cette annonce : « La Haut Commissaire s’est régulièrement exprimée au sujet de M. Ntaganda, notamment en juin 2012, où elle avait publié un communiqué de presse qui mentionnait spécifiquement les différents leaders du M23 avec une mention particulière de M. Ntaganda. Elle avait rappelé que la CPI l’avait inculpé dès 2006 pour les crimes commis en Ituri en 2002 et 2003 et le recrutement d’enfants soldats », a précisé la porte-parole du HCDH, Cécile Pouilly lors d’une conférence de presse donnée aujourd’hui à Genève. « Nous avons dit de manière répétée que les auteurs de ces crimes devaient être traduits en justice et tenus pour responsables de leurs actes. Tout ce qui peut faire avancer la justice internationale est une bonne nouvelle », a ajouté la porte-parole du HCDH.

Pas de réintégration pour les violateurs des droits humains

Les pourparlers de Kampala entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 ne sont pas encore clos. Mais selon des sources crédibles, les délégués du gouvernement sont rentrés dimanche 17 mars à Kinshasa. François Muamba, l’expert du gouvernement à ces pourparlers, a même indiqué à Radio Okapi que sa délégation est rentrée sur demande du chef de l’Etat pour une consultation afin de déterminer une nouvelle feuille de route des négociations. D’après François Muamba, les pourparlers de Kampala ont eu comme retombées positives, notamment le fait que les rebelles du M23 ne progressent plus dans l’Est de la Rdc.

D’après une dépêche de l’AFP, Crispus Kiyonga, ministre ougandais de la Défense et médiateur de ces pourparlers, a affirmé que les négociations entre les rebelles congolais du M23 et les autorités de Kinshasa pourraient reprendre d’ici une semaine. Pour lui, les discussions, entamées depuis le 9 décembre 2012 vont se tenir entre la faction du chef militaire du M23 Sultani Makenga et le gouvernement de la Rdc. « En dépit des développements au sein du M23, aussi bien le gouvernement congolais que le M23 restent engagés au dialogue », a-t-il assuré.

Dans le contexte des pourparlers de paix avec le M23 qui se déroulent actuellement à Kampala, en Ouganda, le gouvernement congolais devrait honorer son engagement à ne pas réintégrer dans les rangs de son armée des violateurs notoires des droits humains. « La présence de Ntaganda sur le banc des accusés lors d’un procès équitable et crédible devant la CPI, enverrait un message fort aux autres criminels qui, eux aussi, pourraient bien un jour se retrouver face à la justice », a conclu Ida Sawyer. « Le gouvernement congolais doit jouer le rôle qui lui revient en enquêtant sur les crimes de guerre commis par son armée et en poursuivant les responsables en justice de manière équitable ».

Une reddition suspecte

Les Etats-Unis doivent maintenant s’assurer qu’il soit enfin traduit en justice, car les victimes de ces crimes attendent depuis trop longtemps. « Les raisons pour lesquelles Ntaganda s’est soudain rendu à l’ambassade des États-Unis et a demandé à être déféré devant la CPI ne sont pas claires », a déclaré Human Rights Watch. De récents affrontements armés, dans l’Est de la République démocratique du Congo(RDC), entre deux factions du groupe rebelle M23, dirigé par Ntaganda et d’autres commandants ont apparemment tourné à l’avantage de la faction opposée à Ntaganda.

La CPI avait émis en 2006 un mandat d’arrêt à l’encontre de Ntaganda pour crimes de guerre, spécifiquement pour avoir recruté et enrôlé comme soldats des enfants de moins de 15 ans et les avoir utilisés dans des combats, alors qu’il commandait des opérations militaires pour le compte de l’Union des patriotes congolais (UPC), un autre groupe rebelle, dans le district de l’Ituri, dans le Nord-Est de la Rdc, en 2002-2003. Son ancien allié Thomas Lubanga a fait l’objet des mêmes accusations et a été la première personne déclarée coupable par la CPI. En juillet 2012, la CPI a émis un second mandat contre Ntaganda pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, dont des meurtres, des viols, des faits d’esclavage sexuel, des pillages et des persécutions, qui auraient été commis pendant la même période.

Dans les années ayant suivi le conflit de 2002-2003, Ntaganda a rejoint d’autres groupes armés et a continué à mener des troupes responsables de graves violations des droits humains dans les provinces des Kivu, dans l’Est de la Rdc. En janvier 2009, aux termes d’un accord de paix qui mettait fin à une précédente rébellion, le gouvernement congolais l’a promu général dans l’armée nationale.

Il a occupé ce poste jusqu’en avril 2012, lorsqu’il a pris la tête d’une mutinerie, avec d’autres officiers, et créé un nouveau groupe rebelle, le M23. Depuis sa création, ce groupe armé a reçu un appui substantiel de la part de responsables militaires rwandais, selon des recherches effectuées par Human Rights Watch. Au cours de l’année écoulée, les rebelles du M23 se sont rendus coupables de nombreux crimes de guerre, parmi lesquels des meurtres, des viols et le recrutement d’enfants soldats.

Pour rappel, la CPI ne dispose pas d’une force de police et dépend entièrement de la coopération des gouvernements pour exécuter les mandats d’arrêt qu’elle émet. Les États-Unis ne sont pas signataires du Statut de Rome créant la CPI et, de ce fait, ne sont pas tenus légalement de coopérer à l’exécution des décisions de la cour. Toutefois, ils sont libres de le faire. L’intégration dans l’armée congolaise d’anciens chefs de guerre, dont beaucoup sont connus pour avoir commis des violations des droits humains, a généré une culture qui encourage les graves exactions, au lieu de les empêcher, a affirmé Human Rights Watch.

L’Avenir

© Copyright L'Avenir Quotidien
Visiter le site de: L'Avenir Quotidien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire