mercredi 10 octobre 2012
Sommet de la francophonie : ce voyage ne vaut plus la peine
(AgoraVox 10/10/2012)
A quelques jours du début du sommet de la francophonie, des échanges verbaux peu aimables ont fusé entre la France et le Congo. Mardi, lors d'une conférence de presse commune avec le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, le président Hollande a déclaré que la situation au Congo était « tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l'opposition » ; ce à quoi le porte-parole du gouvernement de Kinshasa a rétorqué : « …c'est au peuple congolais d'accepter ou ne pas accepter une situation au Congo » et d’ajouter : « nous ne voyons pas qui est plus attitré que le peuple congolais à accepter ou à ne pas accepter une situation » au Congo. Ambiance. On apprend par la suite qu’un sérieux dysfonctionnement s’est produit dans la préparation du voyage de François Hollande qui a longtemps hésité avant d’accepter de se rendre, finalement à ce sommet.
Selon Le Point, les équipes de l’Élysée et du Quai d’Orsay seraient particulièrement « agacées » par Yamina Benguigui, qui avait assuré au Président français que son homologue congolais, Joseph Kabila, mettrait en place des réformes démocratiques, notamment la création d’une « commission nationale indépendante des droits de l’homme » et d’une « commission indépendante en charge de la transparence des élections ».
Ces exigences ont été les préalables posés par le locataire de l’Elysée pour son déplacement à Kinshasa malgré l’hostilité de l’opposition et des ONG. Mais la Secrétaire d’Etat en charge de la francophonie dit avoir obtenu des assurances du Président congolais, ce qui, si elles avaient été traduites en actes, aurait donné un visage moins sombre à ce régime qui en a tellement besoin. Seulement voilà !
À quelques jours du sommet, les projets de loi sur la réforme de la Commission électorale et sur la création d'une commission indépendante des droits de l'homme n'ont toujours pas été votés. Quant à un autre dossier, le procès Chebeya, les prochains débats ont été reportés à la fin octobre. Floribert Chebeya, défenseur des droits de l’Homme, a été assassiné en juin 2010 par un commando de la police dirigé par un proche du Président congolais.
Face à la stagnation de la situation politique du pays, François Hollande s’est ainsi retrouvé dans une situation embarrassante ne pouvant annuler son déplacement à la dernière minute sans provoquer des remous au sein de la francophonie. Il se rendra donc à Kinshasa mais dans des conditions qui, si on s’y penche, vident complètement son voyage de toute sa substance.
Tout d’abord, il raccourcit son séjour. Il ne passera même pas la nuit sur place et assistera uniquement à la cérémonie d’ouverture du sommet. Par ailleurs, il promet de « tout dire et partout ». On s’attend naturellement à ce que les autorités congolaises, qui ne sont pas avares de mots rétorquent sur « tout » et « partout ».
La parole du Président français va donc être raillée à travers le pays par les dirigeants d’un régime qui se foutent de tout et ne tiennent aucune de leurs promesses. Pauvre Yamina ! Elle a vraiment cru à la parole des tyrans qui mitraillent leurs propres populations dans la rue et bafouent les droits les plus élémentaires.
Ainsi l’homme qui aura refusé de tomber dans « la cour de récréation » lors du débat avec son adversaire, Nicolas Sarkozy, va se retrouver dans des chamailleries avec des dirigeants sans manière et franchement pas dignes des fonctions qu’ils ne doivent qu’à des guerres meurtrières, à des répressions sanglantes et aux magouilles électorales à grande échelle. Pas une nuance de démocratie dans cette « jungle » où le Président de la Patrie des droits de l’Homme va se fourvoyer.
En tout cas, François Hollande joue perdant-perdant. Il se dirige d’ailleurs dans un véritable piège puisque les dirigeants congolais n’attendent que la poignée de main avec le dictateur pour célébrer leur triomphe sur l’opposition et les ONG. Rien de ce que Kinshasa promettra par la suite ne sera réalisé. L’opposition quant à elle, qui n’a pas réussi à persuader le Président français de boycotter le sommet, va commencer à raser les murs. Elle reprochera longtemps au Président français d’avoir cautionné un régime infâme alors qu’il aurait dû militer pour son isolement tout à fait mérité.
La question de savoir si ce voyage valait vraiment la peine va surement se poser. Longtemps.
Boniface MUSAVULI
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