dimanche 11 mars 2012

Episode II : Comment la Belgique avec le soutien de la Françafrique et des Nations-Unies organisa la sécession du Katanga et porta Tshombe à la tête du Katanga

PRESSAFRIQUE 08.10.05Comment l'Américafrique, la Belgique, la Françafrique et l'Organisation des Nations Unies furent les fossoyeurs de Lumumba et de la démocratie congolaise naissante
Episode II : Comment la Belgique avec le soutien de la Françafrique et des Nations-Unies organisa la sécession du Katanga et porta Tshombe à la tête du Katanga

"Le peuple du Congo ne comprend pas que nous les agressés, nous qui sommes chez nous. (...) nous soyons systématiquement et méthodiquement désarmés alors que les agresseurs, les Belges, qui sont chez nous en pays conquis, gardent encore et ont toujours leurs armes et toute leur puissance de mort.(...) Les forces de l'ONU laissent la sécession se consolider dans le Katanga et les Belges s'y comportent comme en pays conquis sous le fallacieux couvert d'un pseudo-gouvernement provincial katangais que nous, gouvernement légitime de la République du Congo, avons déclaré déchu"
30 juillet, Gizenga, vice Premier-ministre de la République du Congo in CRISP, 1960, p165.
Le 5 juillet 1960, le général Janssens, commandant en chef de la Force Publique, force coloniale formée par Léopold II et servant d'armée pour réprimer l'ennemi intérieur que constituait l'autochtone congolais, fait savoir qu'il ne peut être question d'une africanisation. Il enseigne à l'ensemble de l'armée que "Avant l'indépendance = Après l'indépendance". Ce qui signifie une ségrégation pour les militaires noirs qui sont tous confinés à des rôles subalternes. En juin 1960, aucun noir ne dépassait le grade de sergent-chef dans la Force Publique, et le dérisoire statut "d'évolué", censé couronner les efforts d'assimilation des indigènes, concerne à peine un millier de Congolais sur treize millions. La réaction ne s'est pas faite attendre. La base constituée par les congolais de l'armée se révolte contre les officiers belges qui n'avaient aucune intention d'abandonner leur commandement. Lumumba proclame l'africanisation de l'armée et augmente les salaires de 30%. Janssens est démis de ses fonctions, Vitor Lundula devient commandant en chef de l'Armée nationale congolaise (ANC) et Joseph Mobutu le chef d'état-major. Les officiers belges ne pourront qu'exercer leur fonction qu'en tant que conseillers des officiers congolais. Très vite le calme est ramené dans les garnisons de Léopoldville et Thysville.

C'est alors qu'au Katanga, véritable poumon économique du pays de par sa richesse prodigieuse, les colons et les officiers belges de l'armée décident de refuser l'africanisation et s'appuient sur Tshombe, dénommé "Monsieur tiroir-caisse" ( L'assassinat de Patrice Lumumba, une mort de style colonial. Documentaire de Michel Noll) pour assurer une néocolonisation de la province.

Le 8 juillet des rumeurs à Léopoldville font part de viols d'Européennes par un petit groupe de soldats provoquant un exode massif de nombreux colons vers la Belgique.

Le 9 juillet, le gouvernement belge avec l'aval du roi Baudoin décide de profiter de la situation pour intervenir à l'autre bout du pays au Katanga.
L'Assassinat de Lumumba
Ludo De Witte, Edition Karthala

p.40-41

"L'intervention a lieu dans la nuit du 9 au 10 juillet (1960, ndlr), quand les soldats noirs d'Elisabethville se soulèvent contre les officiers qui veulent arrêter l'africanisation. A 5h50, quatre avions s'envolent de la base de Kamina au Katanga, avec à leur bord les hommes du bataillon d'infanterie Libération et un peloton de paracommandos. Les troupes atterrissent à 6h20 : la crise congolaise est née. Une fois les soldats congolais au Katanga désarmés (par les commandos belges, ndlr), Tshombe, qui est protégé par des soldats belges, a la voie libre pour se soustraire au pouvoir de Léopoldville et pour proclamer l'indépendance de la province. "


Tshombe n'est en fait qu'un pantin au service de l'ancien colonisateur. Bunche, adjoint du secrétaire de l'ONU, déclare : " Tshombe est une marionnette, et rien de plus. En réalité, il représente très peu de gens " (déclaration de Bunche, adjoint du secrétaire de l'ONU, le 21.07.1960). Bunche ajoutera à son chef (d'après Ludo De Witt, Ibid) : "Tshombe était une marionnette manoeuvrée par les Belges".

Voilà quel était le programme belge sous couvert de Tshombe au Katanga : "Une portion de l'humanité placée en exergue est demeurée sans civilisation, sans énergie, sans idées, sans intérêts à défendre. (...) la race noire n'a rien derrière elle. Peuple sans histoire, sans philosophie, sans consistance aucune..." (Ludo De Witt, p. 81). On croirait lire du Stephen Smith, du Négrologie pur jus, avant l'heure. Et Tshombe, proclamé président du Katanga par les colons belges, de reprendre ce programme auprès de ses concitoyens : "Dans l'esprit des congolais quoi qu'en pensent certains Européens idéalistes - l'indépendance du Katanga n'est pas leur fait à eux mais bien le fait des Européens ...La présence des troupes belges permettra au pays de vivre une vie normale, mais celle-ci semble devoir être [nécessaire] pendant très longtemps dans le pays. Il est très probable que d'ici peu un terrorisme s'installera à l'intérieur du pays. (...) Le régime dans lequel nous nous installons doit être nécessairement un régime de dictature". C'est ce que nous appellons un gouverneur néocolonial. Ce sont les membres du gouvernement belge qui chapitrent Tshombe. Il s'agit purement et simplement d'une récupération néocoloniale du Katanga.

"Ce n'est pas Tshombe mais des hommes comme le comte d'Aspremont Lynden (ministre belge des Affaires africaines,ndlr), Rotschild (ambassadeur belge, ndlr) et Clemens (responsable du bureau conseil d'Elisabethville, ndlr) qui tirent les ficelles dans cet Etat d'opérette. Le président du Katanga est, selon les mots de Vandewalle, "guidé par son triumvirat de tuteurs politiques"..."On était obligé d'exercer une forte pression sur Tshombe pour lui éviter de multiples bêtises conseillées par des irresponsables". (Ludo de Witt, Ibid, p. 83).


Extrait du documentaire de Michel Noll,2001,
Production Solférino images/Quartier latin, WDR/ histoire
Une mort de style colonial, l'assassinat de Patrice Lumumba
Extraits des actualités allemandes NDW, juillet 1960, propagande justifiant l'invasion du Katanga suite aux troubles et aux rumeurs de viols à l'autre bout du pays à Léopoldville entraînant l'exil des Européens


Les mercenaires blancs de Tshombe dirigés par la Belgique sont surnommés "les affreux" et commettent les pires exactions. Ils rétablissent l'ordre (néo)colonial au Katanga. L'attaque belge contre Matadi le 11 juillet est un échec mais très vite les Belges et leurs mercenaires blancs progressent très vite.
Le 10 juillet Luluabourg est occuppé, Léopoldville le 13, Bakwanga le 15, Coquilhatville le 16, Kindu le 17 juillet. L'avion de Lumumba et de Kasa Vubu ne peut se poser dans la province sécessionniste du Katanga.

Quant à la France du Général de Gaulle, elle soutient politiquement puis militairement cette sécession selon les aveux mêmes de Maurice Robert ancien responsable du SDECE Afrique.

Maurice Robert "Ministre de l'Afrique"
Entretiens avec André Renault,
Edition du Seuil.
Page 162

André Renault : "Contrairement à la plupart des pays, le gouvernement français a pris rapidement position en faveur de la sécession katangaise. Pierre Messmer, ministre des Armées, aurait d'ailleurs donné son accord à Trinquier lorsque celui-ci est venu l'informer, en janvier 1961, de son intention de s'engager auprès de Tshombé...

Maurice Robert : Disons qu'il a reçu le fameux feu orange dont nous avons déja parlé. Trinquier a présenté son projet aux autorités françaises. Elles ne s'y sont pas opposés, point. Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, il ne lui a pas été demandé d'intervenir au Katanga. La France était favorable à la sécession et personne ne l'a dissuadé de monter son opération...tout au moins dans un premier temps. En réalité, il ne réussira pas à mettre son projet à exécution malgré les appels répétés de Tshombe. Il se trouvera en butte à l'hostilité des militaires belges qui combattaient auprès des Katangais et qui voyaient d'un mauvais oeil l'intervention des Français. Le Congo ex-Léopoldville était leur ancienne colonie. Ils étaient chez eux. Ils n'admettaient l'engagement des Français qu'à titre individuel et sous commandement belge, ce que certains ont accepté, comme le lieutenant-colonel Faulques. Trinquier, lui, a refusé ces conditions, et Bob Denard n'a pas été embauché...

Dans sa reconstitution de l'implication de la France dans la tragédie congolaise, Claude Wauthier rappelle dans son livre Quatre présidents et l'Afrique que Paris avait "fourni les premiers mercenaires qui permirent au gouvernement katangais de mettre sur pied sa "gendarmerie" de triste mémoire, puis de faire obstacle à l'action des forces de l'Onu contre la sécession".Dès le début de la crise, la France s'aligne aux côtés des forces anti-lumumbistes, notamment par l'intermédiaire de l'abbé Fulbert Youlou, président du Congo-Brazzaville voisin. Mais c'est surtout le Katanga qu'elle convoite.

Le 11 juillet proclamation de l'indépendance du Katanga par Tshombe et ses mercenaires. La constitution katangaise est rédigée par des diplomates belges notamment par le professeur Clémens et son adjoint Massart, selon les révélations du Professeur Massart dans des notes confidentielles (Ludo de Witte, Ibid, p. 84). Cette constitution maintient la législation coloniale sur les mines de cuivre du Katanga.

Très vite Lumumba comprend que l'ancienne puissance coloniale a l'intention de balkaniser le Congo.
Déclaration de Lumumba
Extrait du documentaire de Michel Noll,2001,
Production Solférino images/Quartier latin, WDR/ histoire
Une mort de style colonial, l'assassinat de Patrice Lumumba
"Le complot était déja prêt. Les plans étaient déja établis, c'est d'imposer un gouvernement contre la volonté du pays. La Belgique désire balkaniser ce pays. L'éclatement du Congo c'est demain"


Le 12 juillet le lendemain de la proclamation, devant l'ampleur de la déstabilisation en provenance de "l'extérieur", le gouvernement congolais en appelle à l'ONU. Lumumba demande "une aide militaire (...) contre l'actuelle agression extérieure".

Le 14 juillet le conseil de sécurité décide de fournir une aide armée au gouvernement congolais. L'opération Organisation des Nations Unies au Congo prend naissance : l'ONUC.

L'ONUC déploie ses troupes et les soldats belges s'en vont du Congo à l'exception du Katanga où ils pourront rester . Loin de prendre fait et cause pour le gouvernement légitime de Lumumba, l'ONU met sur le même pied d'estale la province sécessionniste katangaise et le gouvernement de la République démocratique du Congo. De fait l'ONU et son secrétaire général Hammarskjöld entérine la situation néocoloniale au Katanga. Le gouvernement belge jubile et affirme avoir gagné la partie. Selon Ludo de Witte (Ibid, p. 51) : "Dans un télégramme à Bruxelles, d'Aspremont Lynden et Rotshchild jubilent que Hammarskjöld "préserve complètement l'intégrité de fait du Katanga (...) il est possible dès maintenant de se montrer optimiste quant à l'évolution de la situation générale au Katanga. sauf nouvel accident, les structures katangaises seront protégées par les troupes de l'ONU et à assez bref délai par les troupes katangaises elles-mêmes commandées par des officiers belges, au lieu de l'être à titre extrêmement précaire par les troupes belges". Selon Ludo de Witte, la direction de l'ONU partageait la stratégie occidentale qui entendait employer la sécession comme instrument pour détruire le gouvernement congolais.
Le 26 juillet Pierre Vigny (ministre belge des Affaires étrangères) avait incité à la balkanisation du Congo : "Tout ralliement d'autres provinces du Congo au Katanga est donc à encourager".

Le 9 aout Deux semaines plus tard, Kajoi proclame l'indépendance du Kasaï, riche province diamantifère.

A cette sécession organisée par la Belgique aidé d'un soutien logistique français s'ajoute donc le soutien de l'ONU qui avalise la sécession du Katanga. Au vu et au su de tous et au mépris de la souveraineté du gouvernement de Lumumba, l'ONU accepte que les militaires belges restent au Katanga sous des uniformes africains pour former l'armée néocoloniale katangaise. L'ONU considère de facto le pouvoir mis en place par les Belges avec l'appui de la Françafrique comme un pouvoir légitime. Dans cette affaire les dirigeants de l'ONU sont anti-Lumumba et le confessent sans ambage. Cordier, successeur américain de Bunche et adjoint du secrétaire général de l'ONU n'hésite pas à confesser en privé : "Nkrumah est le Mussolini d'Afrique, et Lumumba son petit Hitler...la seule solution possible (concernant le Congo, ndlr) est un changement à la tête du gouvernement" (Ludo de Witt, p. 57). Quant au secrétaire général de l'ONU, Hammarskjöld, il était convaincu que "Lumumba devait être brisé" (M. Kalb, The congo cable, p.68). Alors que Lumumba avait été désigné par le parlement Congolais comme le chef du gouvernement d'un régime parlementaire à l'instar de la Belgique. Le Times du 16 août écrit que "Hammarskjöld "laissait clairement entendre qu'il doutait du droit de Lumumba de parler au nom du gouvernement" (cité par Ludo de Witt, p. 53). Le Christian Science Monitor du 1er septembre écrit que pour les diplomates de l'ONU "peu de larmes seraient versées" si Lumumba devait disparaître de la scène politique.

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