(Le Potentiel 03/10/2012)
La République Fédérale d’Allemagne célèbre, ce mercredi 3
octobre, sa fête nationale. Une opportunité offerte au peuple allemand de
commémorer l’anniversaire de l’unification de leur pays. Dans son discours
prononcé à l’occasion de cette fête, le président allemand, Joachim Gauck, a
démontré que 22 ans après l’écroulement du Mur de Berlin, « le pays a retrouvé
son identité ». Arrivé au terme de son mandat au Congo-Kinshasa, l’ambassadeur
d’Allemagne en République démocratique du Congo, Dr Peter Blomeyer, a, dans une
interview exclusive au Potentiel, déclaré : « L'intégrité territoriale de la RDC
et sa souveraineté doivent être respectées par tous les acteurs ». Ci-dessous,
l’intégralité de l’interview.
Vous êtes arrivé fin mandat en République
démocratique du Congo. Comment appréciez-vous les relations de coopération entre
Berlin et Kinshasa ?
L'Allemagne et la République démocratique du Congo
entretiennent des relations amicales et étroites. Ces relations seront
couronnées cette année par la visite du Premier ministre congolais en Allemagne
au mois d'octobre en cours et par les négociations bilatérales sur la
coopération qui se tiendront sous la direction de deux ministres des Affaires
étrangères au mois de novembre prochain à Berlin. Notre coopération bilatérale
et multilatérale entame environ 239 millions d'euros par an et se concentre sur
trois champs. L’Allemagne apporte un appui à la réforme sécuritaire en
implémentant des projets bilatéraux divers.
C’est le cas, par exemple, de
la police (construction des bâtiments, l'équipement, formation), ou des projets
de prévention des conflits. Nous contribuons d’une manière significative aux
missions internationales : Monusco, Eusec, Eupol. En ce qui concerne l'aide au
développement, nous avons trois priorités. Premièrement, nous sommes actifs dans
le secteur de la biodiversité et des matières premières avec des projets
soutenant le ministère de l’Environnement, l'ICCN et les parcs nationaux ainsi
que l'adhésion de la RDC à l'ITIE (Initiative pour la transparence dans des
industries extractives) et la certification des mines dans l'Est du
pays.
Deuxièmement, nous installons des centres de distribution d'eaux
dans quinze villes de la RDC. Troisièmement, nous contribuons à un fonds des
micro crédits. Sans compter d’autres activités effectuées dans les différents
secteurs de la vie tels que la santé, l'agriculture, la reconstruction de la
piste de l’aéroport de Goma, etc. Il faut aussi mentionner tant d'initiatives
privées des ONG, des églises, des universités. Ce qui fait qu'il ne s'agit pas
seulement d'une coopération de deux Etats, mais aussi de deux peuples.
Finalement, la coopération culturelle est florissante : à travers notre
ambassade, nous encourageons l'échange musical. Un bel exemple est la
coopération entre des musiciens de la Radiotélévision allemande et l'orchestre
Symphonique des Kimbanguistes.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant
votre mandat en RDC ?
Pendant mon séjour en RDC, j'ai beaucoup apprécié
le Congo et ses habitants. Pour moi, le Congo est un pays des superlatifs, un
pays à la dimension d’un sous-continent, regorge d’énormes richesses naturelles
et une forêt pluviale considérée comme la deuxième du monde, de nombreuses
richesses naturelles, des terres arables… Mais, la richesse principale, ce sont
les Congolais eux-mêmes. Une autre particularité du Congo réside dans la
diversité des tribus, des langues, des cultures et surtout de la musique.
J'admire la capacité des Congolais de survivre, même dans des circonstances
parfois extrêmement difficiles. Si vous demandez ce qu'il faut encore
développer, c'est la cohésion sociale. Les Congolais ont appris à se débrouiller
dans leur vie. Ce qui est important, c’est le fait de voir les Congolais
pratiquer une solidarité nationale et bâtir une société et un Etat qui partage
de façon équitable toutes les richesses du pays avec la population. Je suis
fortement convaincu que les Congolais vont maîtriser leur sort.
L'Est
de la RDC est victime d'une guerre d’agression entretenue par des mutins du
Mouvement du 23 mars (M23). Quelle est la position de votre pays sur cette
question?
L'Allemagne est très préoccupée par la dégradation de la
situation sécuritaire dans l'Est du pays. Il s'agit d'une mutinerie qui était
déjà presque maîtrisée par les FARDC, jusqu'à ce que les mutins se soient
retirés dans la région frontalière pour être renforcés par un voisin de la
République démocratique du Congo. La rébellion ainsi que son soutien extérieur
sont totalement inacceptables. L'intégrité territoriale de la RDC et la
souveraineté du pays doivent être respectées par tous les acteurs. Nous avons
demandé au Rwanda de s'expliquer sur cette question au regard des révélations du
Groupe des experts des Nations unies sur le soutien de Kigali au M23.
Jusqu'aujourd'hui, nous n'avons pas reçu de réponse convaincante. Par
conséquent, notre aide budgétaire au Rwanda estimé à 21 millions d'euros, reste
suspendue.
Nous sommes extrêmement inquiets, à cause de la dégradation de
la situation humanitaire. Nous demandons que le recrutement et l'emploi des
enfants dans les rangs des groupes armés, des violations des femmes et des
enfants soient arrêtés immédiatement. Encore une fois, l'Allemagne a augmenté
son aide humanitaire en faveur de la population de l'Est de la RDC. L'Allemagne
salue les efforts de la RDC de rétablir la paix et la stabilité dans la région.
La politique du gouvernement congolais relative à la réforme du secteur de
sécurité doit se faire avec toute énergie. Cela, à travers la mise sur pied des
lois sur les statuts des militaires. Sans oublier l'assainissement des cadres et
l'intensification de la coopération avec la communauté internationale. C'est une
leçon qu'on peut tirer facilement de la situation.
Nous saluons aussi les
efforts fournis par la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs
(CIRGL), l'Union africaine (UA) et la SADC, de trouver une sortie de crise. En
ce qui concerne la proposition de mise en place d’une Force internationale
neutre, nous avons encore des questions par rapport à leur composition, leur
financement, leur logistique, leur relation avec la Monusco. Pour mettre un
terme à la situation d’insécurité qui sévit actuellement dans l’Est de la RDC,
nous pensons que c'est prioritaire de trouver une solution politique. Il est
évident qu'on ne peut pas résoudre le fond du problème des conflits à l'Est sans
recourir au dialogue et à la réconciliation. Il y a des causes historiques,
ethniques, économiques, foncières, démographiques qu'il faut examiner d'une
manière holistique, tout en associant les voisins. Je sais que c'est difficile
de le faire avec un voisin qui nie ce qui est évident. Mais, cette difficulté ne
décharge pas le Congo de sa responsabilité d'essayer de reconstruire cette
confiance indispensable entre voisins. On ne peut pas choisir ses voisins. Le
développement de l'Est ne peut pas se faire en recourant à la confrontation.
C’est plutôt avec la coopération qu’il est possible.
Quelle est la place
de l'Allemagne au sein de l'Union européenne ?
Les Allemands se
félicitent de vivre en Europe pour la première fois dans leur histoire en paix
et en liberté. A l’instar du Congo qui est entouré de neuf voisins au centre du
continent africain, l'Allemagne l’est aussi avec neuf voisins au centre du
continent européen. Au sein de l'Union européenne, on compte 27 Etats. En ce
moment, nous nous battons avec nos partenaires européens pour surmonter des
problèmes actuels de l'Europe, surtout la crise de l'euro. Chaque génération en
Europe doit gagner sa conscience propre de notre destin commun qui est déterminé
par la géographie. Mais, le fondement de l'Europe est la connaissance de la
nécessité d'un bon voisinage basé sur les valeurs communes de la liberté, de la
démocratie et de l’Etat de droit. La disposition des allemands à y contribuer
est exprimée par la volonté d'avoir une Allemagne européenne, au lieu d'une
Europe allemande.
Le 3 octobre de chaque année, l’Allemagne commémore la
fête nationale. Que symbolise cet anniversaire ?
La date de notre fête
nationale mérite d’être célébrée. Car, c’est le 3 octobre 1990 que l'Allemagne a
été réunifiée. La réunification a mis fin à la séparation de l'Allemagne en
deux. Cette date est importance pour l'Europe, voire pour le monde. Suite à la
révolution pacifique en Allemagne de l'Est, le mur de Berlin est tombé, la
guerre froide était terminée, la séparation de l'Europe était surmontée et la
porte de l'Union européenne s'ouvrait aux pays de l'Europe centrale et de
l'Europe de l'Est. Même en dehors de l'Europe, les effets de la fin de la
confrontation entre l'Est et l'Ouest se faisaient sentir. Ici au Congo, par
exemple, Mobutu a ouvert l’espace politique au multipartisme.
Écrit par
Albert Tshiambi
© Copyright Le
Potentiel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire