"Aubert Mukendi :
“Ce que tous les Congolaises et Congolais doivent savoir, c’est que
quand Tshisekedi parle, il a des siècles devant lui...c’est un enjeu de vie et
d’identité nationale.”
Dimanche 1er août 2010 par popularité :
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Astrophysicien, Ancien
commissaire général au transport sous le gouverment des commissaires généraux de
Mobutu et premier Dircab du feu Laurent Désiré Kabila, Mr Aubert Mukendi nous
livre les secrets d’une partie de notre histoire
nationale.
* De l’indépendance du Congo Belge à la mort de Patrice Lumunba ;
* De la fondation de l’Udps au pouvoir de l’Afdl ;
* les accords de Lemera et toute la vérité sur l’identité de “Joseph
Kabila”.
Une véritable bibliothèque où nous trouvons les réponses à l’histoire
tragique du Congo belge cet entretien a été réalisé par Mr Claude
Kangudi à l’occasion du cinquantenaire de la RDC.
Initiales : CK= Claude Kangudie et AMK= Aubert Mukendi Kizito
CK : Monsieur, pouvez-vous vous présenter ?
AMK : Je vous remercie pour cette occasion que vous me donnez de
m’exprimer dans votre blog. Voici mon identité :
Je m’appelle Mukendi Ntite Kizito Aubert. Mes parents sont :
•Père : Kanyinda François.
•Mère : Masengu Cécilia.
•Je suis né à Mikalayi en 1927.
Pour ce qui est de mes études :
•Les études primaires et sécondaires, je les ai faites à Elisabeth-ville
(Lubumbashi) à St Boniface.
•Pour ce qui des études supérieures, après Elisabeth-ville, je me suis
retrouvé à Formulac Kalenda où j’ai fait les études d’assistant médical.
•En 1954, je me suis retrouvé à Lovanium (Kimuenza), à Léopold-ville.
J’étais de la première promotion de la faculté mathématique-physique et chimie.
J’ai obtenu une licence en science de l’université Lovanium.
•En 1959, je suis parti à Louvain en Belgique, à la faculté de
mathématique et astrophysique.
•J’ai fini à l’université de Liège où j’ai obtenu ma licence en
mathématique, physique et astronomie.
1. Les années 1960-1970 vues avec Mukendi Aubert
CK : Vous étiez étudiant à Louvain. Comment et pourquoi êtes-vous passé
de Louvain à Liège ?
AMK : J’avais un objectif. C’était celui de finir mes études et de
rentrer au Congo pour enseigner à l’université Lovanium. Je fis part de ce
projet à certains de mes professeurs belges. Ceux-ci me firent comprendre que
jamais un noir ou un Congolais ne sera professeur à Lovanium. Alors je compris
que je perdais mon temps. C’est ainsi qu’à la fin de ma première année de
candidature, j’avais pris la décision de rentrer au pays.
CK : Mais c’est plutôt à Liège qu’on vous retrouve...
AMK : Oui. La raison est la suivante. Quand je suis arrivé à Bruxelles,
j’ai fait la connaissance de monsieur Posho Joseph qui étudiait à Liège. J’ai
aussi fait connaissance de Jonas Mukamba et de Joseph Désiré Mobutu. Je leur ai
expliqué pourquoi j’avais décidé de retourner au pays. Alors, ils me
conseillèrent de ne pas me décourager. Si je rentrais avec ce niveau, c’était
pour être un petit fonctionnaire servile des Belges. C’est ainsi que Posho
Joseph me demanda d’aller continuer mes études à Liège où lui même était
étudiant. Il me dit que la mentalité était autre là bas par rapport aux noirs
congolais qu’à Louvain. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Liège.
CK : Quand vous avez terminé vos études, vous êtes, donc, rentré au pays
?
AMK : A la fin de mes études, il y a eu monseigneur Gillon qui est venu
me voir. Il voulait savoir ce que je comptais faire. Je lui ai dit que j’allais
partir aux Etats-Unis. Je voulais faire carrière à la Nasa. Les Américains
venaient d’échouer dans le lancement de leur fusée qui devait concurrencer les
Soviétiques avec Youri Gagarine. Et moi, je m’étais dit qu’il y avait là une
opportunité de carrière de haut niveau. C’est lui, monseigneur Gillon, qui
m’expliqua qu’il avait besoin de moi pour l’université Lovanium. Ironie du sort,
alors que ses compatriotes de Louvain avaient tout fait pour me dissuader de
devenir professeur à Lovanium. C’est ainsi que je suis rentré à Léopold-ville
pour être professeur à la faculté de sciences à l’université Lovanium. Nous
sommes en 1960.
CK : Comment avez-vous fait connaissance avec Lumumba ?
AMK : Quand j’ai fini à Liège, je suis parti à Londres pour préparer mon
voyage aux USA. Nos leaders politiques sont arrivés à Bruxelles pour les
négociations de l’indépendance à la Table Ronde. Pendant que j’étais à Londres,
j’ai reçu une convocation urgente du Foreign Office. Je ne comprenais pas
pourquoi les Anglais voulaient me voir avec priorité et...considération. Quand
je suis arrivé à leur ministère des Affaires Etrangères, ils m’ont montré la
lettre que Patrice m’avait envoyée. Il voulait me voir. C’est ainsi qu’on s’est
connu. Il avait une mission à me confier. Sa demande était simple. Il m’avait
chargé de dissuader Albert Kalonji de ne pas entrer en rébellion et de faire
sécession. Mais à ce moment là, quand je suis arrivé à Bruxelles, Kalonji était
déjà rentré au pays.
CK : Y avait-il une raison pour qu’il vous confie cette mission à vous ?
Et pas à un autre ?
AMK : Oui. Patrice savait très bien que mon père était très amis avec
Albert Kalonji. J’étais militant du MNC par mon père qui l’était avant moi. Mon
père vendait des cartes du MNC et recrutait des membres pour ce premier parti
nationaliste congolais. Quand il y eut scission du MNC en deux ailes, mon père
partit avec Albert Kalonji. Donc pour Lumumba, j’étais dans les cercles
susceptibles d’influencer Kalonji dans le sens qu’il souhaitait.
CK : Alors, quelle fut la suite de cette mission ?
AMK : J’ai vu Joseph Ngalula. Il me dira que oui il y a des divergences
qui peuvent conduire à cette situation. Mais Kalonji est déjà rentré au pays et
qu’il est à Elisabeth-ville avec Tshombe.
CK : Comment avez-vous connu le président Kasa-Vubu ?
AMK : Avec Kasa-Vubu, on s’est connu dans le cadre de mes fonctions en
tant que directeur de Air Congo.
CK : Et avec Moïse Kapenda Tshombe, vous aviez des relations ?
AMK : Tshombe, je l’ai connu pendant que j’étais jeune à Elisabeth-ville.
Beaucoup l’ignorent, Tshombe a vécu au Kasaï, à Tshilengi, à l’époque coloniale.
Je le souligne dans l’un de mes livres. A Lubumbashi, j’avais un ami d’école,
Malimba Paul. Il était Lunda. Tshombe était proche de cette famille. C’est par
cet ami que j’ai fait la connaissance de Tshombe.
CK :
Nguza Karl-i-Bond, c’est le neveu de Tshombe ?
AMK : Il est le neveu de Tshombe. Mais il faut préciser que ce n’est pas
vraiment comme ça qu’il s’appelle. Il est né d’un père luba du Kasaï et d’une
mère lunda. Son vrai nom, c’est Nguza Kalala wa Bondo. Mais pour des raisons que
j’ignore, il a trafiqué son nom. Tout le monde sait que chez nous, nous sommes
des patriarcats. Pour quelles raisons a-t-il choisi de plus se réclamer de sa
mère, je l’ignore.
CK : Pouvez-vous nous parler des événements et de la sécession du
Sud-Kasaï ?
AMK : Je suis allé au Kasaï avec Joseph Ngalula. Il y avait déjà des gens
que je connaissais tel que Fernand Kazadi. Albert Kalonji, que je connaissais
aussi, m’a mis dans son gouvernement.
CK : Quand les soldats de l’ANC ont investi Bakwanga, nous étions petits.
Vous qui étiez aux affaires, pouvez-vous nous dire les massacres de Bakwanga,
qui en est l’instigateur ? Lumumba ou Mobutu ?
AMK : C’est Mobutu.
CK : Qu’est ce qui vous fait dire que c’est Mobutu ?
AMK : C’est que beaucoup de gens ignorent, c’est que lorsque Tshombe a
déclaré sa sécession, Mobutu est allé le voir au Katanga pour négocier avec lui
afin de le convaincre de ne pas s’engager sur cette voie. Ceci afin d’éviter un
conflit armé inutile. A son retour d’Elisabeth-ville, il devrait faire la même
démarche pour Bakwanga. Mais il a préféré prendre les militaires de la garnison
de Luluabourg et d’investir Bakwanga de la manière qu’on sait...
CK : Mais ceux qui lui avaient demandé de faire la même démarche à
Bakwanga, ce sont les politiques, donc Lumumba. On peut dire qu’il est aussi
responsable de ces massacres ?
AMK : Une fois que le forfait a été commis, on a cherché, après, de
trouver des explications et des justifications. On a fait de l’habillage
politique. Mobutu lui même a dit et redit quel estime il avait du pouvoir de
Lumumba et de son autorité. C’est à dire qu’il considérait qu’il avait son mot à
dire...
CK : Comment avez-vous fait connaissance avec Joseph Désiré Mobutu ?
AMK : Quand nous étions en Belgique, Jonas Mukamba était notre aîné à
tous, les Kasaïens. Il était le chef de tous les Baluba de Belgique. Je le
fréquentais souvent. Il habitait à cette époque à la place Flagier. Donc, c’est
par notre aîné Jonas Mukamba que j’ai connu Joseph Mobutu.
CK : Que faisait Mobutu, en Belgique, à ce moment là ?
AMK : Mobutu était en Belgique pour faire, soi disant, un stage de
journalisme. Mais en fait, il travaillait pour la sûreté belge. Il était une
taupe infiltrée dans les milieux congolais. Nous l’évitions à cause de
ses activités.
CK : Vous avez fait partie du gouvernement des Commissaires Généraux.
Pouvez-vous nous en parler ?
AMK : Je suis parti à Bakwanga avec Joseph Ngalula. Lumumba était
d’accord, parce qu’il comptait toujours sur moi pour faire changer Kalonji
d’avis, pour qu’il ne s’engage pas avec Tshombe. A Bakwanga, Kalonji nous
chargea d’une mission. Nous sommes à aller en Afrique du Sud pour acheter des
armes pour le Sud Kasaï. C’est ainsi que nous sommes partis pour l’Afrique du
Sud. D’abord en voiture jusqu’à Salisbury, actuellement Harare. Et de Salisbury
à Johannesbourg en avion. Notre chef de délégation était Bintu Raphaël. Pendant
que nous étions en Afrique du Sud, il y a un officiel Sud-africain qui est venu
nous voir. Il cherchait Aubert Mukendi. Je lui ai dit que c’est moi. Il me dit
que Lumumba a été renversé par Mobutu. Un gouvernement de commissaires a été mis
en place et que j’étais ministre de transport dans ce gouvernement. Alors à ce
moment là, j’ai demandé à regagner Léoplod-ville. Je voulais rentrer par avion.
Mais les autorités sud-africaines n’ont pas voulu. Elles voulaient que je rentre
par le Katanga d’où j’étais venu.
CK : Alors comment avez-vous regagné Léopold-ville ?
AMK : J’ai pris l’avion jusqu’à Elisabeth-ville. Et à l’aéroport de la
Luano, je fus humilié par Munongo Godefroid qui avait fait du martyr des
Kasaïens et des Kasaïennes son affaire personnelle.
CK : Comment cela s’était-il passé ?
AMK : Munongo m’attendait lui même à l’aéroport. Devant tout le monde, il
a exigé que je lui donne ma veste, ce que je fis. Ensuite, il a exigé que je lui
donne ma chemise, mon pantalon, mes chaussures...je lui ai tout donné. Alors
j’ai aussi enlevé mon slip et je le lui ai tendu. Devant tout le monde. Il est
resté perplexe. Je lui ai dit : « Godefroid, n’oublies pas ce que tu es en train
de faire. Mais les choses ne se finiront pas comme ça. A travers moi, c’est le
Gouvernement Central que tu attaques. Mais le jour viendra... » Alors là, il me
rend tous mes habits et me demande de m’habiller. Je demande à voir Kalonji
avant de partir sur Léopold-ville.
CK : C’est l’époque où Godefroid Munongo se faisait appeler «
Kifuakio kia ba Kasaï » ?
AMK : Oui. Je lui dis donc que je dois voir Kalonji avant que j’aille à
Léopold-ville. Il me répond « ah bon ? Débrouilles-toi.. » J’ai pris une voiture
et je suis allé voir Kalonji. J’ai fait le rapport de la mission qu’il nous
avait confiée. Et je suis parti pour Léopold-ville.
CK : Si je comprends bien, vous êtes parti en Afrique du Sud pour acheter
des armes pour la sécession au Sud Kasaï. Pendant ce temps, on vous nomme
ministre dans le Gouvernement Central de Léopld-ville. Il y a quand même une
contradiction. Comment expliquez-vous cela ?
AMK : Quand Mobutu a mis en place le Collège de Commissaires, nous lui
avons fait savoir que nous étions d’accord de rentrer dans le giron. Mais à une
condition. Il devrait cesser la lutte armée contre le Sud-Kasaï. Alors Mobutu
avait dit qu’il arrêtera si le Sud-Kasaï cesse d’être sécessionniste. Il
acceptait seulement que le Sud-Kasaï soit autonome. Donc notre entrée dans le
Gouvernement Central ne posait plus aucun problème.
CK : Alors, comment s’est passée votre arrivée à Léopld-ville ?
AMK : Je suis allé voir Mobutu au camp Kokolo. On se connaissait. Il
était content qu’on ait trouvé un terrain d’entente. Mais je lui ai fait
comprendre que je devais retourner en Europe pour présenter ma thèse. Ensuite,
je serai libre d’accomplir mes fonctions.
CK : Pendant le temps de votre gouvernement de commissaires généraux, qui
présidait vos réunions ?
AMK : C’était Justin Marie Bomboko qui assumait cette fonction.
CK : Parlez-nous de la mort de Patrice Lumumba. On dit que Fernand
Kazadi et Jonas Mukamba y sont mêlés...
AMK : Nous sommes dans le Collège de Commissaires Généraux. Moi, je suis
chargé des transports. Mais je tenais à présenter ma thèse de doctorat de
mathématique et astrophysique à Liège. J’avais travaillé toute la nuit pour ce
faire. J’étais très fatigué et je voulais m’endormir. Aux petites heures du
matin. Je reçois un appel de Fernand kazadi. Il m’explique qu’avec Jonas
Mukamba, nous devons partir de Léopold-ville à Bakwanga. Moi, je lui ai demandé
quel était le motif de ce voyage ? Je n’étais pas averti de ce voyage et en
plus, j’étais fatigué...donc je ne voyais pas l’utilité de ce voyage. Je ne
savais pas que c’était pour convoyer Lumumba, Mpolo et Okito.
CK : Donc vous étiez pressenti pour être du groupe ?
AMK : Oui. En fait devaient être de ce voyage le commissaire général à
l’intérieur Jonas Mukamaba, le commissaire général à la défence Fernand Kazadi
et le commissaire général aux transports qui était moi...A 8h du matin, je me
suis préparé et je suis allé chez Kazadi pour savoir où il avait voyagé. J’ai
trouvé sa femme Madeleine à qui j’ai posé la question. Elle me dira qu’elle n’en
savait pas plus sur le voyage de son mari. Ensuite je me suis rendu chez
Mukamba. Là non plus, je n’ai rien appris de leur destination.
CK : Alors la suite ?
AMK : Ensuite, je suis parti à l’aéroport de N’djili. Je voulais voir le
plan de vol. J’ai demandé à savoir la destination. J’ai vu que tous les blancs
présents étaient gênés. Je n’ai reçu aucune information, par obstruction. J’ai
demandé alors à la tour de contrôle. Aucune information. Je suis rentré chez
moi. Alors je voulais savoir qui était le commandant de bord. Je suis allé voir
le directeur d’Air Congo de l’époque qui était belge, Mr Yerna.
CK : Et lors ?
AMK : Je lui demande la destination de ce vol. Il me répondra que c’est
une affaire du gouvernement. Et que je suis membre du gouvernement, je suis donc
sensé savoir la destination de ce vol. Comme j’insistais, il finira par me dire
qu’ils seraient partis pour Luluabourg ou Bakwanga. Or eux, ils savaient que
l’avion allait partir à Lubumbashi. Alors par la tour de contrôle, j’ai appris
le lendemain que l’avion était arrivé à E’ville (Lubumbashi) avec Lumumba et ses
compagnons.
CK : Avez-vous parlé de cet épisode avec Jonas Mukamba ou Fernand Kazadi
? Que vous ont-ils dit ?
AMK : Jonas après ces événements a commencé à déprimer. Mukamba et Kazadi
ne savaient pas l’objectif final de ce voyage. C’est Mobutu qui leur a fait
valoir leurs responsabilités de ministres. C’était une mission qu’ils devaient
exécuter. Moi-même, je devais être de cette équipe. C’est qui m’a sauvé d’avoir
le sang de Patrice sur les mains, c’est le fait que j’aie travaillé toute la
nuit. Et je ne pouvais pas voyager comme ça sans me reposer. Je ne savais même
pas le motif de ce voyage.
CK : Quand Mobutu, au nom des fonctions gouvernementales de Mukamba et
Kazadi, avait décidé que ces commissaires généraux devaient aller au Katanga,
ceux-ci savaient-ils qu’ils allaient convoyer Lumumba et ses compagnons ?
AMK : Ils ont été mis devant le fait accompli. Eux ils ont été informés
dans l’avion pour Moanda. D’ailleurs, il faut se rappeler que Lumumba et ses
compagnons ont été cherchés à Thys-ville par Mobutu et Bomboko. Ce sont ces
derniers qui les ont amenés jusqu’à Moanda. Mais la décision était que les 3
ministres de l’intérieur, de la défense et des transports devaient les emmener à
Elisabeth-ville. Moi, c’est ma thèse, que je préparais, qui m’avait sauvé de
cette histoire. La conspiration sur l’assassinat de Lumumba et de ses compagnons
est un énorme complot international, bien sûr avec des relais locaux.
CK : Parlez nous alors de la fondation de Air Congo...
AMK : Quand j’ai quitté Formulac à Kalenda pour aller à Léopld-ville, je
devais prendre le bateau à Port-Francqui, actuel Ilebo, pour atteindre Léo.
Arrivé à Luluabourg, j’ai dû attendre et cela me mit en retard pour la rentrée.
Alors j’ai demandé à voyager par avion. Ce qui était difficile à l’époque, à
cause de la mentalité des Belges. Mais je finis quand même par prendre l’avion
et en un jour, je suis arrivé à léopld-ville. Alors, je me suis dit qu’il faut
qu’un jour tous les Congolais et les Congolaises puissent aussi avoir cette
possibilité. Au lieu de mettre 2, 3 semaines en bateau. Voilà, ce fut la
première fois que l’idée me vint à l’esprit.
CK : Quelles sont les étapes de la concrétisation de cette idée en Air
Congo ?
AMK : A l’indépendance, j’ai appris que la Sabena était très inquiète
pour ses avions et ses investissements au sol. Ils se disaient qu’avec
l’indépendance, tous les Blancs vont être mis à la porte et ils avaient peur de
tout perdre. Alors quand j’ai appris cela, j’ai dit au responsable de la Sabena
que nous allons acheté et leur flotte et leurs bâtiments. Ce qui fut fait. Mais
la compagnie n’appartenait pas totalement au Congo. La Sabena occupait un poste
important dans le conseil d’administration. D’ailleurs, il y avait des tarifs
que devaient honorer le gouvernement congolais pour usage des appareils d’Air
Congo.
CK : Quelle était la flotte d’Air Congo à cette époque ?
AMK : Il y avait onze DC3 ; quatre DC4 et deux DC6.
CK : Aujourd’hui, le pays n’a plus de compagnie d’aviation et Air Congo
n’existe plus. En tant que pionnier, que ressentez-vous ?
AMK : C’est une véritable catastrophe. Le désordre a commencé avec
Nendaka Victor. Les premiers détournements ont commencé avec lui et Mobutu. J’ai
été maintes fois jeté en prison car je m’opposais à ces comportements. Donc la
situation d’aujourd’hui est un aboutissement de ces agissements condamnables.
CK : Votre désaccord avec Mobutu date de quand ?
AMK : J’évitais tout affrontement frontal avec Mobutu. Je savais qu’il
avait un cimetière préféré pour tous ses opposants, c’était le fleuve Congo. Et
dans cet exercice, Nendaka a joué aussi un grand rôle.
1.Les années 1970-1980 vues avec Mukendi Aubert
CK : Pouvez-vous nous parler de la fondation de l’ UDPS ?
AMK : Je suis tout à fait au début de l’UDPS.
CK : Excusez-moi, comment connaissez-vous Etienne Tshisekedi ?
AMK : Avec Etienne, on s’est connu à Lovanium-Kimuenza. Il était de la
première promotion de la faculté de droit...
CK : OK. Continuons avec la fondation de l’UDPS...
AMK : Au début, quand Etienne est arrivé dans la vie courante, il s’était
mis dans la ligne de Mobutu. Moi, je l’avais mis en garde sur ce point. Je lui
avais dit qu’il fallait combattre ce régime. Alors, il me dira que c’est
difficile. Mobutu a l’armée avec lui. Je lui ai répondu que cela était vrai.
Mais, en dehors des titres militaires qu’il se donnait, militairement, Mobutu ne
connaissait pas grand chose. Il est en train de totalement détruire le pays.
C’est entre autre, à partir de ce moment que naquit l’idée de fonder un parti
d’opposition à Mobutu.
CK : C’est donc de là que naît l’UDPS ?
AMK : Oui. Mais, moi, pour des raisons stratégiques, je n’étais pas dans
les structures visibles du parti. Je suis donc parmi les fondateurs de l’UDPS.
Le parti a évolué et s’est imposé comme un grand mouvement de masse. A un
moment, l’UDPS est devenu un parti dirigé par 4 présidents. Je suis intervenu
pour dire à Etienne qu’un corps à plusieurs têtes est un monstre. Pour des
raisons d’efficacité, l’UDPS doit avoir un seul président à sa tête. Mais
personnellement, Etienne ne voulait pas revenir à ce genre de direction. Mais
finalement, il finit par comprendre l’intérêt de ma réflexion. J’ai fait un long
chemin dans l’entourage proche d’Etienne au sein de l’UDPS. Nous avons été de
plusieurs combats pour assoir le parti. Ce que tous les Congolaises et Congolais
doivent savoir, c’est que quand Tshisekedi parle, il a des siècles devant
lui...c’est un enjeu de vie et d’identité nationale.
AUBERT MUKENDI ET LAURENT DESIRE KABILA.
CK : Nous sommes dans les années ’90. Comment connaissez-vous Laurent
Désiré Kabila ?
AMK:C’est Kabila qui est entré en contact avec moi dans les ’70.
CK : Kabila est dans son maquis de l’est du pays. Vous, vous êtes à
Kinshasa...comment se fait ce contact ?
AMK : Il était effectivement à l’est du pays. C’est Mpoyo que je
connaissais, qui nous a mis en contact. Nous sommes dans les années ’70. Et je
lui avais dit que son armée ne valait rien à cette époque là.
CK : Mais vous fûtes son premier directeur de cabinet...
AMK : Oui, avec fonction de vice président. Mais en 1985, dans le cadre
purement culturel entre luba, nous nous sommes retrouvés à Kamina. Ceci dans nos
cérémonies luba des « balopo ». A partir de là, une certaine entente s’était
instaurée entre moi et Kabila.
CK : Je me souviens encore de l’instauration de l’AFDL par Gaetan Kakudji
comme seul parti au Congo...
AMK: Oui... J’avais tout de suite réagi, à la télé, pour dire que l’AFDL
existera avec d’autres partis politiques concurrents. Notre peuple avait payé un
lourd tribu pour le multipartisme... Alors Kakudji m’a envoyé un message comme
quoi si je continuais comme ça, il dira à son frère de président de me chasser.
Je lui avais répondu de se calmer et lui ai fait comprendre qu’il n’était pas
plus frère à Kabila que moi...
CK : Qu’est qui vous a séparé avec Laurent Désiré Kabila ?
AMK : Au moment de prendre le pouvoir, la répartition du pouvoir avec
Laurent Désiré Kabila avait donné lieu à toute sorte de marchandage. Mes prises
de positions lors de ces discussions ne plurent pas à tout le monde. Ceux qui
furent éloignés de certains postes qu’ils convoitaient ont nourri une grosse
rancune contre moi. L’entourage du président Kabila, parmi nos amis de longue
date, entre nous luba, me fit une guerre féroce. Quand nous sommes partis à
Kananga avec le président, je fus empoisonné. Suite à cet acte, j’ai vu le
président Kabila et je me suis retiré. J’ai décidé de revenir à ma vie civile.
CK : Pouvez-vous nous expliquer ce dilemme-paramètre ruandais-ougandais
autour de Kabila Laurent ?
AMK : Les Ruandais, les Ougandais cherchaient à contrôler Laurent Kabila.
Ils voulaient que le Congo soit leur colonie. Cela au travers des accords signés
à Lemera avec Laurent Kabila. Et Laurent ne voulait plus entendre parler de ces
accords. Le Congo ne lui appartient pas. Il est au Congolais et Congolaises.
CK : Qu’est ce qui n’a pas fonctionné entre Laurent Désiré Kabila et
Etienne Tshisekedi wa Mulumba ?
AMK : J’ai servi d’intermédiaire entre les deux. Etienne qui avait mené
un combat politique basé sur le peuple voulait s’en remettre à la volonté du
souverain premier, le peuple congolais. Et j’avais rappelé à Etienne, qu’à un
moment, nous avions la certitude que le successeur à Mobutu doit sortir d’une
victoire militaire... C’est sur cette conception d’un pouvoir émanant d’une
victoire militaire et d’un pouvoir qui devait venir du peuple qu’ils ne se sont
pas entendus.
CK : L’actuel président du Congo, Joseph Kabila, est-il fils de Laurent
Kabila ?
AMK : NON. Il n’est pas plus fils de Laurent que vous...Il faut savoir
que chez nous, quand on avait des fonctions importantes, il y avait des femmes,
pour profiter de ce statut, qui nous collaient des enfants...Quand le père de
Yacynthe Hippolyte Kanambe est mort, Laurent Désiré Kabila a pris en charge les
enfants de son compagnon de maquis. Il l’a fait pour d’autres aussi. Donc «
Joseph Kabila » est Yacynthe Kanambe, fils de Mr Kanambe, compagnon de Laurent
Désiré Kabila dans le maquis.
Questions en vrac...
CK : En tant qu’intellectuel, quel bilan faites- vous des 50 ans
d’indépendance du Congo ?
AMK : Le bilan est pénible. Le pays n’a pas avancé...Du temps de Lumumba,
nous avons fait un pays indépendant. Même du temps de Mobutu. Nous nous sommes
débarrassés de la Belgique. L’indépendance n’est pas à renier sur ce plan là. Le
déclin de notre pouvoir a commencé aussi avec la fin du président Kasa-Vubu.
CK : D’après vous, qui sont le plus à condamner ? Les politiciens des
années ’60 ou les intellectuels formés après 1960 ?
AMK : En 1960, les gens ont essayé de survivre avec les conditions qui
leur avaient été imposées à ce moment là. D’où d’ailleurs le fameux article 15 :
débrouillez-vous...Quand aux intellectuels formés après l’indépendance, leur
responsabilité se trouve dans le fait qu’ils ont copiés et servis docilement le
mobutisme. L’exemple phare du mobutisme qu’ils ont bien appliqué est connu : «
boyiba moke moke.. »
CK : Pourquoi la RDC manque-t-elle de leaders actuellement ?
AMK : C’est simple, toute une génération a mis tout son brio à être
servile à Mobutu. A partir de cette moule unique, il était difficile de faire
émerger une élite capable de penser et de réfléchir autrement.
CK : Que préconisez-vous pour que la RDC décolle enfin ?
AMK : La première chose, nous devons redevenir un pays des Congolaises et
de Congolais. Nous devons, absolument, nous réapproprier notre pays. Alors à
partir de ce moment là, nous pouvons définir notre décollage.
CK : Quelle critique pouvez-vous adresser aux politiciens kasaïens ?
Depuis l’indépendance jusqu’à ce jour...
AMK : Les politiciens kasaïens n’ont pas été conséquents avec eux-mêmes.
Les Kasaïens étaient un des piliers majeurs au Katanga. Sans grand effort, ils
ont laissé détruire le Katanga.
CK : Quel est votre avis sur la décentralisation actuelle du pays, en
tenant compte de la situation antérieure des 21 provinces ?
AMK : Actuellement on veut nous faire imiter la situation du Ruanda. Ceci
en créant plusieurs petites provinces de manière à réduire le Congo à la taille
du Ruanda.
CK : Quel message adressez-vous à la jeunesse congolaise en pleine
commémoration des 50 ans d’indépendance ?
AMK : La priorité doit être de récupérer notre pays. Il faut se réveiller
et reprendre possession du pays de nos ancêtres.
CK. En tant qu’astrophysicien quelle est la signification du chiffre 5 et
partant du cinquantenaire ?
AMK :
Le chiffre "1" : c’est le sens de ce qui est à l’intérieur d’une
personne.
Le chiffre "2" : c’est un chiffre relatif au corps humain.
Le chiffre "3" : c’est un chiffre lié à la purification. Il est la
liaison de "tamiser" ou filtrer. Il est aussi lier au don dans le sens
d’éjaculer pour féconder.
Le chiffre "4" : c’est un chiffre lié à la relation de fécondité de la
femme. Il est lié à l’accouchement.
Le chiffre "5" : c’est un chiffre lié au "paraïtre". Il évoque aussi le
fait de se répandre à l’extérieur, donc se faire voir.
Quant au sens à donner aux 50 ans d’indépendance, il faut l’extrapoler
dans le sens du chiffre "5".
Quant au sens à donner aux 50 ans d’indépendance, il faut l’extrapoler
dans le sens du chiffre "5".
Mr Aubert Mukendi Kizito
14/mai/2010 par Claude Kangudie "
Albert
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