jeudi 11 octobre 2012

SOMMET DE LA FRANCOPHONIE: François Hollande annonce la couleur

(Le Pays 11/10/2012)
Plus l’on s’approche de la date du sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo (RDC), prévu le 13 octobre prochain, plus le chef de l’Etat français, François Hollande, dévoile ses intentions.

A la faveur d’une conférence de presse qu’il a co-animée le 9 octobre à Paris avec le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, le président français a déclaré sans fioritures diplomatiques que « la situation en RDC est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition ».

Il n’en fallait pas plus pour que le pouvoir de Kinshasa montât sur ses grands chevaux. Par la voie de Lambert Mende, porte-parole du gouvernement congolais, il a tenté de minimiser l’importance des propos du locataire de l’Elysée en rétorquant que ce dernier était « mal informé » sur ce qui se passe réellement au Congo.

Une réaction légitime, certes, mais tout de même très malhabile pour un gouvernement dont des preuves de l’illégitimité ont été données à voir même au-delà des frontières du pays. Et le président congolais, Joseph Kabila, est assez bien placé pour renseigner quiconque l’ignorerait que les Français sont rarement les derniers à être informés sur ce qui se passe dans les pays francophones.

Que le président Kabila opte pour la stratégie de l’autruche, c’est son droit, mais qu’il se tienne pour dit qu’en se chatouillant, il ne peut que rire seul. Dit autrement, les tentatives de démenti des autorités congolaises ne convaincront que ceux qui sont d’office, aveuglement et irrémédiablement acquis à leur cause.

Il ne serait pas non plus étonnant, et leur réaction en est d’ailleurs déjà la preuve, que la sortie du président français ne fasse pas plus d’effet sur ses destinataires que l’eau sur les plumes d’un canard. Qu’à cela ne tienne, elle aura eu au moins le mérite de présenter aux gouvernants congolais un miroir, quitte à ce qu’ils refusent d’y voir le reflet de leur image politique réelle vue de l’extérieur.

Et pas de n’importe qui, de l’invité le plus prestigieux de la 14e grand-messe des pays francophones et à qui ils s’apprêtent à dérouler le tapis rouge. A quatre jours du sommet, ce dernier n’aurait du reste pas pu rêver d’une occasion plus appropriée que la présence du SG de l’ONU pour clarifier sa position sur la situation démocratique en RDC.

Il prouve par la même occasion que le fait qu’il ait accepté d’aller au sommet ne veut pas dire qu’il caressera toujours son homologue congolais dans le sens du poil. Le pouvoir socialiste français a promis de rechercher un dialogue franc et direct avec les pouvoirs africains. Nonobstant la polémique qui a prévalu sur sa participation ou non au sommet, le « président normal » a préféré à la politique de la chaise vide, celle d’une présence bruyante et qui pourrait aussi être gênante. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement kinois s’attendait à tout sauf à des propos aussi directs, voire crus, de la part du premier des Français. Celui-ci qui, malgré la protestation de l’opposition congolaise et les tentatives de dissuasion des associations françaises, n’est jamais revenu ni sur la décision de confier l’organisation du sommet à la RDC, ni sur celle d’y assister personnellement. Kabila avait donc jubilé un peu trop tôt, car le voilà désormais prévenu que sa victoire sur ses détracteurs dans son combat pour abriter le sommet ne le met nullement à l’abri de la moindre égratignure. Plus que gêné aux entournures, il court maintenant le risque d’être le dindon de la farce dans ce bras de fer qu’il semble déterminé à engager avec les Français. Mais Kinshasa 2012 sera-t-il le sommet de la vérité ? François Hollande, une fois dans la capitale congolaise, tiendra-t-il à son homologue le même langage de fermeté qu’il a tenu à des milliers de kilomètres ? Le président français a également promis de rencontrer « l’opposition politique, les militants associatifs, la société civile », et de « tout dire, partout », lors de son séjour kinois. Il a en tout cas annoncé la couleur en se faisant précéder à Kinshasa par un message présageant, comme l’a laissé entendre David Assouline, porte-parole du Parti socialiste, une diplomatie autre que celle de l’ère Sarkozy. Pourra-t-il conjuguer cette nouvelle vision avec la préservation tous azimuts des intérêts français, afin d’éviter que la realpolik n’entrave une fois de plus l’avènement de la rupture annoncée par son prédécesseur mais dont on tarde à voir la vraie couleur ? Seuls les résultats du sommet, notamment en ses volets politique et diplomatique, nous en diront davantage.

« Le Pays »



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