Kanyarucinya, le 31 juillet 2012.
AFP PHOTO/PHIL
MOORE
Kanyarucinya, le 31 juillet 2012.
AFP PHOTO/PHIL
MOORE
Par Habibou Bangré
Dans l’est de la RDC, le camp de Kanyarucinya accueille des déplacés qui, avant de fuir le Mouvement du 23-Mars (M23), avaient déjà échappé en 2008 à une autre rébellion. Aujourd'hui comme hier, ils connaissent le quotidien des déplacés : pénuries, anxiété, inconfort.
L’histoire se répète à Kanyarucinya. En 2008, le Congrès national pour la
défense du peuple (CNDP) menaçait de prendre Goma, la capitale de la province
instable du Nord-Kivu, dans l’est de la RDC. Face à son avancée, des déplacés
avaient alors improvisé un camp à Kanyarucinya, à une dizaine de kilomètres de
Goma. « On a vu les rebelles venir, nous avons eu peur et nous sommes venus
ici », se souvient Christophe, 17 ans, chemise saumon et jeans
turquoise.
Aujourd’hui, le lycéen est revenu dans le camp avec près de 60 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants. Tous ont fui depuis juillet les combats opposant l’armée et le M23, créé en mai par des ex-CNDP intégrés en 2009 dans les forces loyalistes. La rébellion opère dans une partie du Rutshuru, territoire frontalier du Rwanda et de l’Ouganda, accusés par l’ONU de soutenir les mutins - ce que démentent Kigali et Kampala.
Avant d’échapper à la progression du M23 et du CNDP, Mburano, 55 ans, avait fui le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD).
« En 2008, j’étais déjà à Kanyarucinya. Je vis ici avec ma femme et mes sept enfants. L’un d’eux, je l’ai adopté quand le CNDP est arrivé dans mon village. Il était seul et, dans ces cas-là, tous les enfants sont nos enfants », raconte avec une apparente sérénité le cultivateur de légumes.
En tongs sous la pluie
Mburano vit sous l’une des 11 100 tentes montées sur des arceaux de bois, prévues pour cinq personnes mais où les ménages sont souvent plus nombreux. En cette saison des pluies, diluviennes, les bâches du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) ne sont pas assez étanches. « Quand on dort, on est mouillés », explique en riant Mungu, 25 ans, mimant l’eau qui tombe dans les oreilles.
Les pluies détrempent la terre noirâtre du camp, d’où l’on voit se dresser le volcan Nyiragongo. Mais si Mburano porte des bottes en plastique, bien d’autres, comme Christophe, sont simplement en tongs. Malgré tout, on s’attèle à survivre. Des femmes vendent des légumes, des hommes travaillent dans des champs voisins. C’est le cas de Mungu, qui a perdu son emploi de chauffeur de moto-taxi.
Pour chaque journée de travail, il gagne « 800 francs » congolais – à peine un dollar. Un salaire journalier qui semble la norme. Mais pas le choix. Faute de moyens, le Programme alimentaire mondial (PAM) peine à distribuer plus de rations (farine, haricots, huile, sel), de biscuits énergétiques et de bons d’achat. Mi-septembre, les bons, d’un montant de 65 dollars par famille, avaient connu un certain succès.
« Le M23 peut venir jusqu'ici »
« Le PAM a organisé une foire et avec les coupons, on allait sur les étalages et on pouvait prendre ce qu’on voulait : du riz, des légumes... On préfère choisir ce qu'on va manger », commente Jeanine, 26 ans, qui fait vivre ses quatre enfants et son mari en vendant, difficilement, des tomates et des petits poissons. Annuarite, 25 ans, se réjouit également de ce système, bien qu’elle n’aurait pas boudé quelques dollars en plus.
En outre, regrette cette mère de trois enfants, « si on a reçu la nourriture, il n'y a pas de bois de braise pour préparer, pas de brasero… Et la nourriture doit durer un mois mais ce qu'on nous donne reste insuffisant ».
D’autres déplorent que les bons d’achat aient provoqué une inflation. Ils citent pour exemple que le sac de 25 kg de riz, qui vaut 22 dollars sur le marché local, en coûtait 30 à la foire. Une anomalie sur laquelle le PAM compte enquêter.
Alors que les combats entre armée et M23 ont fait plus de 300 000 déplacés et réfugiés, l’ONU et des ONG se demandent s’il faut délocaliser le camp de Kanyarucinya ou le rendre « viable ». Actuellement, si des bornes-fontaines ont été installées, l’accès à l’eau est très difficile. Aussi, les déplacés sont à 17 km de la ligne de front. « Nous avons peur ! Nous pensons que le M23 peut arriver ici, ils ont assez de force », estime Christophe.
« Recommencer à zéro »
Le M23 est accusé par l’ONU et plusieurs ONG de viols, exécutions sommaires et recrutements forcés de civils, dont des mineurs. Les rebelles ont réfuté les allégations et annoncé que si le regain d’insécurité se poursuivait à Goma, ils iraient « sauver » la population. Un scenario impossible, selon la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco).
« La Monusco est suspecte ! La Monusco, ce sont des vauriens ! », rétorque Elias, 22 ans. « La Monusco, renchérit Christophe, se déplace sans problème dans la région du M23 mais les FARDC ne peuvent pas arriver là-bas sans qu'il y ait des affrontements… » Mburano, lui, garde espoir. « S'il y a la paix, je rentre chez moi. En même temps, chez nous, les maisons et les champs sont détruits. Il va falloir recommencer la vie à zéro. »
Aujourd’hui, le lycéen est revenu dans le camp avec près de 60 000 personnes, en majorité des femmes et des enfants. Tous ont fui depuis juillet les combats opposant l’armée et le M23, créé en mai par des ex-CNDP intégrés en 2009 dans les forces loyalistes. La rébellion opère dans une partie du Rutshuru, territoire frontalier du Rwanda et de l’Ouganda, accusés par l’ONU de soutenir les mutins - ce que démentent Kigali et Kampala.
Avant d’échapper à la progression du M23 et du CNDP, Mburano, 55 ans, avait fui le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD).
« En 2008, j’étais déjà à Kanyarucinya. Je vis ici avec ma femme et mes sept enfants. L’un d’eux, je l’ai adopté quand le CNDP est arrivé dans mon village. Il était seul et, dans ces cas-là, tous les enfants sont nos enfants », raconte avec une apparente sérénité le cultivateur de légumes.
En tongs sous la pluie
Mburano vit sous l’une des 11 100 tentes montées sur des arceaux de bois, prévues pour cinq personnes mais où les ménages sont souvent plus nombreux. En cette saison des pluies, diluviennes, les bâches du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) ne sont pas assez étanches. « Quand on dort, on est mouillés », explique en riant Mungu, 25 ans, mimant l’eau qui tombe dans les oreilles.
Les pluies détrempent la terre noirâtre du camp, d’où l’on voit se dresser le volcan Nyiragongo. Mais si Mburano porte des bottes en plastique, bien d’autres, comme Christophe, sont simplement en tongs. Malgré tout, on s’attèle à survivre. Des femmes vendent des légumes, des hommes travaillent dans des champs voisins. C’est le cas de Mungu, qui a perdu son emploi de chauffeur de moto-taxi.
Pour chaque journée de travail, il gagne « 800 francs » congolais – à peine un dollar. Un salaire journalier qui semble la norme. Mais pas le choix. Faute de moyens, le Programme alimentaire mondial (PAM) peine à distribuer plus de rations (farine, haricots, huile, sel), de biscuits énergétiques et de bons d’achat. Mi-septembre, les bons, d’un montant de 65 dollars par famille, avaient connu un certain succès.
« Le M23 peut venir jusqu'ici »
« Le PAM a organisé une foire et avec les coupons, on allait sur les étalages et on pouvait prendre ce qu’on voulait : du riz, des légumes... On préfère choisir ce qu'on va manger », commente Jeanine, 26 ans, qui fait vivre ses quatre enfants et son mari en vendant, difficilement, des tomates et des petits poissons. Annuarite, 25 ans, se réjouit également de ce système, bien qu’elle n’aurait pas boudé quelques dollars en plus.
En outre, regrette cette mère de trois enfants, « si on a reçu la nourriture, il n'y a pas de bois de braise pour préparer, pas de brasero… Et la nourriture doit durer un mois mais ce qu'on nous donne reste insuffisant ».
D’autres déplorent que les bons d’achat aient provoqué une inflation. Ils citent pour exemple que le sac de 25 kg de riz, qui vaut 22 dollars sur le marché local, en coûtait 30 à la foire. Une anomalie sur laquelle le PAM compte enquêter.
Alors que les combats entre armée et M23 ont fait plus de 300 000 déplacés et réfugiés, l’ONU et des ONG se demandent s’il faut délocaliser le camp de Kanyarucinya ou le rendre « viable ». Actuellement, si des bornes-fontaines ont été installées, l’accès à l’eau est très difficile. Aussi, les déplacés sont à 17 km de la ligne de front. « Nous avons peur ! Nous pensons que le M23 peut arriver ici, ils ont assez de force », estime Christophe.
« Recommencer à zéro »
Le M23 est accusé par l’ONU et plusieurs ONG de viols, exécutions sommaires et recrutements forcés de civils, dont des mineurs. Les rebelles ont réfuté les allégations et annoncé que si le regain d’insécurité se poursuivait à Goma, ils iraient « sauver » la population. Un scenario impossible, selon la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco).
« La Monusco est suspecte ! La Monusco, ce sont des vauriens ! », rétorque Elias, 22 ans. « La Monusco, renchérit Christophe, se déplace sans problème dans la région du M23 mais les FARDC ne peuvent pas arriver là-bas sans qu'il y ait des affrontements… » Mburano, lui, garde espoir. « S'il y a la paix, je rentre chez moi. En même temps, chez nous, les maisons et les champs sont détruits. Il va falloir recommencer la vie à zéro. »
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