(Le Potentiel
08/09/2012) Les violons sont loin de s’accorder entre Kigali et Kinshasa
alors que s’ouvre à Kampala (Ouganda) la réunion extraordinaire de la Conférence
internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL). En effet, Kinshasa
persiste sur sa position de reconfigurer les troupes de la Mission des Nations
unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) afin d’en faire une force
internationale neutre à déployer dans sa partie Est. Ce que réfute le Rwanda qui
soutient plutôt l’idée d’actionner le mécanisme conjoint de vérification, comme
prévu dans le Pacte sur la paix, la sécurité, la stabilité et le développement
dans la région des Grands Lacs, en vigueur depuis 2008. On va droit vers une
impasse.
Les dirigeants des pays de la Conférence internationale pour la
région des Grands Lacs (CIRGL) se retrouvent à nouveau à Kampala, capitale de
l’Ouganda, pour débattre de la situation sécuritaire qui prévaut dans l’Est de
la RDC où un mouvement rebelle, le M23, formellement soutenu par le Rwanda sème
terreur et désolation depuis mai 2012.
C’est pour la deuxième fois, en
l’espace d’un mois, que des chefs d’Etat de cette organisation sous-régionale se
donnent rendez-vous dans la capitale ougandaise pour trouver un mécanisme de
mise en œuvre de la Force internationale neutre, à déployer dans l’Est de la
RDC, comme convenu en juillet dernier, en marge d’un sommet restreint de la
CIRGL à Addis-Abeba, en Ethiopie. Cela après un mini-sommet de quelques heures
de la SADC dans la capitale tanzanienne à la fin du mois d’août
dernier.
Annoncée pour hier vendredi, c’est finalement aujourd’hui
samedi, apprend-on des sources présentes à Kampala, que doit démarrer la
réunion. Dans la capitale ougandaise, on explique ce report par le retard pris
dans la transmission aux chefs d’Etat de la CIRGL des conclusions de la réunion
du sous-comité des ministres de Défense de la région, clôturée le 16 août 2012 à
Goma (RDC).
Les mêmes sources, du reste confirmées par l’AFP, rapportent
que, outre Yoweri Museveni, président de l’Ouganda et hôte du sommet, seuls les
chefs d’Etat de la RDC, Joseph Kabila ; de la Tanzanie, Jakaya Kikwete ; et du
Sud-Soudan (membre à venir de la CIRGL), Salva Kiir marquent de leur présence la
rencontre. Le président rwandais Paul Kagame est représenté, confirme l’AFP, par
ses ministres de la Défense, James Kabarebe, et celui des Affaires étrangères,
Louise Mushikiwabo.
Mauvais présage
La faible représentativité des
chefs d’Etat de la CIRGL ne devait pas rester sans conséquence dans les
décisions de cette deuxième réunion de Kampala. Rien de consistant, prédit-on
dans certains milieux, ne devait donc sortir de cette réunion. L’on courait déjà
droit vers une impasse, avance-t-on. Ce qui paraît évident, au regard du mauvais
départ de cette nouvelle rencontre de Kampala. Dans la forme, la réunion de
Kampala s’est ouverte avec un sérieux handicap. Il s’agit, dans un premier
temps, des conclusions de la réunion de Goma qui auraient été transmises avec un
grand retard aux chefs d’Etat de la CIRGL. Pourtant, le nouveau sommet de
Kampala est censé tourner essentiellement autour des recommandations des
ministres de la Défense de la CIRGL en vue de l’Opérationnalisation de la Force
internationale neutre dans l’Est de la RDC.
Mais au-delà de ce couac du
début, qui aura occasionné un décalage de 24 heures par rapport au calendrier
initial, il y a cette sous-représentation des chefs d’Etat de la CIRGL, seuls
habiletés à lever une option définitive sur la mise en œuvre de cette force
neutre. L’absence de Paul Kagame à Kampala intrigue à tout point de vue.
Certains y voient le signe d’un sabotage. Bien plus, d’aucuns sont poussés à
penser que l’homme fort de Kigali voudrait anticiper sur le caractère «
opposable à tous » que pourraient revêtir les conclusions du sommet de Kampala.
En clair, Paul Kagame pourrait se déclarer non lié par les décisions que
prendraient ses homologues si jamais celles-ci ne l’arrangeaient pas. Il
pourrait même développer un argumentaire qui le dédouanerait, notamment en
prétendant que son pays n’a pas été représenté au plus haut niveau.
Par
ailleurs, en se faisant représenter par deux de ses plus fidèles lieutenants, à
savoir James Kabarebe et Louise Mishikiwabo, Kagame tente de prendre Kinshasa à
contre-pied. Car, les deux ministres rwandais ont ouvertement livré la position
de leur pays lors de la dernière apparition médiatique. Le premier, James
Kabarebe s’est catégoriquement opposé au déploiement d’une force internationale
neutre, préférant plutôt la mise en œuvre du mécanisme conjoint de vérification,
comme prévu dans le Pacte sur la paix, la sécurité, la stabilité et le
développement dans la région des Grands Lacs, en vigueur depuis
2008.
Venant à sa suite, Louise Mishikiwabo a multiplié des sorties sur
le front diplomatique pour tenter de disculper son pays concernant le soutien au
M23. Elle a accusé jeudi dernier, indique l’agence Chine Nouvelle, la RDC de «
mauvaise foi » après que Kinshasa ait une nouvelle fois réaffirmé que Kigali est
très impliqué dans l’éclosion de la nouvelle rébellion armée dans l'Est
congolais. « Les autorités congolaises sont dans cette psychose de toujours
trouver le voisin coupable (...) Quand il y a un problème au Congo, si ce n'est
pas le Rwanda, c'est le Congo Brazzaville, c'est l'Angola, c'est l'Ouganda »,
avait ironisé sans scrupule la ministre rwandaise des Affaires
étrangères.
Dans ces conditions, que peut-on attendre de cette nouvelle
rencontre de Kampala ? C’est la question que tout le monde se pose. Déjà, dans
le principe, Kigali et Kinshasa ont des positions diamétralement opposées sur la
composition de la Force internationale neutre. Outre, la composition de cette
force qui pose déjà problème, il y a également l’équation de financement de
cette force ? L’autre couac porte sur sa légitimité dans les termes du droit
international. Sous quel mandat opérera cette force ? Autant de questions qui
rendent hypothétique sa mise en oeuvre. Fin joueur, Kagame a choisi de
contourner cette difficulté en actionnant le mécanisme conjoint de vérification.
D’où, l’éventualité d’une impasse quant à une issue heureuse à la crise dans les
Grands Lacs, et particulièrement en RDC.
Pour rappel, la CIRGL s'était
déjà retrouvée pour un deuxième sommet dans la capitale ougandaise Kampala. Mais
aucune avancée concrète n'avait alors été enregistrée sur la complexe
composition de la force neutre à mettre en place pour neutraliser les groupes
armés opérant dans la région. Face aux divergences, les chefs d'Etat avaient
demandé le mois dernier à un groupe ministériel de déblayer le terrain. Depuis
avril, les nouveaux combats dans la région ont fait, selon des humanitaires,
plus de 220 000 déplacés à l'intérieur de la RDC et forcé quelque 57 000 autres
personnes à fuir au Rwanda et en Ouganda voisins.
Écrit par Le Potentiel
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<yramazani@yahoo.fr>
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