(Le Potentiel 14/07/2012)
Pour les Etats membres de la CIRGL, réunis le 11 juillet 2012 à Addis-Abeba, la stabilisation de la partie Est de la RDC passe par la mise en place d’une force neutre internationale qui inclut, outre les pays de la sous-région, des forces de l’ONU et de l’UA. Une solution simpliste, donc difficile d’exécution, au regard de la complexité de la crise des Grands lacs où des pays en conflit ne partagent pas les mêmes motivations.
«L’assassin revient toujours sur le lieu du crime», dit un principe très connu dans les milieux des criminologues. Dans l’Est de la RDC, de nouvelles tensions sont nées avec la création du mouvement rebelle, M23. Plusieurs rapports, dont ceux de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) et de Human Rights Watch, ont formellement reconnu la mainmise du Rwanda derrière cette énième rébellion déclenchée dans le Nord-Kivu.
Si un calme précaire règne encore dans l’Ituri, en Province Orientale, la situation n’est pas pourtant totalement stabilisée. En effet, dans cette partie fragile de la RDC, il s’est formé depuis un temps une Coalition des groupes armés de l’Ituri (COGAI). C’est dire que, là aussi, c’est une bombe à retardement. Qui pourrait exploser à tout moment.
Alors que la guerre fait rage dans le Nord-Kivu, c’est le moment choisi par le président Museveni de l’Ouganda d’initier, en marge du Corep (Comité des représentants permanents de l'Union africaine tenu le 11 juillet 2012 à Addis-Abeba (Ethiopie), une réunion de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs(CIRGL).
Selon le communiqué rendu public à l’issue de cette réunion, qui aura duré 16 heures –preuve de la complexité du sujet à l’ordre du jour– le but était de «discuter de la situation sécuritaire à l’Est de la RDC dans les instruments de la CIRGL, notamment le pacte sur la stabilité, la sécurité et le développement dans la région des Grands Lacs» afin, éventuellement, «d’entreprendre des actions concrètes». Vraisemblablement, renseignent certaines sources présentes à cette rencontre, la réunion d’Addis-Abeba a permis d’aplanir, dans une certaine mesure, les différends entre, notamment le Rwanda et la RDC.
Les échanges ont abouti à la mise en place d’une force neutre internationale dans laquelle seront incorporées, outre les éléments issus des pays de la CIRGL, les forces de l’Onu et de l’UA. De sorte à «éradiquer le M23, les FDLR ainsi que toutes les autres forces négatives opérant dans l’Est de la RDC et pour assurer le contrôle et la sécurisation des zones frontalières».
Dans la foulée, il faut souligner qu’aucune mention n’a été faite sur le soutien que le Rwanda apporte aux rebelles du M23. La réunion s’étant contentée de noter qu’«aucun appui ne devrait être accordé aux M23, FDLR et autres forces négatives».
DES ZONES D’OMBRE
La lecture du communiqué final ayant sanctionné la réunion de la CIRGL à Addis-Abeba laisse un arrière-goût qui ne rassure pas quant à la réelle volonté des participants à apporter une solution durable. Tenez. Lorsqu’il s’agit du M23, les Etats membres de la CIRGL se limitent à une simple condamnation. S’agissant des FLDR, la CIRGL appelle à «une action militaire immédiate pour éradiquer cette menace». C’est un engagement à deux vitesses. Et Kigali en profite. On aura fait de sa préoccupation une urgence, au détriment de celle de Kinshasa, car en attendant la mise en place de la force neutre internationale, le M23 bénéficie d’un sursis et peut encore se la couler douce sur les localités qu’il occupe.
Cela revient à dire que la CIRGL n’aurait pas clairement défini les vrais contours de la force internationale à déployer aux frontières des pays membres.
L’option a été levée, certes mais sans pourtant entrer en profondeur. Ce qui pourrait, à coup sûr, en retarder la mise en œuvre.
SONS DISCORDANTS
D’aucuns auraient souhaité que la rencontre d’Addis-Abeba cerne et pénètre les causes profondes et les motivations réelles de la situation d’instabilité permanente de la RDC.
Selon ceux-ci, l’énigme des tensions récurrentes dans l’Est de la RDC se trouverait dans les rapports non sincères entre Kigali et Kinshasa.
Leurs ministres des Affaires étrangères ont fait des déclarations discordantes. Lorsque le Congolais Raymond Tshibanda se félicite des conclusions de la CIRGL, la Rwandaise Louise Mishikiwabo du n’en fait aucunement mention.
Pour Raymond Tshibanda, «la présence d’une force neutre internationale avec pour mandat d’assurer la surveillance et la protection de la frontière est un pas en avant dans la bonne direction». Quant à Louise Mushikiwabo, c’est le rôle de la Monusco, ouvertement engagée derrière les FARDC pour combattre le M23, qui l’intrigue. Sa déclaration traduit toute la haine de Kigali vis-à-vis des forces onusiennes. «Les Nations unies au Congo aujourd’hui, c'est treize ans d’existence et aucun résultat en termes de stabilité. Une des plus grosses forces de maintien de la paix dans le monde et des milliards de dollars chaque année qui sont dépensés. Je chercherais bien une raison pour laquelle je n’arrive pas à donner des résultats». Une preuve de plus qu’ils sont loin d’émettre sur une même longueur d’ondes. Et que, par ailleurs, entre les motivations de deux voisins, c’est presque le jour et la nuit.
Il reste que Kigali, tout comme Kampala, n’ont pas clairement manifesté leur volonté de contribuer à une paix durable dans l’Est de la RDC et dans la région des Grands Lacs. Au contraire, ils exportent leurs problèmes internes sur le territoire congolais et se complaisent d’une insécurité permanente en RDC, laquelle consolide leurs régimes respectifs.
La solution, si solution il pourrait y avoir, passe par leur engagement à se départir de leur double jeu mais aussi de leur convoitise des ressources naturelles de la RDC.
SCEPTICISME DANS L’OPINION PUBLIQUE
C’est donc sans surprise que la mise en place d’une force neutre internationale aux frontières, respectivement de l’Est de la RDC, est mal accueillie dans l’opinion congolaise. Le flou qui entoure la composition et la feuille de route de cette force sont autant d’indices qui ravivent ces inquiétudes.
Aux yeux des Congolais avertis, ce scenario, c’est du déjà-vu.
L’allusion est faite aux multiples opérations conjointes menées avec le Rwanda contre les FDLR mais qui n’ont pas donné les résultats escomptés. Dans l’opinion, Kigali et Kampala continuent à jouer aux sapeurs-pompiers pyromanes. L’on soupçonne la composition de la force internationale à envoyer en RDC. Elle pourrait comporter en son sein des militaires rwandais, ougandais, burundais et des éléments du M23. Ce qui, à la fin, ne serait qu’une machination visant, estime-t-on dans certains milieux, à officialiser l’occupation du territoire congolais, et par ricochet, garantir la pérennité de l’exploitation illicite des minerais de la RDC.
Une fois encore, la RDC vient d’être embarquée dans un jeu qui, à tout point de vue, n’est pas en sa faveur. Une force internationale aux frontières n’est pas la solution idéale à l’énigme de l’Est du Congo dans la mesure où elle met dans un même panier la victime (RDC) et ses bourreaux (Rwanda, avec dans l’ombre plusieurs puissances étrangères qui le soutiennent).
Une force neutre internationale, ce n’est ni plus ni moins que déshabiller Saint Paul pour habiller Saint Pierre. La multiplicité des armées aux frontières Est de la RDC va davantage compliquer l’équation sur le terrain au point de rendre impossible, voire inopérante, toute tentative d’éradiquer les forces négatives, dont le M23 et les FDLR.
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