(Le Potentiel 13/07/2012)
Partant des prémices vraisemblables, International crisis group est arrivé à la conclusion selon laquelle la résolution de la crise dans l’Est passe par la gestion commune des ressources transfrontalières. Erreur d’analyse dans la mesure où cela revient à attiser davantage les convoitises des pays voisins et autres prédateurs qui tournoient autour de la RDC et n’arrêtent de tenter de la balkaniser.
La ruée vers l’or noir fait le bonheur de nombreux pays africains. Certains d’entre eux se sont hissés au niveau des pays à revenus intermédiaires. Dans son analyse en rapport avec la RDC, International crisis group constate que «Des réserves potentielles de pétrole chevauchant les frontières du pays avec l’Ouganda, l’Angola et éventuellement d’autres voisins pourraient raviver d’anciennes querelles frontalières une fois les explorations entamées. Dans un contexte général de ruée vers l’or noir en Afrique centrale et orientale, l’absence de frontières clairement délimitées constitue un sérieux péril pour la stabilité régionale».
L’histoire récente renseigne, ainsi que le rappelle l’ONG internationale, que «les affrontements ayant opposé les armées ougandaise et congolaise en 2007 ont été suivis de la signature des accords de Ngurdoto qui établissaient un système de gestion du gisement transfrontalier dans le district de l’Ituri. Cependant, la réticence de Kinshasa à appliquer les termes de l’accord et l’échec du dialogue ougando-congolais sont de mauvais augure pour les relations entre les deux pays.
Par ailleurs, l’incapacité à trouver une solution à l’amiable au problème du pétrole au large de la côte ouest a envenimé les relations entre l’Angola et la RDC et a conduit à l’expulsion violente des ressortissants congolais du territoire angolais. Au lieu de chercher à résoudre les conflits de frontières avec ses voisins avant d’autoriser les prospections pétrolières, le gouvernement congolais ignore le problème, refuse le dialogue avec l’Ouganda et revendique une extension de ses frontières maritimes aux dépens de l’Angola.»
Cette difficulté basée sur la délimitation des frontières est le prétexte qui envenimera les relations entre la RDC et ses voisins. Les armées régulières des Etats concernés s’adonnent à des activités illicites de prédation. ICG voit juste dans ce qui risque de se produire dans l’Est, autour du pétrole: «Dans ces territoires toujours contestés, les groupes ethniques se livrent à une lutte pour le contrôle territorial tandis que l’armée et des groupes rebelles sont engagés depuis des années dans l’exploitation illégale des ressources naturelles. Étant donné que les Kivu sont des zones à haut risque, la découverte du pétrole y aggraverait le conflit».
De même, dans les autres espaces du territoire congolais où des réserves pétrolières sont annoncées, les craintes de sécession et d’autonomie de ces entités paraissent évidentes. «La confirmation de réserves de pétrole dans l’Est et la Cuvette centrale pourrait alimenter les tendances sécessionnistes dans un contexte de décentralisation ratée et de querelle fiscale persistante entre les provinces et le pouvoir central». Déjà, le district de l’Ituri a donné le ton, en exigeant son autonomie, dans cette perspective de la gestion «partagée» de la manne pétrolière annoncée.
Erreur d’analyse
ICG préconise une gestion commune des richesses congolaises. Aussi curieux que cela puisse paraître, cette proposition tombe dans un cas où les bénéficiaires de ce «partage» sont réputés moins dotés par la nature en ressources naturelles. On fait de leur manque ou insuffisance un droit pour eux et une obligation pour la RDC. C’est là que l’analyse de l’ICG cloche. D’aucuns sentent dans cette démarche un coup fourré de la part des prédateurs de tous bords qui, on a cessé de le dénoncer, ont toujours convoité les richesses du Congo et cherché à les obtenir par des moyens illicites.
La question que l’on pose à l’ICG est celle de savoir si la législation internationale en vigueur prévoit pareille issue dans des conflits entre Etats. Car, dans le cas d’espèce, la RDC est en conflit avec le Rwanda à travers des mouvements rebelles et autres groupes armés que ce dernier entretient et appuie militairement. Une question en appelant une autre, pourquoi n’a-t-on pas fait la même suggestion aux autres pays africains qui regorgent des richesses tant du sol que du sous-sol ? N’est-ce pas là l’application du principe tant désavoué de deux poids deux mesures ? La RDC tenue à partager avec ses voisins pendant que ceux-ci peuvent, à loisir, gérer eux-mêmes leurs richesses.
Est-ce que l’ICG et tous ceux qui pensent la même chose, notamment l’Américain Herman Cohen, l’ancien président français Nicolas Sarkozy et l’Italien Aldo Ajelo (ancien représentant de l’Union européenne dans les Grands Lac) peuvent convaincre les Congolais que la charte des Nations unies préconise que la fin d’un conflit armé entre deux Etats devrait finir par l’obligation faite au plus nanti de partager ses richesses avec le plus démuni?
Il est temps que le Congo cesse d’être un terrain d’expérimentation de formules sui-generis, et somme toute, «patricides». Le règlement du conflit de la presqu’Île de Bakassi qui opposait le Cameroun au Nigeria devrait faire jurisprudence.
«Dans un contexte de pauvreté généralisée, de fragilité de l’Etat, de mauvaise gouvernance et d’insécurité régionale, une ruée vers le pétrole aura des effets déstabilisateurs si le gouvernement n’adopte pas des mesures préventives tant à l’échelle régionale que nationale. Régionalement, le gouvernement doit concevoir, avec le soutien de l’Union africaine (UA) et du Groupe de la Banque mondiale, un cadre de gestion des réserves transfrontalières et délimiter ses frontières avec le concours de ses voisins». En toute logique, ICG aurait dû en appeler à la consolidation de l’Etat en RDC en lieu et place de cette plaidoirie en faveur d’une gestion commune. L’erreur étant humaine, ICG ferait œuvre utile de tenir compte des millions de victimes de ces incursions meurtrières des Congolais pour revisiter ses conclusions.
Car, proposer à la RDC de «Négocier, avec le concours de l’UA et du Groupe de la Banque mondiale, un accord-cadre qui prévoit l’exploration et l’exploitation des réserves transfrontalières, avec une ou plusieurs sociétés opératrices, et un mécanisme de partage des revenus et de résolution des différends. Lancer un programme de délimitation des frontières avec l’appui du programme frontière de l’UA avant toute nouvelle attribution de concessions dans les zones contestées; mettre en application les accords de Ngurdoto signés avec l’Ouganda; et trouver une solution globale et négociée avec l’Angola pour mettre fin à la querelle qui dure depuis plusieurs années», ne contribuera pas à la coexistence pacifique entre les Etats. Au contraire, ce serait ouvrir une brèche dans laquelle vont s’engouffrer la maffia internationale, qui évite les normes pour faire les affaires.
Encourager pareilles attitudes dans les relations entre Etats revient à créer en permanence des zones des conflits. Il s’agit de la négation de la souveraineté des Etats. Voilà l’erreur d’analyse de l’ICG.
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Partant des prémices vraisemblables, International crisis group est arrivé à la conclusion selon laquelle la résolution de la crise dans l’Est passe par la gestion commune des ressources transfrontalières. Erreur d’analyse dans la mesure où cela revient à attiser davantage les convoitises des pays voisins et autres prédateurs qui tournoient autour de la RDC et n’arrêtent de tenter de la balkaniser.
La ruée vers l’or noir fait le bonheur de nombreux pays africains. Certains d’entre eux se sont hissés au niveau des pays à revenus intermédiaires. Dans son analyse en rapport avec la RDC, International crisis group constate que «Des réserves potentielles de pétrole chevauchant les frontières du pays avec l’Ouganda, l’Angola et éventuellement d’autres voisins pourraient raviver d’anciennes querelles frontalières une fois les explorations entamées. Dans un contexte général de ruée vers l’or noir en Afrique centrale et orientale, l’absence de frontières clairement délimitées constitue un sérieux péril pour la stabilité régionale».
L’histoire récente renseigne, ainsi que le rappelle l’ONG internationale, que «les affrontements ayant opposé les armées ougandaise et congolaise en 2007 ont été suivis de la signature des accords de Ngurdoto qui établissaient un système de gestion du gisement transfrontalier dans le district de l’Ituri. Cependant, la réticence de Kinshasa à appliquer les termes de l’accord et l’échec du dialogue ougando-congolais sont de mauvais augure pour les relations entre les deux pays.
Par ailleurs, l’incapacité à trouver une solution à l’amiable au problème du pétrole au large de la côte ouest a envenimé les relations entre l’Angola et la RDC et a conduit à l’expulsion violente des ressortissants congolais du territoire angolais. Au lieu de chercher à résoudre les conflits de frontières avec ses voisins avant d’autoriser les prospections pétrolières, le gouvernement congolais ignore le problème, refuse le dialogue avec l’Ouganda et revendique une extension de ses frontières maritimes aux dépens de l’Angola.»
Cette difficulté basée sur la délimitation des frontières est le prétexte qui envenimera les relations entre la RDC et ses voisins. Les armées régulières des Etats concernés s’adonnent à des activités illicites de prédation. ICG voit juste dans ce qui risque de se produire dans l’Est, autour du pétrole: «Dans ces territoires toujours contestés, les groupes ethniques se livrent à une lutte pour le contrôle territorial tandis que l’armée et des groupes rebelles sont engagés depuis des années dans l’exploitation illégale des ressources naturelles. Étant donné que les Kivu sont des zones à haut risque, la découverte du pétrole y aggraverait le conflit».
De même, dans les autres espaces du territoire congolais où des réserves pétrolières sont annoncées, les craintes de sécession et d’autonomie de ces entités paraissent évidentes. «La confirmation de réserves de pétrole dans l’Est et la Cuvette centrale pourrait alimenter les tendances sécessionnistes dans un contexte de décentralisation ratée et de querelle fiscale persistante entre les provinces et le pouvoir central». Déjà, le district de l’Ituri a donné le ton, en exigeant son autonomie, dans cette perspective de la gestion «partagée» de la manne pétrolière annoncée.
Erreur d’analyse
ICG préconise une gestion commune des richesses congolaises. Aussi curieux que cela puisse paraître, cette proposition tombe dans un cas où les bénéficiaires de ce «partage» sont réputés moins dotés par la nature en ressources naturelles. On fait de leur manque ou insuffisance un droit pour eux et une obligation pour la RDC. C’est là que l’analyse de l’ICG cloche. D’aucuns sentent dans cette démarche un coup fourré de la part des prédateurs de tous bords qui, on a cessé de le dénoncer, ont toujours convoité les richesses du Congo et cherché à les obtenir par des moyens illicites.
La question que l’on pose à l’ICG est celle de savoir si la législation internationale en vigueur prévoit pareille issue dans des conflits entre Etats. Car, dans le cas d’espèce, la RDC est en conflit avec le Rwanda à travers des mouvements rebelles et autres groupes armés que ce dernier entretient et appuie militairement. Une question en appelant une autre, pourquoi n’a-t-on pas fait la même suggestion aux autres pays africains qui regorgent des richesses tant du sol que du sous-sol ? N’est-ce pas là l’application du principe tant désavoué de deux poids deux mesures ? La RDC tenue à partager avec ses voisins pendant que ceux-ci peuvent, à loisir, gérer eux-mêmes leurs richesses.
Est-ce que l’ICG et tous ceux qui pensent la même chose, notamment l’Américain Herman Cohen, l’ancien président français Nicolas Sarkozy et l’Italien Aldo Ajelo (ancien représentant de l’Union européenne dans les Grands Lac) peuvent convaincre les Congolais que la charte des Nations unies préconise que la fin d’un conflit armé entre deux Etats devrait finir par l’obligation faite au plus nanti de partager ses richesses avec le plus démuni?
Il est temps que le Congo cesse d’être un terrain d’expérimentation de formules sui-generis, et somme toute, «patricides». Le règlement du conflit de la presqu’Île de Bakassi qui opposait le Cameroun au Nigeria devrait faire jurisprudence.
«Dans un contexte de pauvreté généralisée, de fragilité de l’Etat, de mauvaise gouvernance et d’insécurité régionale, une ruée vers le pétrole aura des effets déstabilisateurs si le gouvernement n’adopte pas des mesures préventives tant à l’échelle régionale que nationale. Régionalement, le gouvernement doit concevoir, avec le soutien de l’Union africaine (UA) et du Groupe de la Banque mondiale, un cadre de gestion des réserves transfrontalières et délimiter ses frontières avec le concours de ses voisins». En toute logique, ICG aurait dû en appeler à la consolidation de l’Etat en RDC en lieu et place de cette plaidoirie en faveur d’une gestion commune. L’erreur étant humaine, ICG ferait œuvre utile de tenir compte des millions de victimes de ces incursions meurtrières des Congolais pour revisiter ses conclusions.
Car, proposer à la RDC de «Négocier, avec le concours de l’UA et du Groupe de la Banque mondiale, un accord-cadre qui prévoit l’exploration et l’exploitation des réserves transfrontalières, avec une ou plusieurs sociétés opératrices, et un mécanisme de partage des revenus et de résolution des différends. Lancer un programme de délimitation des frontières avec l’appui du programme frontière de l’UA avant toute nouvelle attribution de concessions dans les zones contestées; mettre en application les accords de Ngurdoto signés avec l’Ouganda; et trouver une solution globale et négociée avec l’Angola pour mettre fin à la querelle qui dure depuis plusieurs années», ne contribuera pas à la coexistence pacifique entre les Etats. Au contraire, ce serait ouvrir une brèche dans laquelle vont s’engouffrer la maffia internationale, qui évite les normes pour faire les affaires.
Encourager pareilles attitudes dans les relations entre Etats revient à créer en permanence des zones des conflits. Il s’agit de la négation de la souveraineté des Etats. Voilà l’erreur d’analyse de l’ICG.
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