Le pape Benoît XVI à l'aéroport international de Beyrouth avec le président libanais Michel Sleiman, avant son départ le 16 septembre 2012.
REUTERS/Mohamed Azakir
Par Paul Khalifeh
Benoît XVI a quitté le Liban après une visite de trois jours. Il laisse derrière lui de l'espoir et une feuille de route pour les chrétiens et les musulmans qui souhaitent construire, ensemble, un avenir meilleur.
Benoît XVI a clôturé, dimanche soir 16 septembre, le voyage le plus délicat de son pontificat. Certes, le pape a passé trois jours au Liban, mais à travers le Pays du Cèdre, c'est l'ensemble du Moyen-Orient qu'il venait visiter, comme il l'a lui-même annoncé. Un Moyen-Orient troublé, métamorphosé par un « printemps arabe » caractérisé par une montée en puissance des mouvements islamistes. La visite du souverain pontife a également coïncidé avec la vague de violence anti-américaine provoquée par le film islamophobe L'Innocence des musulmans.
Mais en dépit de cet environnement pas très encourageant, le voyage est un succès, aussi bien pour Benoît XVI que pour les autorités libanaises. Celles-ci ont bien géré cet événement exceptionnel, qui a culminé dimanche matin avec une messe en plein air sur le front de mer à Beyrouth, en présence de 350 000 personnes.
La peur des chrétiens d'Orient
Le principal objectif de la visite papale est de rassurer les chrétiens d'Orient, de leur redonner espoir dans l'avenir, de plus en plus incertain aux yeux de beaucoup d'entre eux. En Irak, leur présence est devenue symbolique. En Egypte, ils ont peur des lendemains dans un pays désormais dirigé par un Frère musulman. En Syrie, ils sont chassés de leurs villes et villages par des rebelles qui les accusent, souvent à tort, d'être des partisans du régime.
Les craintes des chrétiens d'Orient sont très clairement exprimées par Béchara Raï, patriarche de l'Eglise maronite. « Nous ne vous dissimulons point, Très Saint-Père, les sentiments de crainte et de peur de l'avenir inconnu que nous éprouvons en tant que chrétiens », a souligné le prélat devant Benoît XVI.
« D'autant plus que nous persévérons à miser sur la prise de conscience de nos frères musulmans de l'importance de la diversité dans nos pays arabes, et de la communion inéluctable entre eux et les chrétiens, leurs partenaires en citoyenneté ». Et le patriarche de poursuivre : « Votre voyage historique est une soupape de sécurité en ce temps d'instabilité pour un peuple chrétien qui lutte pour confirmer son enracinement en sa terre ».
Ces propos résument bien les objectifs de la visite et les moyens sur lesquels compte le Vatican, et avec lui toutes les Eglises d'Orient, pour construire un avenir meilleur. C'est d'ailleurs tout le sens de l'exhortation apostolique que Benoît XVI a signé à l'intention de ces Eglises.
Cet ensemble de directives aux évêques d'Orient insiste surtout sur la présence ancestrale des chrétiens comme « partie intégrante » du Moyen-Orient, sur une « laïcité saine », et sur le refus de la violence et d'un « Moyen-Orient monochrome ».
Et dans tous ces discours, le pape a développé chacune de ces idées, appelant les chrétiens à ne pas céder aux sirènes de l'émigration.
« Je connais les difficultés qui sont les vôtres dans la vie quotidienne, à cause du manque de stabilité et de sécurité, de la difficulté à trouver un travail ou encore du sentiment de solitude et de marginalisation, a-t-il dit lors d'une rencontre avec des milliers de jeunes samedi. Même le chômage et la précarité ne doivent pas vous inciter à goûter ' le miel amer ' de l'émigration, avec le déracinement et la séparation pour un avenir incertain ».
Pendant tout son voyage, Benoît XVI a exhorté les peuples du Moyen-Orient à renoncer à la violence. Devant 750 personnalités libanaises réunies par le président Michel Sleiman, le seul chef d'Etat arabe chrétien, le pape a invité les peuples à « dire non à la vengeance » et à bannir « la violence verbale et physique », en les appelant à accepter « la société plurielle ».
Dans une allocution prononcée à la fin de la messe, dimanche matin, Benoît XVI a lancé un fervent appel à l'arrêt de la violence dans la région. « J'en appelle à la communauté internationale. J'en appelle aux pays arabes afin qu'en frères, ils proposent des solutions viables qui respectent la dignité de chaque personne humaine, ses droits et sa religion. Qui veut construire la paix doit cesser de voir dans l'autre un mal à éliminer », a-t-il lancé dans l'angélus.
La violence, le rejet de l'autre, le déracinement, sont provoqués par le fondamentalisme, un mal que le souverain pontife n'a eu de cesse de dénoncer, tout au long de son voyage.
« Le fondamentalisme est toujours une falsification de la religion. La tâche de l’Eglise et des religions est de se purifier », a-t-il adressé aux journalistes qui l’accompagnaient dans son avion. « Le message fondamental de la religion doit être contre la violence, qui est une falsification, tout comme le fondamentalisme », a-t-il ajouté.
Chrétiens et musulmans ensemble
La lutte contre le fondamentalisme et la violence est une tâche commune aux chrétiens et aux musulmans. C'est là une dimension essentielle du message que le pape a voulu délivrer. Il n'y a pas de salut dans l'isolement, le renfermement sur soi, l'exclusion de l'autre.
« Au Liban, la chrétienté et l'islam habitent le même espace depuis des siècles. Il n'est pas rare de voir dans la même famille les deux religions. Si dans une même famille cela est possible, pourquoi cela ne le serait-il pas au niveau de l'ensemble de la société ? », a-t-il demandé.
Après avoir invité les Libanais « à accueillir sans réserve l'autre, même s'il est d'appartenance culturelle, religieuse, nationale différente », le pape a salué les jeunes musulmans présents à la rencontre avec les jeunes, samedi.
« Vous êtes avec les jeunes chrétiens l'avenir de ce merveilleux pays et de l'ensemble du Moyen-Orient. Cherchez à le construire ensemble ! La beauté du Liban se trouve dans cette belle symbiose ».
En Syrie aussi, la priorité doit aller au rejet de la violence. Et pour cela, il faut que cesse « l'importation des armes » qui alimentent le conflit. Le souverain pontife a conclu sur un appel :
« Il est temps que musulmans et chrétiens s'unissent pour mettre fin à la violence et aux guerres ».
Dans son dernier discours, prononcé à l'aéroport international de Beyrouth, Benoît XVI est revenu sur ses idées maîtresses.
« Le monde arabe et le monde entier auront vu, en ces temps troublés, des chrétiens et des musulmans réunis pour célébrer la paix, a-t-il dit. [...] Je souhaite au Liban de continuer à permettre la pluralité des traditions religieuses et à ne pas écouter la voix de ceux qui veulent l'en empêcher ».
Il a également souhaité « au Liban de fortifier la communion entre tous ses habitants, quelle que soit leur communauté et leur religion, en refusant résolument tout ce qui pourrait conduire à la désunion, et en choisissant avec détermination la fraternité ».
La visite de Benoît XVI a sans doute redonné un brin d'espoir aux 15 millions de chrétiens arabes.
Elle a favorisé une trêve politique et médiatique que les Libanais appelaient de leurs vœux. Elle a aussi dessiné les contours d'une feuille de route pour l'Orient telle que l'imagine le Vatican : une laïcité saine et une société plurielle. Mais beaucoup se demandent s'il est encore possible de freiner la logique de la violence et de contenir les extrémismes sortis de la boîte de Pandore.
Mais en dépit de cet environnement pas très encourageant, le voyage est un succès, aussi bien pour Benoît XVI que pour les autorités libanaises. Celles-ci ont bien géré cet événement exceptionnel, qui a culminé dimanche matin avec une messe en plein air sur le front de mer à Beyrouth, en présence de 350 000 personnes.
La peur des chrétiens d'Orient
Le principal objectif de la visite papale est de rassurer les chrétiens d'Orient, de leur redonner espoir dans l'avenir, de plus en plus incertain aux yeux de beaucoup d'entre eux. En Irak, leur présence est devenue symbolique. En Egypte, ils ont peur des lendemains dans un pays désormais dirigé par un Frère musulman. En Syrie, ils sont chassés de leurs villes et villages par des rebelles qui les accusent, souvent à tort, d'être des partisans du régime.
Les craintes des chrétiens d'Orient sont très clairement exprimées par Béchara Raï, patriarche de l'Eglise maronite. « Nous ne vous dissimulons point, Très Saint-Père, les sentiments de crainte et de peur de l'avenir inconnu que nous éprouvons en tant que chrétiens », a souligné le prélat devant Benoît XVI.
« D'autant plus que nous persévérons à miser sur la prise de conscience de nos frères musulmans de l'importance de la diversité dans nos pays arabes, et de la communion inéluctable entre eux et les chrétiens, leurs partenaires en citoyenneté ». Et le patriarche de poursuivre : « Votre voyage historique est une soupape de sécurité en ce temps d'instabilité pour un peuple chrétien qui lutte pour confirmer son enracinement en sa terre ».
Ces propos résument bien les objectifs de la visite et les moyens sur lesquels compte le Vatican, et avec lui toutes les Eglises d'Orient, pour construire un avenir meilleur. C'est d'ailleurs tout le sens de l'exhortation apostolique que Benoît XVI a signé à l'intention de ces Eglises.
Cet ensemble de directives aux évêques d'Orient insiste surtout sur la présence ancestrale des chrétiens comme « partie intégrante » du Moyen-Orient, sur une « laïcité saine », et sur le refus de la violence et d'un « Moyen-Orient monochrome ».
Et dans tous ces discours, le pape a développé chacune de ces idées, appelant les chrétiens à ne pas céder aux sirènes de l'émigration.
« Je connais les difficultés qui sont les vôtres dans la vie quotidienne, à cause du manque de stabilité et de sécurité, de la difficulté à trouver un travail ou encore du sentiment de solitude et de marginalisation, a-t-il dit lors d'une rencontre avec des milliers de jeunes samedi. Même le chômage et la précarité ne doivent pas vous inciter à goûter ' le miel amer ' de l'émigration, avec le déracinement et la séparation pour un avenir incertain ».
Pendant tout son voyage, Benoît XVI a exhorté les peuples du Moyen-Orient à renoncer à la violence. Devant 750 personnalités libanaises réunies par le président Michel Sleiman, le seul chef d'Etat arabe chrétien, le pape a invité les peuples à « dire non à la vengeance » et à bannir « la violence verbale et physique », en les appelant à accepter « la société plurielle ».
Dans une allocution prononcée à la fin de la messe, dimanche matin, Benoît XVI a lancé un fervent appel à l'arrêt de la violence dans la région. « J'en appelle à la communauté internationale. J'en appelle aux pays arabes afin qu'en frères, ils proposent des solutions viables qui respectent la dignité de chaque personne humaine, ses droits et sa religion. Qui veut construire la paix doit cesser de voir dans l'autre un mal à éliminer », a-t-il lancé dans l'angélus.
La violence, le rejet de l'autre, le déracinement, sont provoqués par le fondamentalisme, un mal que le souverain pontife n'a eu de cesse de dénoncer, tout au long de son voyage.
« Le fondamentalisme est toujours une falsification de la religion. La tâche de l’Eglise et des religions est de se purifier », a-t-il adressé aux journalistes qui l’accompagnaient dans son avion. « Le message fondamental de la religion doit être contre la violence, qui est une falsification, tout comme le fondamentalisme », a-t-il ajouté.
Chrétiens et musulmans ensemble
La lutte contre le fondamentalisme et la violence est une tâche commune aux chrétiens et aux musulmans. C'est là une dimension essentielle du message que le pape a voulu délivrer. Il n'y a pas de salut dans l'isolement, le renfermement sur soi, l'exclusion de l'autre.
« Au Liban, la chrétienté et l'islam habitent le même espace depuis des siècles. Il n'est pas rare de voir dans la même famille les deux religions. Si dans une même famille cela est possible, pourquoi cela ne le serait-il pas au niveau de l'ensemble de la société ? », a-t-il demandé.
Après avoir invité les Libanais « à accueillir sans réserve l'autre, même s'il est d'appartenance culturelle, religieuse, nationale différente », le pape a salué les jeunes musulmans présents à la rencontre avec les jeunes, samedi.
« Vous êtes avec les jeunes chrétiens l'avenir de ce merveilleux pays et de l'ensemble du Moyen-Orient. Cherchez à le construire ensemble ! La beauté du Liban se trouve dans cette belle symbiose ».
En Syrie aussi, la priorité doit aller au rejet de la violence. Et pour cela, il faut que cesse « l'importation des armes » qui alimentent le conflit. Le souverain pontife a conclu sur un appel :
« Il est temps que musulmans et chrétiens s'unissent pour mettre fin à la violence et aux guerres ».
Dans son dernier discours, prononcé à l'aéroport international de Beyrouth, Benoît XVI est revenu sur ses idées maîtresses.
« Le monde arabe et le monde entier auront vu, en ces temps troublés, des chrétiens et des musulmans réunis pour célébrer la paix, a-t-il dit. [...] Je souhaite au Liban de continuer à permettre la pluralité des traditions religieuses et à ne pas écouter la voix de ceux qui veulent l'en empêcher ».
Il a également souhaité « au Liban de fortifier la communion entre tous ses habitants, quelle que soit leur communauté et leur religion, en refusant résolument tout ce qui pourrait conduire à la désunion, et en choisissant avec détermination la fraternité ».
La visite de Benoît XVI a sans doute redonné un brin d'espoir aux 15 millions de chrétiens arabes.
Elle a favorisé une trêve politique et médiatique que les Libanais appelaient de leurs vœux. Elle a aussi dessiné les contours d'une feuille de route pour l'Orient telle que l'imagine le Vatican : une laïcité saine et une société plurielle. Mais beaucoup se demandent s'il est encore possible de freiner la logique de la violence et de contenir les extrémismes sortis de la boîte de Pandore.
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