jeudi 11 octobre 2012
La RD-Congo se mobilise pour le « grand sommet » de Kinshasa
(La Croix 11/10/2012)
Des semaines que Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), se prépare à recevoir le 14e sommet de la francophonie. Hier encore, malgré la pluie, on pouvait voir les Kinois donner un dernier coup de peinture blanche aux façades noircies des établissements publics et des maisons bordant les principales artères de la ville.
Le long des rues conduisant au centre-ville, des ouvriers peignaient le drapeau national congolais sur les tôles ondulées protégeant les innombrables chantiers en cours. Sans compter tous ceux qui arrachaient encore les mauvaises herbes, plantaient des parterres de fleurs, balayaient les rues et les trottoirs. La route principale qui relie l’aéroport international au Palais du Peuple, le bâtiment où se tient le sommet de la francophonie, soit 25 km, a été refaite à neuf. Encore cette nuit, des ouvriers peignaient sur l’asphalte les bandes de signalisation.
Les commerçants ambulants chassés par la police
Propre, nette, reluisante : la capitale congolaise a changé d’apparence en quelques mois. Cet effort n’a pas été sans conséquences pour les Kinois, en particulier pour les plus fragiles comme les petits commerçants ambulants, chassés par la police du centre-ville depuis août.
Rasés, les marchés spontanés, les cabanons, les petits « maquis » (restaurants de rue), les modestes comptoirs qui encombrent carrefours, places et rues de Kinshasa. Même dans les quartiers populaires où aucune délégation officielle ne viendra se perdre.
Ainsi, à Kingabwa, dans l’ouest de la capitale, le long du chemin de fer : «Après avoir chassé ces marchés, la police patrouille tous les jours pour les dissuader de revenir», constate Rosette, une habitante de Kingabwa, professeur de couture. «Les autorités ont obligé les habitants des maisons et des immeubles qui bordent la rue conduisant au Palais du Peuple à les repeindre à leur propre frais», témoigne Faustin, un Kinois d’une vingtaine d’années.
Une population indifférente au « sommet »
Sur Radio-Télévision nationale congolaise, la télévision et la radio publiques, on ne compte plus les émissions, flashs spéciaux et sujets qui célèbrent cette réunion internationale. À regarder ces programmes, on pourrait croire que tout ce pays de 70 millions d’habitants célèbre d’un seul cœur l’événement.
Sur le terrain, il n’en est rien. Dans un pays où plus de 71 % des habitants vivent avec moins d’un dollar par jour (selon le Programme des Nations unies pour le développement), cette manifestation ne soulève pas grand intérêt (lire ci-dessous).
Chômage et faim, les préoccupations du jour
Plus on s’éloigne de la capitale, plus cette indifférence est nette. Ainsi, à Goma, à 2200 km au nord-est de Kinshasa. Chômeur comme la presque totalité des habitants de ce chef-lieu d’un million d’habitants de la province du Nord-Kivu, Félicien confie : «La seule chose que je guette, c’est l’attitude du président français. Pour le reste, je pense d’abord à mes enfants à qui je ne vais donner, comme tout le monde ici, qu’un repas aujourd’hui.»
Parmi les déplacés de la région – plus de 700000 sur les deux millions que compte le pays –, le désintérêt est total. Ainsi, à une vingtaine de kilomètres de Goma, dans le camp de déplacés de Mungunga, où presque personne ne parle français, Malira, une femme de 53 ans, lance en swahili, la seule question qui préoccupe cette population : «Ce grand sommet va-t-il nous aider à retourner dans notre village?»
Paroles d’un diplomate étranger en poste en RD-Congo
« 90 % de la population ne se sent pas concernée par ce sommet. Elle se lève le matin la faim au ventre. Plongée dans une logique de survie, elle n’a pas le loisir de s’intéresser à cette réunion internationale. L’opposition et la société civile sont partagées. Il y a ceux qui pensent que c’est l’occasion de faire parler des problèmes du Congo. Pour les autres, cette opération ne servira que les intérêts de Joseph Kabila, le président dont l’élection l’année dernière a été entachée d’une fraude massive. Enfin, j’ajouterai que si la majorité n’est pas intéressée par cette rencontre, elle ressent quand même une forme de fierté à la voir se tenir chez eux : elle a l’impression que le Congo retrouve, pour quelques jours, son audience d’antan. »
Laurent LARCHER (à Kinshasa) ---------------------------------------------------- Recueilli par L. L.
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