12/10/2012 à
18h:20 Par Élise Colette, envoyée
spéciale
François Hollande a prononcé son discours devant
150 députés sénégalais.©
DR
Le chef de l’État français est arrivé en fin de
matinée, le 12 octobre, dans la capitale sénégalaise. Après un tête-à-tête et un
déjeuner de travail avec son homologue sénégalais, Macky Sall, il a prononcé un
discours devant l’Assemblée nationale. Un texte progressiste et concret, loin de
l’idéologie de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy.
Dans ce contexte, l’Afrique, pour François Hollande, a longtemps représenté l’endroit où il n’y avait que des coups à prendre. Il ne s’y est d’ailleurs pas rendu pendant la campagne électorale – contrairement à Nicolas Sarkozy qui, en 2006, avait été au Bénin.
Comment parler franchement sans offenser ? Comment défendre les principes universels auxquels la gauche française ne peut déroger sans entraver des intérêts économiques déjà mis à mal par la rude concurrence des pays émergents ? Le sommet de la Francophonie, prévu du 12 au 14 octobre à Kinshasa, et la présence quasi obligatoire de François Hollande à cette grand-messe, l’a forcé à trancher ces dilemmes – verbalement en tous cas.
Et c’est devant une Assemblée très féminine, composée de quelque 150 députés ayant tous revêtu leur écharpe aux couleurs du Sénégal, que François Hollande a pris la parole à 16 heures 40 locales. « Le temps de la Françafrique est révolu, a-t-il finalement pris le parti d’affirmer. Il y a la France et l’Afrique. Avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité. »
François Hollande a fait le choix de ne pas s’attarder sur l’Histoire – dont l’interprétation sarkozyenne avait fait couler tant d’encre.Trois principes qu’il a décliné tout au long d’une intervention essentiellement tournée vers l’Afrique de demain et l’avenir commun des continents africains et européens. À part une rapide référence liminaire à l’esclavage, « à la colonisation et ses souffrance » et au sang versé par les Africains lors des conflits mondiaux, François Hollande a fait le choix de ne pas s’attarder sur l’Histoire – dont l’interprétation sarkozyenne avait fait couler tant d’encre. Et il a réservé les moments de célébration mémorielle à sa visite à l’île de Gorée, prévue plus tard dans la journée.
La place de la France en Afrique
« La clarté, c’est la simplicité dans nos rapports d’État à État. Les émissaires, les intermédiaires et les officines trouvent désormais porte close à la présidence de la République comme dans les ministères », a martelé le chef de l’État français, en rappelant les quelques mesures symboliques prises depuis le début de son mandat, comme la transformation du ministère de la Coopération en ministère du Développement – dont le titulaire du portefeuille, Pascal Camfin, était dans la délégation présidentielle -, et la poursuite d’évolutions entamées auparavant, comme la renégociation des accords de défense sans clauses secrètes. La place de la France en Afrique devra donc être désormais « claire, transparente et fondée sur la solidarité. « Nous devons tout nous dire. »
Surtout, François Hollande (en photo ci-dessus avec son homologue sénégalais Macky Sall, © AFP) a précisé la manière dont il comptait concrètement engager la France aux côtés des pays africains : soutien au développement (par le biais de l’aide au développement et des financements innovants), appui aux organisations régionales (Union africaine, Communauté de développement économique des États d’Afrique de l’Ouest) et – changement réclamé à hauts cris par les chancelleries africaines - réforme de la politique des visas.
« J’entends mettre fin à ce paradoxe, qui veut que la France ait, dans un passé récent, trop souvent fermé la porte à ceux qui voulaient y créer des emplois, y développer les échanges, participer à l’effort de recherche ou de création artistique », a-t-il lancé sous les applaudissements des députés sénégalais.
En 2007, sur le même sujet, Sarkozy avait certes affirmé que la jeunesse africaine avait le droit d’acquérir des compétences hors d’Afrique, mais il avait surtout insisté sur le fait qu’elle avait le devoir de « revenir bâtir l’Afrique ». Reste à voir si la France socialiste confrontée à un chômage massif pourra effectivement assouplir les conditions d’accueil des migrants africains.
La place de l’Afrique dans le monde
En se défendant de vouloir donner des leçons aux Africains, François Hollande a néanmoins livré sa vision de la place que l’Afrique devait avoir dans le monde. « Les Africains ont pris leur destin en main et ce mouvement ne s’arrêtera pas. » Ils devront « renforcer la place de (leur) continent dans la mondialisation ».
Totalement opposé à la phrase restée célèbre de Nicolas Sarkozy, enjoignant les Africains à « entrer dans l’Histoire », Hollande s’est ainsi formellement opposé à son prédécesseur en s’approchant beaucoup plus des paroles du président américain, Barack Obama, qui en juillet 2009 déclarait à Accra : « Je ne considère donc pas les pays et les peuples d’Afrique comme un monde à part ; je considère l’Afrique comme une partie fondamentale de notre monde interconnecté ».
Tout comme Obama, encore, Hollande a insisté maintes fois sur le rôle fondamental de la bonne gouvernance et prôné l’importance de la démocratie. La similitude entre les deux discours était claire. « Aucun pays ne peut créer de richesse si ses dirigeants exploitent l’économie pour s’enrichir personnellement », avait déclaré Obama en 2009. « Nous devons être intraitables face à ceux qui pourraient se croire autorisés à voler les deniers de leur propre pays », a martelé François Hollande en 2012 avec une référence explicite aux « biens mal acquis ».
« L’Amérique ne cherchera pas à imposer un système quelconque de gouvernement à une autre nation. Elle augmentera son aide aux personnes et aux institutions responsables, en mettant l’accent sur l’appui à la bonne gouvernance », avait insisté Obama. « Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer un modèle, ni pour délivrer des leçons de morale, a rappelé Hollande. La démocratie vaut pour elle-même. Mais elle vaut aussi pour ce qu’elle permet. Il n’y a pas de vrai développement économique ni de vrai progrès social sans pluralisme. » Des idées honorables qu'il faudra néanmoins évaluer à l'aune de leur impact sur le réel.
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Par Élise Colette, envoyée spéciale à Dakar
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