(Le Monde 15/10/2012)
"Puissiez-vous poser sincèrement les problèmes et esquisser
des amorces de solutions", avait souhaité Abdou Diouf, secrétaire général de
l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) devant ses 56 pays
membres, réunis en sommet à Kinshasa, la capitale de la République démocratique
du Congo. Force est de constater, à la clôture de ce sommet, dimanche 14
octobre, que son vœœu a été en partie exaucé.
Le président François
Hollande a parlé clair, comme il l'avait promis, évoquant d'emblée "le soutien
de la France au peuple congolais qui aspire à la paix, à la sécurité, à la
démocratie" devant l'hôte de ce sommet, le président Joseph Kabila, et les
autres dirigeants susceptibles de se sentir concernés. D'autres ont fait chorus,
comme Stephen Harper, premier ministre du Canada, le deuxième plus gros
contributeur de l'OIF. "Tous les gouvernements sans exception doivent garantir à
leurs ressortissants une bonne gouvernance, l'Etat de droit et le respect des
libertés individuelles", a indiqué M. Harper.
Bien qu'il se soit déclaré
"pas du tout complexé" sur tous ces chapitres, le président Kabila, réélu en
novembre 2011 à l'issue d'un scrutin entaché d'irrégularités, a dû donner
quelques gages à des autorités françaises fort insistantes. Une commission
électorale plus indépendante que celle qui avait entériné les résultats des
élections présidentielle et législatives de l'an passé est en bonne voie d'être
mise sur pied et, juste avant le sommet, une commission nationale des droits de
l'homme a été instaurée. François Hollande, qui a rencontré à Kinshasa des
représentants de l'opposition et de la société civile, a par ailleurs délivré un
message direct en inaugurant samedi à Kinshasa une médiathèque française portant
le nom du militant congolais des droits de l'homme unanimement respecté,
Floribert Chebeya. A quelques jours du sommet francophone, le procès en appel
des policiers accusés de son assassinat en 2010 avait été reporté.
Sur
d'autres plans, le président Kabila a capitalisé auprès de la francophonie. Le
sommet a adopté une résolution réaffirmant l'intangibilité des frontières de la
RDC, condamnant "les violations massives des droits de l'homme dans l'Est du
pays" (Nord et Sud Kivu) et tenant pour responsables de ces violations aussi
bien le FDLR, groupe de rebelles hutus rwandais, que le M23. Ce dernier
mouvement est né en avril d'une mutinerie d'officiers tutsis soutenus par le
Rwanda voisin, comme l'a dénoncé en juillet un rapport d'experts des Nations
unies. Kigali a refusé de s'associer à deux paragraphes de cette même résolution
: l'appel adressé au Conseil de sécurité des Nations unies à adopter des
sanctions ciblées contre les responsables d'exaction dans les Kivu et
l'invitation "à poursuivre en justice les auteurs des crimes de guerre et des
crimes contre l'humanité commis en RDC". Une allusion entre autres au chef du
M23, Bosco Ntaganda, recherché depuis 2006 par la Cour pénale
internationale.
Le président François Hollande s'est engagé à obtenir que
le mandat de la force des Nations unies (Minusco) déployée en RDC soit précisé
et élargi, de manière à faire cesser les exactions contre les civils dans l'Est
du pays. Peu professionnelle et désorganisée, l'armée congolaise est impuissante
à pacifier ces zones.
Autre sujet de satisfaction pour M. Kabila : la
francophonie a soutenu les initiatives internationales visant le pillage des
minéraux par des groupes armés. Kinshasa accuse Kigali d'être complice de ce
commerce illégal dans les Kivu notamment.
Le prochain sommet de la
francophonie se tiendra à Dakar, capitale du Sénégal, pays considéré comme un
bon élève de la démocratie. A Kinshasa, l'OIF a admis en son sein, à titre de
"membre associé" le riche Qatar qui l'est moins. Cet émirat n'est pas non plus
connu pour pratiquer le français mais il a promis de s'y atteler.
Martine
Jacot (Kinshasa, envoyée spéciale)
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