mercredi 4 avril 2012

Lettre ouverte à J. Kabila; lire l'intégralité

LETTRE OUVERTE A SON EXCELLENCE MONSIEUR JOSEPH KABILA, PRESIDENT DELA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

by Theotime Kurhengamuzimu on Thursday, March 29, 2012 at 8:46pm ·

LETTRE OUVERTE A SON EXCELLENCE MONSIEUR JOSEPH KABILA, PRESIDENT DELA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO


Eskilstuna, le 18 février 2012

Copies pour information à :


- Secrétaire général des Nations Unies, à New York

- Sous-Secrétaire général à l'appui à la consolidation de la paix, à New York

- Représentante spéciale chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés, à New York

- Représentant spécial du Secrétaire général de l’ ONU pour la République démocratique du Congo, à Kinshasa,

- Représentant spécial du secrétaire général de l’ ONU pour l’Afrique centrale, basé à Libreville au Gabon,

- Au Secrétaire Exécutif de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (CEPGL)

- Au Département d’ Etat américain, à Washington,

- Excellence Monsieur le Premier Ministre de la Suède, à Stockholm,

- Excellence Monsieur le Président de l’ Assemblée nationale de la RDC, à Kinshasa,

- Excellence Monsieur le Président du Sénat de la RDC, à Kinshasa,



A son Excellence Joseph KABILA KABANGE, Président de la RDC,


Excellence Monsieur le Président,


Désirant moi me présenter à vous, je n’ai trouvé dans tout ce qui m’appartient rien de plus précieux que ma vérité et mon témoignage sur certains faits et sur une petite réalité du quotidien du peuple congolais.


Quoique je regarde cette lettre ouverte comme non exhaustive, je garde comme Machiavel, la confiance qu’elle trouvera grâce à vos yeux et que votre indulgence daignera l’agréer, lorsque vous voudrez bien songer que le plus grand présent que je puisse vous faire était de vous dire cette vérité qu’aucun de vos conseillers ne vous dira, mais qui vous permettra d’avoir les pieds sur terre afin d’être plus près de votre peuple.


Lorsque vous vous retournez en arrière, c'est surtout pour retrouver la figure de personnages qui ont façonné la vision de la RDC, comme Patrice LUMUMBA, Laurent Désiré KABILA. Mais cinq ans après votre premier mandat, voici une bonne occasion de retracer le chemin qui a été parcouru.


Plus de 50 pourcent des congolais avaient voté pour vous il y a cinq ans et 48,9 pourcent en 2011 dont, certains vous ont élu pour que vos adversaires ne le soient pas. D'autres, parce qu'ils s'étaient mis en tête que vous pourriez changer leur vie. La plus grande partie vous a choisi parce que vous incarnez une capacité à ramener la paix au pays. C’est le cas de l’ Est de la RDC où vous avez fait un plus grand score en 2006 et en 2011. Cela prouve que la question et la problématique de la paix demeure une préoccupation des congolais de cette partie du territoire national. Ils comptent sur vous pour bousculer les situations établies, à rompre avec les manipulations des pays voisins pour des relations d’égal à égal et à permettre au pays de sortir du déclin. C’ est à dire, ordonner les relations commerciales frauduleuses existantes avec nos voisins à l’ Est de la RDC pour permettre à notre pays d’en tirer profit et de les contrôler.


Pendant toute votre dernière campagne électorale, vous avez utilisé le slogan « 100 % » pour rassurer les congolais de leur avenir s’ils vous accordaient un second mandat. Mais c'est bien un espoir de transformer positivement la vie de tout un peuple. Cela signifie aussi changer les modes de fonctionnement d'un État, d'un pays et d'un corps social qui, tous, aspirent à un changement intégral, avec la participation de tous les congolais à votre programme.


Jusqu'ici, certains de ceux qui vous ont précédé s’ étaient contentés d'occuper le pouvoir sans réaliser un moindre changement dans la gestion, la transformation des infrastructures ni songer au bien-être du congolais. Vous au moins vous avez débuté quelque part, alors qu’ à la tête d’ un pays en guerre. Mais votre erreur reside dans la difficulté de reformer une armée véritablement républicaine, de mettre sur pied une bonne politique de la protection des civils et la réforme au sein de l’ administration publique. Alors que ceci, serait le fil conducteur de la bonne gouvernance, de la lutte contre la corruption et l’impunité.



Globale il le faut, parce que la société congolaise a tant souffert et reste bloquée. La perspective de voir le nombre de jeunes chômeurs que le pays produit chaque année, et qui malheureusement représente la majorité de la population, constitue un élément anxiogène pour notre pays. Et vu le nombre des fonctionnaires de l’ Etat, ceux de la police et de l’ armée à l’âge de la retraite, cela paralyse la croissance, casse le pacte intergénérationnel, bloque le changement de la mentalité, la bonne gouvernance et entretient l'opposition entre une masse de la population active et pourtant vieille à une masse majoritaire inactive des jeunes désœuvrés sans rendement positif pour le pays. La retraite s’ avère indispensable pour ces gens qui ont servi le pays depuis plus de 40 ans ou même 50 ans. Mais la réforme doit être multiple. C'est-à-dire qu'il vous faut tout attaquer de front et en même temps : l'université, la justice, l'armée, l'éducation, le travail, la fiscalité, les infrastructures (route, électricité, eau, …), les politiques publiques. Il faut tout mener simultanément parce que dans ce pays, tout est lié.


C'est parce que la reconstruction ne peut se concevoir que comme une série de chantiers que vous avez ouverts dès votre premier mandat autant de fronts. Votre rigueur avait semé la confusion dans votre propre majorité, si bien que vous avez sanctionné certains de vos collaborateurs improductifs et corrompus, mais pas tous. C’ est pourquoi votre politique de « Tolérance Zéro » devrait continuer en la généralisant sur toutes les institutions de la République en vue de lutter contre l’ impunité et de redorer le blason de la justice congolaise longtemps décriée comme partisane et impartiale.


Certains membres de l’opposition avaient eu du mal à critiquer et à contrecarrer votre programme de cinq chantiers car ils n’en avaient aucun pour notre pays. Ce qu’ il faudrait éviter car on ne gère pas un pays qui a tant souffert et détruit par les dictatures et les guerres sans aucun programme de reconstruction. Ce qui donne dans l'opinion l'impression d'un fouillis, d'un désordre, d'un manque de vision du côté de l’ opposition. Cela s’est observé au sein de l’ UDPS de Monsieur Etienne TSHISEKEDI qui n’ en avait présenté aucun pour notre peuple durant la campagne électorale de 2011. Seul, votre ancien proche collaborateur Vital KAMERHE avait un programme ambitieux pour notre pays, mais comme démocratie oblige, il n’ a pas réussi. C’est pourquoi, dans l’intérêt de preserver la paix, le développement et la reconstruction du pays, il ne serait pas déplacé de votre part de vous inspirer de son programme et de faire appel à son expertise. En politique il n’ y a que des adversaires et non pas d’ énnemis.


Comme un bateau en pleine mer pointé vers la ligne d'horizon donne souvent le sentiment d'être immobile, il suffit de regarder le sillage pour se rassurer et constater à quel point le voilier avance vite. Qui mesure qu'en cinq ans aucun gouvernement précédent, depuis l’ indépendance de notre pays en 1960, n'a autant reconstruit que le vôtre ?


Voilà Excellence Monsieur le Président, ce que je voulais vous dire, cinq ans après votre première élection. Vous avez été choisi par les congolais, y compris ceux qui critiquent aujourd'hui votre action, pour votre capacité à reconstruire. Vous pouvez changer de style, reconnaître des erreurs, modifier votre entourage. Mais de grâce, cette reconstruction du pays, il faut la mener jusqu'au bout.


Et vous avez deux atouts supplémentaires pour le faire. Le premier, c'est que vous êtes impopulaire, alors que la popularité est un gage d'inaction. Le second, c'est que la RDC est affectée par des grands problèmes socio-économiques. Or il est plus facile de réformer quand tout se dérègle que lorsque tout le monde s'embourgeoise. C’ est le cas de tous les pays développés aujourd’hui. Il avait fallu consentir des sacrifices, prendre des décisions souvent impopulaires et l’engagement de tous les peuples pour y arriver.


Cinq ans après votre accession à la magistrature suprême, je n'ai aucune raison, Excellence Monsieur le Président, de regretter votre réélection. Tant que l’ insécurité persiste à l’ Est de notre pays et tant que la reconstruction de notre pays guidera votre action. Mais cette fois-ci il faudra privilégier le concret.


Laissez-moi vous prodiguer quelques conseils, Excellence Monsieur le Président :


La démocratie est nécessaire pour construire le compromis. Il faudra éviter la confusion entre l'exécutif et le législatif pour que le peuple participe dans la prise de décisions. Eviter que les assemblées soient dominées par des majorités caricaturées artificiellement et formées par le mode de scrutin majoritaire avec pour objectif de renforcer l'autoritarisme et le présidentialisme du pouvoir.


Ne vous laisser pas induire en erreur pour soit motif de renforcer votre pouvoir à cause des nombreuses irrégularités observées lors des dernières élections, des contestations post-électorales ou par la mise en cause de la crédibilité des élections générales par l’ opposition et certains observateurs électoraux aux niveaux national et international. Maintenant, seule la finalité compte, la poursuite du programme d’ instauration d’un véritable Etat de droit et de la reconstruction du pays.


Sinon, cette situation des conflits entre les institutions place régulièrement l'exécutif face à la grogne populaire qui s'exprime dans la rue qui s’ exprime par des grèves des enseignants et des fonctionnaires de l'état ou dans une alternance brutale due aux multiples cas d’insécurité qui déchirent actuellement le pays, s’exprimant aussi par des violations des droits des journalistes, et des répressions inattendues de certains militaires des FARDC et des différentes milices tant nationales qu’ étrangères.


Il faudra tenir compte des différentes contradictions qui opposeront le parlement de la majorité présidentielle et le gouvernement issu de cette même majorité sur des dossiers sensibles, tels que l’ insécurité à l’ Est du pays et ses répercussions dans les relations avec les voisins.


L'objectif premier de l’Assemblée nationale et celui des assemblées provinciales devrait permettre à ce qu’elles soient des lieux où se négocient les évolutions, ce qui exige qu'elles soient pluralistes, sans pour autant favoriser les jeux politiciens stériles.


Et pourtant, à l’heure actuelle, le nouveau parlement congolais sera confronté à un défi majeur, qui est la seule voie pour résoudre les différents conflits en RDC, il s’agit de consolider le lien social. Les situations de crise et des conflits mettent à l'épreuve la cohésion sociale. Toutes les formes d'exclusion détruisent le sentiment d'appartenance à la communauté. Les situations extrêmes peuvent même provoquer un effondrement des solidarités et des respects interindividuels qui fondent la société. C'est pourquoi, il est essentiel de renforcer le lien social afin de permettre l'adhésion de tous aux efforts demandés, en réduisant les inégalités, notamment les plus incompréhensibles. Par exemple, l'écart aussi scandaleux des salaires des membres du gouvernement et des députes à ceux des enseignants traduiraient et risquera d’ être une des preuves de l'échec de la bonne gouvernance.


Si l’on reproche à la majorité de l’Assemblée nationale d’être impartiale, comment peut-on alors compter construire un parlement véritablement démocratique et responsable?


La principale reproche que nous adressons au gouvernement sortant actuel de la RDC sur le plan économique, c'est de continuer à bercer les congolais dans l'illusion qu’il peut faire accroître le pouvoir d’achat et, implicitement, que la prospérité économique serait partagée par tous les congolais. Alors que l’expérience actuelle prouve qu’il est loin de mettre fin à la corruption, au détournement des fonds publiques, au tribalisme et aux inégalités sociales et politiques qui sont à l’origine des différents conflits armées et de l’insécurité à tous les niveaux des secteurs de la vie nationale.


Il nous appartient d’aspirer à un gouvernement responsable qui puisse encadrer le peuple, sans discrimination, en lui imposant des règles, harmonisées au niveau des assemblées et qui contribueront au développement et à la cohésion sociale. Ainsi, la faiblesse du gouvernement face au développement économique peut être compensée par une mobilisation de tous les congolais à vivre tous ensemble, en communion, au sein des sociétés réconciliées avec elles même et leurs peuples. Ce qui résumerait un vrai programme révisé du chef de l’Etat en un acte réfléchi, éthique et politique, et non une guerre de plus imposée au peuple congolais par les politiciens.


Les guerres n'introduisent pas une conscience sociale et ne résolvent pas les conflits sociaux. Leurs logiques n'ont ni cœur, ni soucis de l'avenir. Elles perpétuent, au contraire, les conflits et accentuent les divisions entre les peuples. Le dialogue reflète plutôt la sagesse des dirigeants à privilégier la raison en lieu et place de la force pour résoudre des différends. Le peuple n'a pas besoin de savoir qui est fort ou qui est faible.


La véritable politique de résolution des problèmes et des conflits à l' Est de la RDC devrait accorder de manière équilibrée de l'attention aux divers problèmes et développer les instruments les plus efficaces. A l'heure actuelle les instruments disponibles sont les armes et le dialogue. Pour ces premiers, la question est de savoir vers qui orienter ces armes. C’est là où vous et la MONUSCO devez soutenir le peuple.


L’ ONU, à travers la MONUSCO, jouera les rôles suivants : témoin, observateur, gardien de la paix, conseiller, médiateur, soutien à la démocratie et aux institutions républicaines. C’est qui vous mettra, Excellence Monsieur le Président de la République, à l’abris des calomniateurs et des menteurs. Profitez-en, car il n’est pas donné à tous les Présidents africains ayant les mêmes problèmes que notre pays. Mais aussi et surtout, pour mettre en action et pour parachever votre programme de reconstruction.
Pour un progrès généralisé en assurant une meilleure rédistribution des revenus et une égalisation sociale à son peuple, la RDC a plusieurs choix de voies de développement. C’est ainsi qu’ actuellement, il lui faut un développement équilibré et autocentré. Il s’agit donc d’un développement orienté vers les besoins réels et locaux libérés des grands projets de tous contextes, avec pour objectif de mettre toutes les ressources matérielles du pays au service du peuple.Une autre priorité de votre programme devra être celle d’ améliorer le climat des affaires pour la RDC. Selon le rapport de la Banque mondiale « Doing Business 2012 », qui évalue l’environnement des affaires dans le monde, la RD Congo se classe 178ème sur 183 pays. Vous devriez lutter, Excellence Monsieur le Président, pour que notre pays ait sa place parmi les premiers du « Doing business ». Et cela nécessite des reformes, l’ organisation des services de l’ état et le maintien de la stabilité du cadre macroéconomique. La conséquence sera un boom économique et l’ élévation du taux de croissance. Sinon, aujourd’hui, deux tiers des 67,8 millions d’habitants de RDCongo vivent en dessous du seuil de pauvreté, avec 1,25 dollar par jour, en dépit des immenses richesses minières de notre pays qui alimentent conflits, groupes armés et corruption.


Enfin, certaines gens se servent des violences faites aux femmes pour soit gagner de l’argent et d’autres continuent à violer pour nuire. Votre rôle entant que Président de la République est de mettre sur pied des mécanismes de protection et promotion des droits des femmes et des enfants. Et cela vous pouvez vous inspirer de la politique de l’ ONU menée par Madame MARGOT WALLSTRÖM (Représentante spéciale chargée de la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits armés), en lui proposant votre collaboration.


Agréez, Excellence Monsieur le Président de la République, l’expression de mes sentiments patriotiques, de profond respect et très dévoués.


Theotime KURHENGAMUZIMU BISIMWA

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