PRESSAFRIQUE 05.11.05
Comment l'Américafrique, la Belgafrique, la Françafrique et l'Organisation des Nations Unies furent les fossoyeurs de Lumumba et de la démocratie congolaise naissante Episode VI : Le 05.09.1960 - La tentative de destitution parlementaire de Lumumba par Kasa Vubu | |||||
Fin août, les autorités belges à Bruxelles avec le nouveau ministre des Affaires africaines, Harold d'Aspremont Lynden et leurs agents belges à Brazzaville, les autorités américaines et l'ONU envisagent la destitution politique de Lumumba au travers de l'actionnement d'hommes liges leur étant favorables. Ainsi selon le Dr Weissman (Washingtonpost juin 2001 Révélations sur le rôle joué par les Etats-Unis dans l'assassinat de Lumumba ), le programme d'action secrète de la CIA dénommé "project Wizard" contribue à la rémunération de la plupart des opposants à Lumumba qui vont jouer un rôle clé dans sa destitution notamment le président Kasa Vubu, Mobutu (chef d'état-major de l'armée), le ministre des Affaires étrangères Justin Bomboko, le président du sénat Joseph Ileo, le leader syndical Cyrille Adoula... Toujours selon Weisman, "de nouveaux détails montrent que les Etats-Unis avaient autorisé des paiements au président d'alors, Joseph Kasa Vubu quatre jours avant l'éviction de Lumumba". Le 26 août, Allen Dulles en personne, directeur de la CIA, envoie un télégramme à Devlin, fonctionnaire de la CIA à Léopoldville : "Dans les cercles dirigeants ici, on en vient à la conclusion que si [Lumumba] reste au pouvoir, dans le meilleur des cas, la situation débouchera sur le chaos, et dans le pire des cas, sur une prise de pouvoir communiste au Congo.(...) Nous avons décidé que son éloignement est notre objectif le plus important, et que, dans les circonstances actuelles, il mérite grande priorité dans notre action secrète". (Ludo de Witte, p.56 , L'Assassinat de Lumumba). Toujours le 26 août, la Mission permanente des Etats-Unis auprès de l'ONU envoie un télégramme signé Hammarskjöld où on y lit que "Lumumba doit être brisé". (Ludo de Witte, p.57 , L'Assassinat de Lumumba). Dans leur télex du 3 septembre, des diplomates belges, Davignon et Westhof évoquent le "renversement du gouvernement selon nos voeux" (Les secrets de l'affaire Lumumba, Luc de Vos et coll, p.137).Toujours selon les auteurs de Vos et coll. (p.137), le gouvernement belge finance certaines activités, non davantage précisées, de l'opposition au moyen des fonds dits "secrets" et avec l'aide de certains Belges sur place. Ensuite la diplomatie belge fournit au président Kasa Vubu les arguments juridiques dont il a besoin pour destituer Lumumba. "Dire que le gouvernement belge est impliqué revient à constater avant tout l'implication du Premier ministre (Eyskens), du ministre des Affaires étrangères (Wigny) et du ministre des Affaires africaines(Scheyen)" (Ibid,p.137). "Wigny développe l'argumentation juridique, tandis que Scheyen finance les actions. Le premier ministre Eyskens donne sn feu vert pour le financement...". (ibid, p.137). "De façon indirecte, mais non moins décisive, le gouvernement belge a sensiblement affaibli la position du gouvernement Lumumba en accordant un soutien aux sécessions du Katanga et du sud -Kasai" (Luc de Vos et coll., p.137). De fait la sécession du Katanga puis de Kasaï ont entraîné une situation de quasi guerre civile soigneusement entretenue par les forces transatlantiques et obligeant le gouvernement Lumumba à se retourner dans un premier temps vers l'ONU. Du fait du soutien Onusien envers les autorités d'Elisabethville, Lumumba s'est retourné vers les soviétiques pour obtenir un soutien logistique afin d'assurer le transport de ses troupes. Les massacres dans le Kasaï perpétrés par les troupes dirigées par le colonel Mobutu ont terni l'image du gouvernement Lumumba. C'est dans ce contexte que Kasa Vubu épaulé secrètement par l'ancienne puissance coloniale, les USA et l'ONU va organiser la destitution parlementaire de Lumumba. Une destitution anticonstitutionnelle dans un régime parlementaire. Le 5 septembre 1960, avant que Kasa Vubu tienne son allocution à la radio, l'ONU lui signifie son soutien quant à son action par l'intermédiaire de Cordier responsable de l'ONU Congo : "Les représentants des Nations Unies soulignèrent qu'ils ne pouvaient intervenir dans les affaires intérieures et que, si le président pouvait garder l'initiative, la présence des Nations Unies et des Casques bleus pouvait jouer à son avantage". (Ludo de Witte, p.61 , L'Assassinat de Lumumba).
Déroulement des évènements
La réponse de Lumumba ne se fait pas attendre, après avoir appris sa destitution illégale au regard de la constitution du pays, il décide en tant que chef du gouvernement de destituer le président Kasa-Vubu placé à cette place par le gouvernement Lumumba.
On se retrouve alors dans une impasse avec Lumumba qui réfute à juste titre le droit du président Kasa-Vubu de le destituer tandis que Kasa-Vubu appuyé par les Nations-Unies, la Belgique et les USA forment un nouveau gouvernement rejeté par la majorité de la population et en premier lieu par les parlementaires à Léopoldville. En fait Kasa-Vubu se sert d'un artifice constitutionnel calqué sur celui de la Belgique, selon l'article 22 de la constitution congolaise rédigée par la Belgique et reprenant l'article 65 de la constitution belge tombé en désuétude "le roi nomme et démet ses ministres". Cet artifice juridique lui a été soufflé par le gouvernement belge. François Perin, cité par Ludo de Witte (p.65, ibid), écrit en 1960 dans la revue CRISP : "De l'action de Kasa Vubu, il peut etre dit avec raison (...) que la façon dont il fait usage de son pouvoir, sans se soummettre au parlement, équivalait à un abus de constitution". Deux jours plus tard, Lumumba se présente à la chambre des représentants qui, par 60 voix contre 19, décide d'annuler les révocations mutuelles du 5 septembre. Elle crée en plus une «Commission compromissoire» devant prendre contact avec Kasa-Vubu et Lumumba. Le lendemain soit le 10.09.1961, c'est au tour du Sénat suite à un discours époustouflant de Lumumba de voter la confiance à Lumumba et d'annuler à son tour les deux actes de révocation.
Américains, Belges et représentants des Nations-Unies prennent conscience de l'ampleur du phénomène Lumumba et de sa popularité considérable au sein de la population mais aussi de son appui solide au parlement. Dans une note confidentielle, la CIA fait savoir que la mise à l'écart de Lumumba n'est pas irréversible en dépit de la tentative de Kasa Vubu de nommer un gouvernement de transition : "Lumumba dans l'opposition est presque aussi dangereux que quand il est au pouvoir". (Ludo de Witte, ibid, p.66). L'ambassadeur des USA au Congo, Timberlake, fervent antinationaliste, commente le discours de Lumumba : "En très grande forme, Lumumba a anéanti les arguments de l'opposition...il a ridiculisé Kasa Vubu". Dayal successeur de Cordier aux Nations-Unies évoque le résultat du vote du Sénat de la sorte : "Kasa Vubu est politiquement très affaibli...Les développements de ce jour ont considérablement renforcé la position de Lumumba..." (Ludo de Witte, ibid, p.66). Et Dayal de dire le 9 septembre : "Timberlake dit que Kasa Vubu a raté sa chance et qu'il est devenu inutilisable politiquement. Le danger immédiat consiste dans la possibilité que Lumumba obtienne la liberté pour fonder un Etat policier dictatorial. Ce qu'on peut espérer de mieux dans les circonstances actuelles, c'est de tenter de revenir à la situation qui a précédé la malheureuse déclaration de Kasa Vubu du lundi dernier (5 septembre) quoique cela soit difficile". (Ludo de Witte, ibid, p.67). La popularité de Lumumba est toujours forte après le 5 septembre, les ministres choisis par le gouvernement illégitime de Kasa Vubu doivent être protégés. Ainsi le premier ministre Ileo est protégé par l'ONU. D'ailleurs le quotidien belge la Libre Belgique ( septembre 1960) ne s'y trompe pas : "Si MM Kasa Vubu et Ileo devaient emporter enfin la victoire qu'ils méritent, c'est à l'ONU qu'ils le devraient. Sans l'ONU, en quelques heures, Lumumba pourrait reprendre la situation en main avec ses centaines de fidèle". L'ONU appuie le gouvernement illégitime de Kasa Vubu en fermant les aéroports et en interdisant les émissions radiophoniques sur Léopoldville. De telle sorte que Lumumba ne peut informer la population de ce qui se trame alors que la radio pro-belge de Brazzaville peut émettre sur Léopoldville. Le gouvernement Lumumba ne peut pas non plus transporter ses troupes pour faire respecter l'ordre à Léopoldville pas plus qu'il ne peut envoyer ses troupes lutter contre la sécession. Malgré cela Kasa Vubu est toujours autant affaibli et ne dispose d'aucune légitimité au sein de la population congolaise. Le 10.09.1960, le ministre Wigny fait parvenir à Kasa Vubu le message suivant : " il serait bon de faire tenir à MM Kasa Vubu et Ileo un mesage qui aurait la teneur suivante : Même si vous n'avez pas de réponse à temps d'Elisabethville, nous estimons qu'à l'intention de l'ONU vous devriez absolument, sans plus tarder, déclarer le gouvernement officellement constitué..." (Luc De Vos et coll, ibid, p.153). Un télétex du ministre belge des Affaires étrangères,Wigny, en date du 11.09.1960 est sans ambiguïté sur la menace que représente Lumumba et l'absence réelle de soutien politique interne à Kasa Vubu :
De par son charisme, "son éloquence fascinante" (selon le ministre Wigny), sa légitimité auprès de la population et son autorité politique, Lumumba inquiète au plus haut point les dirigeants occidentaux qui veulent garder la main mise sur le Congo. L'échec du coup d'état parlementaire réalisé par l'intermédiaire de la marionette Kasa Vubu désavouée par le Sénat et la chambre des représentants. Pierre Wigny écrit à la même époque aux autorités de Brazzaville : "les autorités constituées ont le devoir de mettre Lumumba hors d'état de nuire" (Ludo de Witte, p. 67). "L'éloignement" de Lumumba devient le point prioritaire aussi bien des USA, de la Belgique que de l'ONU son bras armé à l'époque. |
dimanche 11 mars 2012
Episode VI : Le 05.09.1960 - La tentative de destitution parlementaire de Lumumba par Kasa Vubu
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