Mes chers compatriotes ! Citoyens de la
République! Salut
Je ne doute pas de la joie que vous ressentez aujourd'hui en
entendant la voix de celui qui a prêté le serment de ne jamais trahir son
peuple.
Dans le bonheur comme dans le malheur, je resterai toujours à vos
côtés. C'est avec vous que j'ai lutté pour libérer ce pays de la domination
étrangère. C'est avec vous que je lutte pour consolider notre indépendance
nationale. C'est avec vous que je lutterai pour sauvegarder l'intégrité et
l'unité nationale de la République du Congo.
Nous avons fait un choix, celui de servir notre patrie avec
dévouement et loyauté. Nous ne nous détournerons jamais de cette voie. La
liberté est l'idéal pour lequel, de tous temps et à travers les siècles, les
hommes ont su lutter et mourir. Le Congo ne pouvait échapper à cette vérité et
c'est grâce à notre lutte héroïque et sublime que nous avons conquis vaillamment
notre indépendance et notre dignité d'homme libre.
Nous sommes nés pour vivre libres et non pour vivre de la servitude
comme nous l'avons été depuis 80 ans. 80 ans d'oppression, d'humiliation et
d'exploitation. 80 ans durant lesquels les habitants de ce pays ont été
arbitrairement privés de la jouissance de leurs droits les plus sacrés. C'est
pour mettre fin à cette honte du xxè siècle qu'est le colonialisme et
pour permettre au peuple congolais de s'administrer lui-même et de gérer les
affaires de son pays que nous avons livré un combat décisif contre les
usurpateurs de nos droits.
L'Histoire a démontré que l'indépendance ne se donne jamais sur un
plateau d'argent. Elle s'arrache. Mais pour arracher notre indépendance, il a
fallu nous organiser en mobilisant toutes les forces vives du pays. Les
Congolais ont répondu à notre appel et c'est grâce à cette force coalisée que
nous avons porté un coup mortel au colonialisme décadent.
Comme les forces de libération l'emportent toujours sur celle de
l'oppression, nous sommes sortis victorieux. Tous les peuples ont dû lutter pour
se libérer. Ce fut notamment le cas pour les nationalistes qui se sont mis à la
tête de la révolution française, belge, russe, etc...
Les anciennes colonies d'Amérique n'ont pas été libérées autrement.
Je rappelle ici la déclaration d'indépendance adoptée par le Congrès des
Etats-Unis en 1766 et qui proclamait la liquidation des colonies unies, la
libération du joug britannique, et la transformation des Etats-Unis d'Amérique
en un Etat libre et indépendant. Les nationalistes congolais n'ont donc fait que
suivre, les traces des nationalistes français, belges, américains, russes et
autres. Nous avons choisi pour notre lutte une seule arme : la non-violence. La
seule arme qui permette une victoire dans la dignité et dans l'honneur. Notre
mot d'ordre durant la campagne de libération a toujours été l'indépendance
immédiate et totale du Congo.
Nous ne nous sommes jamais livrés à des manifestations de haine ou
d'hostilité à l'égard des anciens occupants. Nous combattions le régime et non
les personnes. En outre, nous savons très bien, que l'on ne construit rien de
durable dans la haine et la rancune. Notre seul programme politique a toujours
été le Congo aux Congolais. La gestion du Congo par les Congolais, aidés par les
techniciens qui sont disposés à servir le pays et ce, quelle que soit leur
nationalité.
En tant que membre de la grande famille humaine, le Congo indépendant
ne doit pas s'isoler.
Aucun pays au monde ne peut d'ailleurs vivre sans le concours des
autres. Pour nous, racisme et tribalisme doivent être combattus parce qu'ils
constituent un obstacle à l'harmonisation des rapports, des relations entre les
hommes et entre les peuples.
En accédant à l'indépendance et en prenant en mains la question de
notre pays, nous n'avons jamais entendu expulser les européens qui se sont
installés chez nous ou nous accaparer de leurs biens. Bien au contraire, nous
avons toujours pensé que ces derniers allaient s'adapter aux réalités nouvelles
et apporter au jeune Etat le concours de leur expérience dans le domaine des
activités commerciales, industrielles, techniques, et scientifiques.
Mon gouvernement avait pris, solennellement, l'engagement d'assurer
aux étrangers la protection de leur personne et de leurs biens.
Les entreprises qui sont indispensables pour l'économie de ce pays
doivent fonctionner normalement et dans de meilleures conditions de sécurité.
Notre indépendance politique ne sera pas du tout profitable aux habitants de ce
pays si elle n'est pas accompagnée d'un rapide développement économique et
social. Nous avons rejeté la politique de domination et avons opté pour celle de
la coopération et de la collaboration sur un pied d'égalité, dans le respect
mutuel de la souveraineté de chaque état.
Nous avons également opté pour la politique de neutralisme positif et
dans ce neutralisme positif nous entendons entretenir des relations d'amitié
avec toutes les nations qui respectent notre souveraineté et notre dignité sans
s'ingérer dans nos affaires de quelque manière que ce soit.
Nous sommes contre la politique des blocs que nous estimons néfaste
pour le maintien de la paix dans le monde et pour la consolidation de l'amitié
entre les peuples.
Les puissances qui nous combattent ou qui combattent mon
gouvernement, sous le prétexte fallacieux d'anticommunisme, cachent en réalité
leurs véritables intentions. Ces puissances européennes ne veulent avoir de
sympathies que pour des dirigeants africains qui sont à leur remorque et qui
trompent leur peuple. Certaines de ces puissances ne conçoivent leur présence au
Congo ou en Afrique que dans la mesure où ils savent exploiter au maximum leurs
richesses par le truchement de quelques dirigeants corrompus.
Cette politique de corruption qui consiste à qualifier de communiste
tout dirigeant incorruptible et de pro-occidental tout dirigeant traître à sa
patrie doit être combattue.
Nous ne voulons être à la remorque d'aucun bloc. Si nous ne faisons
pas attention, nous risquons de tomber dans un néo-colonialisme qui serait aussi
dangereux que le colonialisme que nous venons d'enterrer le 30 juin dernier. La
manoeuvre des impérialistes consiste à maintenir le système colonial au Congo et
à changer simplement d'acteurs comme dans une pièce de théâtre, c'est-à-dire à
mettre à la place des colonialistes belges des néo-colonialistes que l'on peut
manoeuvrer à volonté.
Voilà ce que veulent les impérialistes si l'on veut obtenir leur
bénédiction et leur soutien.
Comme je l'ai toujours dit, je suis très favorable à l'implantation
des entreprises belges, américaines, françaises, allemandes, suisses,
canadiennes, italiennes ou autres. Mais ce contre quoi je m'insurgerai toujours
c'est contre les manoeuvres malhonnêtes de corruption et de division.
Nous sommes des Africains et nous voulons le rester. Nous avons notre
philosophie, nos moeurs, nos traditions qui sont aussi nobles que celles des
autres nations.
Les abandonner purement et simplement pour embrasser celles d'autres
peuples, c'est nous dépersonnaliser. Notre objectif, celui de tout patriote
congolais qui aime sincèrement son pays, doit être de nous unir et de construire
notre nation par l'entente et la concorde nationales.
Notre programme immédiat doit être de mettre en valeur les richesses
de notre pays, par un effort commun et de créer ainsi une économie nationale qui
nous permettra d'améliorer rapidement les conditions de vie de tous les
citoyens.
Notre détermination est de contribuer par notre cohésion et notre
solidarité à la libération de l'Afrique, terre de nos Ancêtres.
Notre volonté, celle de tous les hommes et de toutes les femmes de ce
pays est de faire régner l'ordre et la paix dont chacun de nous a besoin pour
vivre heureux et profiter réellement du fruit de l'indépendance.
Si les Congolais se sont unis avant l'indépendance pour combattre le
colonialisme oppresseur, il est un devoir pour eux de s'unir aujourd'hui pour
faire face aux ennemis de cette indépendance. Notre salut réside dans l'union et
dans le travail.
Personne ne peut suffire à lui tout seul pour construire ce grand
Congo.
Les ennemis du pays nous guettent. Le monde entier nous observe. Nous
devons sauver, sans aucun retard, l'honneur et la réputation de notre vaillant
peuple. Nous n'avons pas réclamé notre indépendance pour nous disputer, nous
entre-tuer, mais uniquement pour construire notre nation dans l'union, la
discipline et le respect de chacun.
C'est pourquoi, je vous adresse, chers compatriotes et compagnons de
lutte, un appel fraternel pour que cessent les guerres fratricides, les luttes
intestines et inter-tribales, les rivalités entre frères. Nos enfants nous
jugeront sévèrement si par inconscience, nous ne parvenions pas à déjouer les
manoeuvres qui profitent de cette
querelle pour saboter notre indépendance et freiner le développement économique
et social de notre Etat.
Beaucoup de nations sont prêtes à nous aider, mais pour que cette
aide soit efficace, nous devons mettre d'abord de l'ordre dans le pays et créer
des conditions favorables pour cette coopération.
Tel est le message d'un homme qui a lutté avec vous pour que ce pays
aille toujours de l'avant et qu'il joue effectivement son rôle de porte-drapeau
de la libération africaine.
En avant, citoyens et citoyennes, pour la construction d'un Congo
uni, fier et prospère.
Un avenir radieux pointe à notre
horizon.
Vive la République indépendante et souveraine du Congo.
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire