Discours du roi Baudoin Ier ,le 30.06.1960 à
LéopoldvilleExtrait vidéo cliquez
ici
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"L'indépendance du Congo constitue
l'aboutissement de l'oeuvre conçue par le génie du roi Léopold II, entreprise
par lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la
Belgique"
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Il sonnait aux oreilles des nationalistes congolais comme une insulte à la mémoire des millions de morts générés par la politique monstrueuse du roi Lépold II grand oncle du roi Baudoin. "Pour caractériser le colonialisme léopoldien, les sources les plus diverses utilisaient les notions et les concepts les plus évocateurs pour l'époque, curse ("malédiction"), slave state ("Etat esclavagiste"), rubber slavery ("esclavage du caoutchouc"), crime, pillage...Aujourd'hui on n'hésite plus à parler de génocide et d'holocauste" (Elikia M'Bokolo, p.434. Le livre noir du colonialisme. XVIè-XXIè siècle : de l'extermination à la repentance). On peut d'ailleurs pour évaluer l'ampleur de la monstruosité coloniale au Congo sous Léopold II consulter de nombreuses références* . Un documentaire britannique intitulé « Le Roi blanc, le caoutchouc rouge, la mort noire » réalisé par Mark Dummett et produit par la BBC a suscité les foudres de la maison royale et du ministre des affaires étrangères Louis Michel lors de sa diffusion sur la RTBF le 8 avril 2004. Le passage incriminé était un commentaire faisant le parallèle entre la colonisation de Léopold II et le génocide hitlérien. Même si bon nombre de ces enquêtes sont postérieures à 1960, ni la Belgique, ni les congolais ne pouvaient ignorer le cataclysme pour le Congo que fut le règne de Léopold II. Les travaux de l'avocat afro-américain George Washington Williams, du missionnaire afro-américain William Shepperd, du journaliste britannique Edmund Dene Morel, du consul britannique Roger Casement, du premier mouvement des droits de l'homme (Anti-Slavery International) furent à l'origine d'une commission d'enquête belge instituée par décret le 23 juillet 1904 et dont les témoignages ne furent pas publiés. Cette commission fut relayée par une de nombreux articles dans la presse et par une abondante littérature dont les fleurons les plus célèbres sont "Au coeur des ténèbres" de Joseph Conrad (1905) et "The crime of the Congo" (1909) de Sir Arthur Conan Doyle.
Le discours de Baudoin Ier en faisant l'apologie de son grand oncle et de l'oeuvre coloniale apparaît pour les colonisés comme un discours de légitimation des nombreuses humiliations et discrimination qui ont jalonné la colonisaton : arrestations arbitraires, exécutions sommaires, répressions sanglantes, spoliations et expropriations... En juin 1960, aucun noir ne dépassait le grade de sergent-chef dans la Force Publique (force coloniale belge), et le dérisoire statut "d'évolué", censé couronner les efforts d'assimilation des indigènes, concerne à peine un millier de Congolais sur treize millions.
"Le discours de Baudoin, teinté de paternalisme dresse non seulement une image élogieuse de la colonisation mais dresse un avenir néocolonial tout aussi prometteur". (Ludo de Witte, l'Assassinat de Lumumba, Ed. Karthala, p. 31)
Discours du roi Baudoin Ier
,le 30.06.1960 à Léopoldville
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"Ne compromettez pas l'avenir par
des réformes hâtives, et ne remplacez pas les organismes que vous remet la
Belgique, tant que vous n'êtes pas certains de pouvoir faire mieux...N'ayez
crainte de vous tourner vers nous. Nous sommes prêts à rester à vos côtés pour
vous aider de nos conseils, pour former avec vous les techniciens et les
fonctionnaires dont vous aurez
besoin."
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Au discours pro-colonial du roi Baudoin répondra le discours officiel insignifiant du président du parlement, Joseph Kasa Vubu qui remercie le roi et en appelle à dieu.
"...Dans une attitude de profonde
humilité j'ai demandé à dieu qu'il protège notre peuple et qu'il éclaire tous
ses dirigeants...". Discours du président Kasa
Vubu,le 30.06.1960 à Léopoldville
Puis il y eut l'allocution non annoncée du Premier Ministre Patrice Emery Lumumba à la grande surprise du gouvernement belge et de la maison royale. Son discours, pour les Congolais, fut libérateur de tant d'humiliations, de brimades et de crimes contre l'humanité subis et jamais dénoncés publiquement. Il fut interrompu à huit reprises par les applaudissements de la foule et son discours fut courronné par une véritable ovation tandis que le roi Baudoin devint livide selon nombre d'observateurs. Lumumba intervint immédiatement après l'allocution du président congolais. C'est Joseph Kasongo, le président de la chambre des représentants qui donna la parole au Premier ministre à la grande stupéfaction du gouvernement Eyskens et du roi. Aucun des spectateurs de cette journée n'avait eu le projet de texte de Lumumba ni la presse, ni les Belges, ni les Congolais. Jean Van Lierde, ami belge de Lumumba, raconte comment il a vu Lumumba corriger son texte durant l'allocution du roi Baudoin et du président Kasa Vubu. C'est le contenu du discours qui va sceller le sort de Lumumba et montrer au monde entier de quelles valeurs, de quelle idéologie politique il était trempé. Pour la première fois, un "nègre" devenu le plus haut responsable du gouvernement congolais, révèle au monde entier le sort que les colonisés ont subi sous le joug colonial au Congo. Comble du déshonneur, il ne s'adresse ni au roi, ni au gouvernement belge mais aux Conglais reléguant les anciens colons au rôle de spectateur :
"Congolais et congolaises, combattants de
l'indépendance aujourd'hui victorieux".
De plus il explique que l'indépendance du Congo n'est pas un cadeau de la Belgique mais qu'elle a été proclamée en accord avec la Belgique suite à la lutte politique pour l'indépendance :
"nul congolais digne de ce nom ne pourra
jamais oublier que c'est par la lutte qu'elle a été conquise, une lutte de tous
les jours, une lutte ardente et idéaliste, une lutte dans la quelle nous n'avons
ménagé ni nos forces, ni nos privations, ni nos souffrances, ni notre
sang".
Lumumba dénonce alors ouvertement le système colonial que Baudoin a glorifié comme le chef-d'oeuvre de son grand-oncle et le condamne comme "l'humiliant esclavage qui nous était imposé par la force" (Ludo de Witte, ibid, p. 33).
Discours du Premier ministre Patrice Lumumba, le 30.06.1960
à Léopoldville
Extrait vidéo cliquez ici Extrait du documentaire de Michel Noll,2001, Production Solférino images/Quartier latin, WDR/ histoire Une mort de style colonial, l'assassinat de Patrice Lumumba |
"Congolais et congolaises, combattants de l'indépendance
aujourd'hui victorieux. Je vous salue au nom du gouvernment
congolais...
...A vous tous, mes amis qui avez lutté sans relâche à nos côtés ... Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres ...nous avons connu que la loi n'était jamais la même, selon qu'il s'agissait d'un blanc ou d'un noir... Qui oubliera, enfin, les fusillades où périrent tant de nos frères, ou les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient pas se soumettre à un régime d'injustice, d'oppression et d'exploitation ?..." Lire le discours complet de Lumumba |
Pour beaucoup d'observateurs, ce discours du "nègre" Lumumba s'adressant à présent d'égal à égal aux anciens "maîtres" coloniaux avait signé son arrêt de mort et cela d'autant plus que Lumumba allait joindre le geste à la parole en tentant de casser la colonne vertébrale coloniale par la proclamation de l'africanisation de l'armée congolaise. Deux cent jours plus tard, Lumumba était assassiné au Katanga après maintes tortures.
Réactions sur le discours de Lumumba par des témoins présents lors
de son allocution.
Transcription écrite d'un extrait du documentaire de Michel Noll,2001, Production Solférino images/Quartier latin, WDR/ histoire. Une mort de style colonial, l'assassinat de Patrice Lumumba |
"Mais Patrice était tellement un
homme libre que pour les gens s'étaient tellement original de voir un nègre qui
ne lèchait pas les pieds des hommes coloniaux et des colons qu'instinctivement
il devenait comme une menace. Et c'est ça, cette liberté qui a fait de lui cette
météore qui passe dans le ciel et puis qui disparaît...Ca c'est vraiment le
moment de ce discours du 30 juin 1960. Beaucoup de gens alors ont dit il a signé
son arrêt de mort avec ce discours. Puisque le gouvernement Belge alors, qui ne
voulait pas de lui pas seulement à cause du discours du 30 juin, mais parce
qu'il était Patrice Lumumba et que ça coïncidait pas avec l'espérance des Belges
ni avec celles des Américains ni avec celles de beaucoup de gens du monde des
affaires.".
Jean Van Lierde, ami de Lumumba, militant belge anti-colonialiste. "Cela a donné, un choc le discours de Lumumba a provoqué un choc, on s'y attendait pas et ça a choqué beaucoup de Belges. Il condamnait systématiquement la colonisation belge, il reprenait toutes les thèses anticolonialistes les plus dures. On avait coupé des mains, on les avait mis en esclavage et tout et tout." Louis Marlière, ancien colonel des services secrets belges. "Le roi Baudoin fait un discours, un discours dans lequel il magnifie le rôle de la Belgique et il dit tout ce que la Belgique a apporté au Congo. Et il dit aussi que l'on est arrivé à un moment où la Belgique décide de donner l'indépendance au Congo et qu'il est venu pour ça et que c'est très bien. Kasa Vubu fait un discours dans lequel il remercie le roi Baudoin, il parle du Congo, il parle de l'avenir, très bien aussi...Le discours de Lumumba n'était pas prévu. Donc la presse internationale est là, tout d'un coup il se lève et il va à la tribune". Jacques Brassine, ancien diplomate belge. |
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* E.D Morel, King Léopold II Rule in Africa, Westport, Negro University Press, 1970 (1ère edition, 1904) ; Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II, L'Histoire du Congo 1900-1910, L'Harmattan, 1985 ;D. Vangoenweghe, Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo, Bruxelles, Didier Hatier, 1986 ; A. Hotschild, Les fantômes du roi Léopold. Un holocauste oublié, Paris, Belfond, 1998.
* E.D Morel, King Léopold II Rule in Africa, Westport, Negro University Press, 1970 (1ère edition, 1904) ; Jules Marchal, E.D. Morel contre Léopold II, L'Histoire du Congo 1900-1910, L'Harmattan, 1985 ;D. Vangoenweghe, Du sang sur les lianes. Léopold II et son Congo, Bruxelles, Didier Hatier, 1986 ; A. Hotschild, Les fantômes du roi Léopold. Un holocauste oublié, Paris, Belfond, 1998.
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