mardi 2 avril 2013

Génocide : un Rwandais renvoyé, pour la première fois, devant la justice française

2 avril 2013
 
Photo diffusée par Interpol et non datée de Pascal Simbikangwa, soupçonné de complicité de génocide au Rwanda ©AFP
PARIS (AFP) - (AFP)


L’ancien capitaine de l’armée rwandaise Pascal Simbikangwa a été renvoyé devant la Cour d’assises à Paris pour "complicité de génocide", ce qui pourrait donner lieu au premier procès en France lié au génocide, qui a fait 800.000 morts en 1994.

On ignorait mardi si cet ex-officier qui avait été arrêté à Mayotte (île française de l’océan Indien) en 2008 comptait faire appel de sa mise en accusation, qui a été ordonnée vendredi par deux juges parisiens.Il a dix jours pour le faire.

Contactés par l’AFP, ses avocats n’ont fait aucune déclaration.

Le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), organisation traquant les génocidaires présumés, qui avait déposé la plainte à l’origine de l’affaire, a salué un "moment historique".

"Nous ne pouvons que nous réjouir de cette décision qui, même si elle est tardive, permettra d’organiser en France un procès d’assises contre un présumé génocidaire", a déclaré Alain Gauthier, président du CPCR.

Pascal Simbikangwa, paraplégique depuis un accident de la circulation en 1986, avait été interpellé dans une affaire de faux papiers, puis identifié comme étant recherché par Interpol.

C’est en vertu du principe de compétence universelle -qui permet aux juridictions françaises d’enquêter sur des crimes internationaux dès lors que l’auteur présumé est en France- qu’avaient été engagées les poursuites contre cet homme de 53 ans.

M. Simbikangwa avait été mis en examen en 2009 pour son rôle présumé dans le génocide rwandais qui a fait 800.000 morts en trois mois selon l’ONU, essentiellement au sein de la population tutsi, mais également parmi les Hutu modérés.

Vendredi, les juges Emmanuelle Ducos et David De Pas, du pôle "crime contre l’humanité", ont ordonné sa mise en accusation pour "complicité de génocide" et "complicité de crimes contre l’humanité", suivant les réquisitions du parquet, selon une source judiciaire.

Dossier emblématique

Présenté comme un membre de l’"Akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui, selon ses accusateurs, a planifié et mis en oeuvre le génocide, M. Simbikangwa est notamment accusé d’avoir distribué des armes à des barrières tenues par des miliciens extrémistes hutu Interahamwe et, fort de son influence et de son autorité, de les avoir encouragés à commettre les massacres.

Son implication directe dans des tueries, notamment dans le massacre de plus de 1.600 personnes sur la colline de Kesho, dans la préfecture de Gisenyi (nord), n’a pas pu être établie par les juges qui lui prêtent un rôle d’instigateur du génocide.

M. Simbikangwa a tout au long de sa carrière été très proche du clan du président Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat en 1994 dans des circonstances non encore éclaircies fut l’élément déclencheur du génocide.

Membre de la garde présidentielle à partir de 1982, M. Simbikangwa est affecté de 1988 à 1992 aux renseignements intérieurs, dépendant de la présidence.Après l’arrivée de l’opposition au pouvoir en 1992, Simbikangwa est relevé de ses fonctions mais continue de travailler pour Habyarimana.


Dans un télex du 27 mars 1992 adressé à son ministre, l’ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen, avait alors décrit M. Simbikangwa comme membre "d’un état-major secret chargé de l’extermination des Tutsi du Rwanda afin de résoudre définitivement à leur manière, le problème ethnique au Rwanda et d’écraser l’opposition hutu intérieure".


Impliqué selon les enquêteurs dans des publications extrémistes, Pascal Simbikangwa était en outre actionnaire de la Radio télévision libre des Mille-Collines, qui lança de nombreux appels à l’extermination des Tutsi.


Il avait aussi initialement été mis en examen pour "tortures et actes de barbarie" entre 1990 et 1994 mais ne sera pas jugé pour ces faits qui sont désormais prescrits.

Cette affaire est un dossier emblématique du pôle "crime contre l’humanité" créé à Paris en janvier 2012.S’il est traduit aux assises, M. Simbikangwa sera le premier Rwandais jugé en France pour son rôle dans le génocide.Paris a toujours refusé d’extrader vers le Rwanda les génocidaires présumés se trouvant sur son sol.

Alain Bernard Mukuralinda, porte-parole du procureur général du Rwanda, a salué cette mise en accusation.


"C’est un sentiment de satisfaction que les choses commencent à bouger en France", a-t-il dit."Il n’y aura plus ce sentiment d’incompréhension et de suspicion entre la justice rwandaise et la justice française".

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