(Le Potentiel
09/01/2013)
Etonnement et stupéfaction à Kampala. Le M23 est revenu
mardi sur sa conditionnalité d’un cessez-le-feu avant tout dialogue avec
Kinshasa. Dans les couloirs, des indiscrétions laissent entendre que ce
revirement spectaculaire du groupe armé pro-rwandais serait consécutif à des
promesses fermes lui faites d’intégrer certaines institutions et structures clés
de la RDC, dont la Banque centrale du Congo. Voilà un jeu dangereux auquel se
livre Kinshasa qui, un jour, se dit prêt à négocier, un autre trouve illogique
de poursuivre des pourparlers avec un groupe armé indexé par
l’Onu.
L’opinion nationale est dépaysée. Elle ne sait plus à quel saint
se vouer. Cela par rapport à la versatilité des positions du gouvernement et à
ses contradictions internes relativement à l’évolution du dossier de la
stabilité dans l’Est du pays. A Kampala, capitale de l’Ouganda, où devaient
reprendre les discussions directes entre le gouvernement et le M23, les deux
délégations affichent presque complet, après la trêve de deux semaines observées
à partir du 21 décembre 2012.
Quelques jours auparavant, le M23 avait, à
partir de son bastion de Bunagana dans le Nord-Kivu, réitéré son exigence de
conditionner sa participation au dialogue à l’acceptation par Kinshasa d’un
cessez-le-feu. « Si Kinshasa n’accepte pas de signer un cessez-le-feu, nous
allons rappeler notre délégation présente à Kampala », avait alors menacé d’un
ton ferme son président, le bishop Jean-Marie Runiga, dans une conférence de
presse animée en début de cette année dans son QG.
Des analyses
prédisaient déjà un début difficile dans le nouveau cycle des négociations de
Kampala. D’autres, plus sceptiques, évoquaient même une rupture de dialogue,
avec en corollaire la reprise imminente de la guerre sur le terrain. Il
n’empêche que le M23 a créé la surprise hier mardi, en liminaire à la reprise
des pourparlers dans la capitale ougandaise.
Le chef de la délégation a
déclaré à la presse que son mouvement levait le verrou consistant à la signature
d’un cessez-le-feu avec Kinshasa avant toute poursuite du dialogue. « Nous
sommes pour la paix (...) aujourd’hui, nous déclarons que nous sommes en état de
cessez-le-feu », a dit François Rucogoza, confirmant que son mouvement était
prêt à « poursuivre les négociations même en cas de refus du gouvernement de
signer un accord de cessez-le-feu ».
Dans la capitale congolaise, les
déclarations du secrétaire exécutif du M23 ont suscité des commentaires en sens
divers. Si aucune déclaration officielle n’a été enregistrée, dans différents
cercles politiques, l’on cherche à décrypter le message envoyé par le mouvement
rebelle. La plus grande préoccupation reste le mobile qui aurait poussé le M23 à
faire un revirement aussi spectaculaire, en l’espace d’une semaine. Espace
temporel qui sépare la position défendue à Bunagana par son président et celle
affichée mardi à Kampala par son secrétaire exécutif.
Qu’est-ce qui a
donc pu se passer ? Y a-t-il un jeu de cache-cache quelque part ? Le M23
aurait-il piégé Kinshasa ? Ou alors, il aurait une fois de plus subi des
pressions de la CIRGL ? Que le M23 se soit « assagi » aussi vite et de manière
si surprenante ne supposerait-il pas que Kinshasa aurait fait des concessions
séduisantes ? Ce questionnement alimente la chronique et rajoute plus au
suspense créé à Kampala. Autant la décision du M23 permettrait de faire avancer
les discussions, autant elle invite que l’on s’y attarde un tout petit
peu.
LE HIC
Kinshasa vient d’être mis devant un fait accompli, lui
qui avait toujours refusé toute signature d’un cessez-le-feu avec le M23. Bref,
sa position n’a pas changé d’un iota. L’on dirait même plus : il a obtenu gain
de cause. Mais à quel prix ? C’est là toute la question. Deux hypothèses
paraissent probables. Soit le M23 n’a pas pu supporter trop longtemps la forte
pression exercée sur lui par la communauté internationale (Cf. les dernières
sanctions du Conseil de sécurité de l’Onu contre certains de ses dirigeants),
soit Kinshasa a cédé au désidérata du M23.
Dans tous les cas de figure,
le revirement spectaculaire du M23 ne serait que la face révélée de l’iceberg.
L’autre serait cachée dans les tréfonds des négociations secrètes qui se
déroulent sur l’axe Kinshasa-Kigali-Kampala. Si bien que les pourparlers de
Kampala passent pour un jeu de façade, lequel a le malheur de baigner dans
l’incertitude. Laissant de temps en temps un arrière-goût de
compromission.
Des sources diplomatiques rapportent que Kinshasa se
serait réjoui de la position prise mardi à Kampala par les dirigeants du M23.
Que ce serait même une victoire diplomatique du gouvernement. Et que, fort de ce
succès, il pourrait faire monter les enchères vis-à-vis du M23. Curieusement,
les contradictions ne cessent de rattraper Kinshasa.
Quid ? D’Addis-Abeba
où il représente la RDC à une réunion de l’Union africaine portant sur la
finalisation de la mise en place de la Force neutre internationale, le ministre
des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, a subtilement jeté un pavé dans la
mare. Selon son entourage, Kinshasa soutiendrait qu’il était illogique de
continuer de négocier avec le M23 sur qui pèsent des sanctions de l’Onu. Cette
prise de position jette tout de suite un doute sur la poursuite, voire une bonne
fin des discussions en cours à Kampala.
Décidément, Kinshasa ne cessera
jamais d’étonner. Lorsqu’il a du vent en poupe, il affiche des attitudes
altières. Et quand c’est le contraire, il rentre dans ses petits souliers et se
dit prêt à négocier. Se rétracter. Se dédire. Démentir. Revenir à l’assaut. Dans
l’opinion, cela est assimilé à un jeu dangereux qui risque, au finish, de se
retourner contre le gouvernement.
BANQUE CENTRALE DU CONGO : LE POT AUX
ROSES
En fouinant sur les vrais mobiles du revirement spectaculaire du
M23, notre Rédaction est tombée sur des sources généralement bien renseignées.
Celles-ci ont laissé entendre que la grande concession que le gouvernement
aurait faite au M23 serait la promesse de diriger, très prochainement, la Banque
centrale du Congo (BCC).
Au cas où cette information se confirmerait, le
gouvernement aurait cédé le flanc à l’ennemi. Les parrains du M23, en
l’occurrence le Rwanda et l’Ouganda, pourraient avoir l’emprise sur le dernier
des fleurons de la souveraineté de la RDC : l’institut d’émission. Il semble que
les agresseurs ne manquent pas d’imagination pour maintenir leur mainmise sur
les richesses de la RDC. S’étant rendu compte que le pillage des ressources
naturelles devient hypothétique du fait de l’implication de la communauté
internationale, les ennemis du Congo n’ont trouvé mieux que faire un ancrage à
l’intérieur.
En ayant le contrôle de la BCC, ils peuvent asphyxier le
fonctionnement de l’Etat, s’ils le veulent et pousser le gouvernement à toujours
céder à leurs revendications. Dans le cas d’espèce, le transfert des devises
liquides pourrait se faire en toute aise de la BCC vers les banques de Kigali ou
de Kampala. Ainsi, ce qu’ils auront perdu avec l’échec du réseau de pillage, ils
vont le récupérer en puisant dans le Trésor public congolais. Le plus
officiellement possible !
Ce serait même, de l’avis de certains
spécialistes des Grands Lacs, l’un des derniers actes de distraction avant la
reprise de la mise en œuvre du projet de balkanisation de l’ex-colonie belge.
Cela prouve, une fois de plus, la détermination des balkanisateurs à faire
aboutir à n’importe quel prix leur projet. Ils ne lésinent sur aucun moyen pour
arriver à leurs fins. Par cet acte, ils vont boucler la boucle en infiltrant
toutes les institutions vitales et utiles de la République. Cela avant de
commencer l’œuvre de noyautage. De l’intérieur.
A tout prendre, la balle
est désormais dans le camp du gouvernement. Il devra adopter une ligne de
conduite définitive sur laquelle devront se greffer toutes les initiatives tant
nationales qu’internationales pour le retour durable de la paix dans l’Est de la
RDC. Il devra cesser ce qui ressemble fort à une navigation à vue, mais encore à
un jeu dangereux.
Publié le mercredi 9 janvier 2013 00:10
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