(Afrik.com 04/01/2013)
Julien Paluku, le gouverneur du Nord-Kivu, province située à
l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) a récemment appelé la
communauté internationale à l’aide. Dénonçant le « silence coupable » de
celle-ci, il fustige les discours de la communauté internationale qui « frisent
le désintéressement face au drame humanitaire et sécuritaire que connaît la
partie orientale de la RDC ». Malgré la bonne volonté de la communauté
internationale, qui a publié une tribune dans Le Monde daté de mercredi 26
décembre, les ONG et organisations gouvernementales peinent à secourir les 500
000 déplacés, dont 100 000 présents dans des camps, à cause des problèmes de
sécurité. Philippe Ryfman, professeur et chercheur au Centre des recherches
politiques de la Sorbonne, analyse pour Afrik.com la situation humanitaire
déplorable du Nord-Kivu.
Le gouverneur du Nord-Kivu accuse. Julien Paluku
raille le « silence coupable » de la communauté internationale dont les discours
« frisent, selon lui, le désintéressement face au drame humanitaire et
sécuritaire que connaît la partie orientale de la RDC ». Pourtant dans une
tribune publiée dans Le Monde daté de mercredi 26 décembre, des personnalités
comme les ex-présidents français et sénégalais, Jacques Chirac et Abdou Diouf,
ont enjoint l’ONU d’élargir les prérogatives des casques bleus de sorte à leur
permettre d’intervenir directement dans le conflit qui mine la province de l’Est
de la République démocratique du Congo (RDC). En attendant une hypothétique
résolution des Nations unies, les 500 000 déplacés du Kivu, dont 100 000 placés
dans des camps, sont frappés par une crise humanitaire.
Interrogée ce
jeudi par Afrik.com, une journaliste basée au Nord-Kivu nous confirme le
désastre humanitaire. « La situation humanitaire est catastrophique. Il y a
beaucoup de déplacés qui n’ont pas d’assistance, dont 100 000 dans des camps ».
Et de poursuivre : « La situation est mauvaise et critique à cause notamment de
la pluie, nous nous trouvons également en période de froid ». Avant de préciser
: « S’ils se sont déplacés c’est parce qu’ils ne peuvent pas rester dans leur
milieu d’origine en proie à l’insécurité ».
Les déplacés vivent le
martyr
Qui sont-ils ? « Ils sont tous Congolais. Parmi les déplacés, se
trouvent des femmes pour la majorité, mais aussi des enfants. Ils sont tous
démunis et vulnérables », souligne-t-elle.
Les femmes sont souvent
violées. Les derniers massacres et viols ont été perpétrés par des militaires
incontrôlés la troisième semaine du mois de décembre 2012. Les camps des
déplacés, situés dans les villages de Mugunga et Minova sont souvent pillés.
L’occasion pour les militaires incontrôlés d’en profiter pour en outre violer
les femmes.
Hormis les problèmes de sécurité, ces déplacés rencontrent
par ailleurs d’autres problèmes, c’est-à-dire : d’alimentation, de logement et
d’éducation.
Comment s’organise l’assistance ?
« Plusieurs ONGs
internationales assistent ces populations. Parmi elles, les principales : le
Programme alimentaire mondial (PAM), World Vision, le HCR, l’Unicef, et les
églises méthodistes », déclare à Afrik.com cette journaliste vivant au
Nord-Kivu.
Les ONGs au Nord-Kivu s’affairent donc à venir en aide aux
déplacés. « Le Programme alimentaire international distribue des vivres, parfois
pillés par les éléments militaires incontrôlés, aux déplacés. Tout comme
l’église méthodiste et World vision ». D’autres organisations humanitaires,
comme le Haut commissariat aux réfugiés, « construisent des abris provisoires,
des bâches, et autres maisonnettes équipées d’installations sanitaires », nous
fait-elle part.
Enfin, « l’Unicef s’occupe de l’éducation des enfants en
établissant des écoles d’infortune pour assurer des cours d’enseignement
accéléré ».
« Le travail des humanitaires est souvent perturbé par le
conflit »
Mais, le travail des humanitaires est souvent perturbé par le
conflit présent dans cette zone occupée par divers groupes armés, dont le
Mouvement du 23 mars (M23). Les mutins du M23 affrontent depuis le mois de mai
les Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC).
« La
configuration particulière du Kivu fait que ces rebelles ne considèrent pas la
Monusco (la Mission de l’ONU en RDC) comme des forces impartiales, mais la
considèrent souvent comme prenant partie du gouvernement congolais », constate
Philippe Ryfman, professeur et chercheur au Centre des recherches politiques de
la Sorbonne. [1]. « D’où les précautions prises par les agences des Nations
unies, comme le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) et l’Unicef, (qui) sont
très attentives par rapport aux conditions de sécurité de leurs salariés. Ce qui
n’est pas le cas des organisations non gouvernementales », affirme le
spécialiste de l’humanitaire.
L’humanitaire au Nord-Kivu c’est une
activité qui présente divers risques. Pour, par exemple, distribuer l’aide
alimentaire, « il faut analyser les degrés de dangerosité du personnel et des
populations car la distribution de l’aide humanitaire peut devenir
problématique. Un foyer de situation qui peut pousser les groupes armés à
procéder à des bombardements », confie à Afrik.com Philippe Ryfman. « Les
actions humanitaires dans cette situation appliquent une série de procédure
propre à chaque organisation pour ne pas franchir le seuil de sécurité. Mais,
c’est difficile de savoir au Kivu quel est le degré de risque », ajoute le
professeur et chercheur au Centre des recherches politiques de la
Sorbonne.
« A quelques kilomètres près, en fonction des groupes
concernés, de la présence ou non des casques bleus cantonnés à proximité ou non,
le risque varie. Mais il existe des plans de contingence qui prévoient des
stocks pour ne pas multiplier les déplacements sur les routes. Les humanitaires
utilisent ainsi tous les moyens technologiques actuels (radio, téléphone,
cartographie, etc.) pour essayer de localiser la population, car au Kivu les
gens se déplacent souvent par petits groupes, notamment dans la jungle, ce qui
complexifie davantage l’assistance », conclut le spécialiste de
l’humanitaire.
Le conflit au Nord-Kivu dure depuis plus de 10 ans. Les
ressources minières rares de cette région, comme la cassitérite, le coltan et le
pétrole, attise la convoitise des assaillants. Même si les négociations entre le
M23 et les autorités congolaises aboutissent, la province de l’Est de la RDC ne
serait pas, pour autant, à l’abri d’un nouvel affrontement.
par Sébastien
Badibanga
[1] Philippe Ryfman, "Une histoire de l’humanitaire",
éditions La Découverte, Septembre 2008
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