(Le Potentiel 05/10/2012)
Comme Thomas Lubanga, condamné par la Cour pénale
internationale pour enrôlement d’enfants, les rebelles du M23 pourraient subir
le même sort. A la communauté internationale, la question est prise au sérieux.
La signature, hier jeudi devant le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, entre
la RDC et le système des Nations unies d’un plan d’action contre le recrutement
et l’emploi d’enfants dans les conflits armés a été l’occasion pour Roger Meece,
représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC, de lancer
un nouvel avertissement au M23 dans son aventure de l’Est du pays. Il n’exclut
pas que les responsables du M23 répondent un jour de leurs actes devant la Cour
pénale internationale. Mais, l’opinion congolaise attend voir la communauté
internationale passer vite à l’action pour neutraliser le M23 et sanctionner son
principal soutien, le Rwanda.
Un accord lie désormais le gouvernement
congolais aux organismes du système des Nations unies dans la lutte contre le
recrutement et l’utilisation des enfants dans les forces armées. L’accord
concerne également d’autres violations graves des droits de l’enfant par les
forces armées et les services de sécurité de la RDC. La signature de ce document
est intervenue hier jeudi à la Primature. Le vice-Premier ministre et ministre
de la Défense, Alexandre Luba Ntambo, a engagé le gouvernement ; Roger Meece,
chef de la Monusco a représenté les Nations unies. Témoins privilégiés de la
cérémonie : le Premier ministre, Matata Ponyo Mapon, et Mme Sylvie Fouet,
représentante a.i. de l’Unicef en RDC.
Selon le Premier ministre, le
texte en vigueur depuis hier jeudi rencontre l’assentiment de deux parties, bien
plus, il témoigne de la volonté du gouvernement d’aller de l’avant dans la
réforme de l’armée et des services de sécurité. Au-delà de son caractère
symbolique, l’accord contraint le gouvernement congolais à éviter l’implication
des enfants dans les conflits armés.
Si cet engagement est faisable du
côté du gouvernement, il n’en est pas le cas pour ce qui est des zones
contrôlées par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), s’est plaint Roger
Meece. Aussi a-t-il exprimé, à l’occasion, les « grandes inquiétudes » de la
communauté internationale, soulignant que celle-ci ne restera indifférente aux
actes d’exaction, surtout à l’enrôlement d’enfants dont se sont rendus coupables
les dirigeants du M23. Pour rappel, Thomas Lubanga, ex-président des FPC,
croupit dans les geôles de la Cour pénale internationale (CPI) pour avoir enrôlé
des enfants et les avoir fait participer à des conflits armés. En recrutant des
enfants soldats dans leurs rangs, les dirigeants du M23 pourraient être aussi
déférés devant la CPI pour répondre de leurs actes, a indiqué Roger
Meece.
En effet, la question de l’utilisation des enfants dans les
conflits armés est prise au sérieux. « Le secrétaire général des Nations unies a
considéré la question des enfants associés aux forces et groupes armés si
importante que, en 1996, il a créé la fonction de représentant spécial sur les
enfants et les conflits armés », a indiqué Roger Meece. Cette fonction est
exercée aujourd’hui, a-t-il dit, par Leila Zerrougui, son ancienne adjointe à la
Monusco. C’est dire qu’en cette matière, la RDC sert d’école dans l’enrôlement
des enfants soldats.
De son côté, la RDC s’est engagée à garantir la
protection des enfants congolais affectés par les conflits. C’est dans cet ordre
d’idées que Roger Meece a noté des « progrès remarquables » accomplis par le
gouvernement congolais pour prévenir et mettre fin au recrutement d’enfants. Il
a rappelé que plus de 1 400 enfants ont été extraits des FARDC. A l’occasion,
des services compétents du gouvernement congolais avec l’appui des Nations unies
ont pris en charge des centaines d’enfants. Avec l’appui des partenaires et
bailleurs internationaux, ceux-ci pu réintégrer leur famille.
« Je dois
cependant souligner ma profonde inquiétude concernant les rapports constants
faisant état d’importants recrutement et emploi d’enfants, à grande échelle, par
les groupes armés à l’Est du Congo ; et notamment dans la zone contrôlée par le
M23 au Nord-Kivu », a fait savoir le chef d e la Monusco. « Ces actes,
pense-t-il, constituent des crimes de guerre ». Il a, à l’occasion, réaffirmé la
condamnation de ces actes, appelant « à l’arrêt du recrutement et de l’emploi
d’enfants » par les rebelles du M23.
Rompre avec la passivité
Cet
engagement de la communauté internationale est salué à sa juste valeur.
Toutefois, certains observateurs se montrent encore sceptiques. Raison avancée :
une certaine passivité de la communauté internationale devant les exactions que
ne cesse de perpétrer le M23 dans les zones sous son contrôle. Et de
s’interroger : quand est-ce les Nations unies vont passer à la vitesse
supérieure pour mettre un terme au drame que subissent les paisibles populations
de l’Est de la RDC ? Est-ce l’accord signé hier jeudi contient des dispositions
contraignantes, notamment en ce qui concerne les enfants enrôlées de force dans
les rangs du M23 ?
Il semble que l’étape des constats et autres
monitorings est largement révolue. La Monusco a été la première instance
internationale à faire part de la présence des troupes rwandaises à côté des
rebelles du M23. L’on s’attendait à ce que la communauté internationale réagisse
fermement en contraignant le Rwanda à se désolidariser du M23. Mais, c’est le
contraire qui s’est finalement produit. Si bien que, jusqu’à ce jour, l’on se
trouve encore au stade des jérémiades, alors qu’à l’Est de la RDC, des morts et
des déplacés se comptent en milliers. Le temps ne se prête plus aux simples
condamnations. Le peuple congolais veut réellement voir la communauté
internationale à l’œuvre en usant des moyens à sa possession pour faire fléchir
le Rwanda, reconnu formellement comme principal soutien du M23.
C’est
bien d’inviter Kinshasa à adhérer au plan d’action de lutte contre le
recrutement et l’emploi d’enfants dans les conflits. Mais, il serait mieux que
la communauté internationale prenne des mesures coercitives envers le M23 et son
commanditaire, à savoir le régime de Kigali. De ce point de vue, la communauté
internationale doit rompre avec sa politique d’autruche. Le M23 a commis des
exactions telles que la CPI devrait d’ores et déjà se saisir de son dossier.
Après les condamnations du représentant spécial du secrétaire général des
Nations unies en RDC, jeudi dernier, l’opinion attend voir la communauté
internationale lier la parole à l’acte en nommant non seulement les coupables,
principalement le Rwanda, mais surtout en prenant des sanctions exemplaires. De
manière à dissuader tous ceux qui seraient encore tentés de s’aventurer sur le
terrain de la déstabilisation de la partie Est de la
RDC.
Encadré
Résumé du Plan d'action entre le gouvernement de la
RDC et l'ONU sur les enfants et les conflits armés
Qu'est-ce qu'un Plan
d'action pour mettre fin aux violations des droits de l'enfant en conflit
armé?
Les résolutions du Conseil de sécurité 1539 (2004) et 1612 (2005)
sur les enfants et les conflits armés demandent l'établissement d'un dialogue
entre les parties au conflit et les Nations unies pour prévenir le recrutement
de mineurs au sein des forces et groupes armés. Ce dialogue se concrétise avec
la signature d'un Plan d'action entre les Nations unies et la partie listée par
le secrétaire général dans les Annexes de ses rapports annuels sur les enfants
et les conflits armés pour le recrutement et l'utilisation d'enfant. Avec la
résolution du Conseil de sécurité 1882 (2009), le critère pour lister les
parties au conflit et, par conséquent, la collaboration sur le Plan d'action,
est élargi aux violences sexuelles faites aux enfants et aux meurtres et
mutilations d'enfants. A ce jour, de tels Plans d'action ont été signés dans 12
pays.
Pourquoi la RDC a-t-elle été listée par le Conseil de sécurité de
l'ONU pour recrutement d'enfant?
Sur la base de preuves recueillies par
l'équipe spéciale des Nations unies sur les enfants et les conflits armés, les
forces armées congolaises ont été listées pour la première fois pour le
recrutement et l'utilisation d'enfant dans le rapport du Secrétaire général de
l'ONU sur les enfants et les conflits armés en 2003, avec la dénomination de
Forces armées congolaises (FAC). Suite à la transition de 2003, les nouvelles
forces années légitimes, Forces armées de la RDC (FARDC), ont été listées en
février 2005 et ont continué d'être listées pour recrutement de mineurs jusqu'à
aujourd'hui. Depuis avril 2011, les FARDC ont également été listés pour la
commission systématique de violences sexuelles contre les
enfants.
Comment les FARDC peuvent être retirées de la liste des parties
au conflit commettant des violations?
La première étape est l'approbation
d'un Plan d'action concret et assorti d'échéances pour mettre fin et prévenir le
recrutement et l'utilisation d'enfant et les violences sexuelles par les FARDC.
Le gouvernement s'engage à prendre des mesures spécifiques à cet égard et à
respecter ses obligations au regard du droit international humanitaire et du
droit international des droits de l'homme. Après la signature, la mise en œuvre
du Plan d'action sera surveillée pendant une duré initiale de 12 mois. Une fois
les activités mises en œuvre, en particulier la vérification de l'absence
d'enfants dans les rangs des FARDC, le secrétaire général des Nations unies
pourra, sur recommandation par la représentante spéciale du secrétaire général
de l'ONU pour les enfants et les conflits armés, décider du retrait des FARDC de
sa liste.
Écrit par Le Potentiel
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Potentiel
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