(La Prospérité
11/10/2012)
Une fois de plus, la loi de la majorité mécanique a triomphé
à l’Assemblée nationale, dans ce qui nous tient lieu de Parlement. Le projet
d’interpellation du Premier ministre, initié par un Député de l’opposition, a
été rejeté en bloc.
Non pas parce qu’il était sans objet, mais uniquement parce
qu’il a été jugé prématuré et inopportun par les députés de la majorité
présidentielle, là où l’opposition mettait en avant la pertinence et l’urgence
de cette interpellation, compte tenue de la situation générale que vit le pays.
Au décompte, la loi du nombre l’a emporté.
Exit la motion d’interpellation,
Matata Ponyo, le Premier ministre, peut se couler des jours tranquilles sur le
dos d’une Assemblée nationale qui ne se gêne pas d’être ainsi inféodée au
gouvernement, dans une sorte de démocratie de la médiocrité. En tout état de
cause, esquiver une question posée, n’est pas la meilleure façon d’y apporter
des solutions. Au minimum, les préoccupations populaires qui ont été soulevées
par cette interpellation manquée resteront pendantes mais toujours présentes sur
les causes réelles des guerres successives à l’Est; sur la mauvaise gouvernance
tant décriée; sur la corruption ambiante ; sur l’inefficacité légendaire de nos
services de sécurité ; sur la précarité des conditions de vie de la majorité de
congolais ; sur la corruption de la justice ; sur la montée du banditisme urbain
; etc.
Et au surplus, tout le monde aura compris que, faute d’avoir des réponses
aux attentes de la population, le gouvernement des « surdoués » n’aura été qu’un
terrible accident de l’histoire qui risque de partir en laissant derrière lui
des milliers de pourquoi sans réponses. Reste les questions que tout le monde se
pose à Kinshasa la frondeuse dans les salons huppés, comme dans nos quartiers
démunis, dans nos universités délabrées, comme dans nos églises surabondées, et
que le téméraire Député a voulu poser au Premier ministre :
1. Pourquoi depuis
une décennie, aucun gouvernement ne parvient à mettre un terme définitif aux
souffrances des congolais meurtris par des guerres successives à l’Est du pays ?
2. Si l’on admet que c’est le Rwanda qui nous agresse, pourquoi, le gouvernement
n’a-t-il pas rappelé notre Ambassadeur au Rwanda en signe de protestation et
pourquoi n’a t-il pas convoqué l’Ambassadeur du Rwanda en RDC pour explication ?
3. Pourquoi dans les rencontres internationales au plus haut niveau on s’empêche
délibérément de citer le nom de l’agresseur rwandais ?
4. Pourquoi ces multiples
tentatives de balkanisation de notre pays et des velléités sécessionnistes de
certaines provinces ?
5. Pourquoi cette incapacité de nos forces armées et de
sécurité à défendre l’intégrité du territoire nationale face aux groupes
rebelles et des armées étrangères ?
6. Pourquoi la stabilité macroéconomique
tant claironnée ne produit aucun effet positif sur le taux de chômage des
jeunes, sur les prix des produits de consommation des masses et sur les produits
manufacturés ?
7. Pourquoi ce pays potentiellement riche a aussi une population
parmi les plus pauvres du monde ?
8. Pourquoi nos hôpitaux sont-ils devenus des
mouroirs et nos universités des passoires ?
9. Pourquoi nos populations
peinent-elles à avoir de l’eau potable, et pourquoi le système de délestage
électrique est-il devenu un mode de vie, y compris dans les centres villes ?
Quand cela pourra-t-il enfin cesser ?
10. Pourquoi les procédures de passation
des marchés publics de constructions d’infrastructures et de réhabilitation des
certains bâtiments publics sont-elles opaques ?
11. Pourquoi tous les secteurs
porteurs de croissance (infrastructures, mines, hydrocarbures), ainsi que les
secteurs stratégiques (télécommunication, énergie) échappent largement au
contrôle des congolais ?
12. Pourquoi la persistance de la fraude douanière dans
certaines provinces fait perdre à l’Etat d’énormes ressources budgétaires ?
13.
Pourquoi la mise en œuvre effective de la décentralisation connaît toujours
autant d’obstacles délibérés ?
14. Pourquoi le gouvernement a-t-il continué à
exécuter le budget 2011 jusqu’au mois de juillet 2012 sans l’ouverture des
crédits provisoires et sans l’aval du Parlement ?
15. Pourquoi la justice
congolaise est-elle toujours aussi décriée et pourquoi le pays a toujours une
aussi mauvaise réputation sur la question des droits de l’homme ?
Dans les
débats qui ont suivi la motivation de cette interprétation, les élus de la
majorité ne se sont pas empêchés de soupçonner l’opposition d’avoir des idées
cachées derrière la tête en initiant cette interpellation « in tempore suspecto
» au moment où, disent-ils, le gouvernement fait face à la guerre de l’Est, et à
la veille du Sommet de la Francophonie ?
Sauf, dans l’hypothèse impossible où la
tête de Matata Ponyo pourrait tomber au profit d’un candidat de l’opposition,
jamais les congolais n’avaient eu autant soif d’être informés sur la manière
dont ils sont dirigés ; et jamais les projecteurs de l’actualité mondiale
n’avaient été autant braqués sur ce pays pour savoir comment et pourquoi ce pays
qui avait tout pour réussir en est arrivé à être ainsi la risée du monde ?
Tshivis Tshivuadi Editorial tiré du Magazine Plume & Liberté n° 016
LPM
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