mercredi 8 août 2012
Malgré son implication dans les négociations de Kampala - Kigali installe une administration à Rutshuru
(Le Potentiel 08/08/2012)
«A beau mentir vient de loin», dit un vieux proverbe. C’est le moins que l’on puisse dire, au regard de l’évolution des faits sur les zones de l’Est de la RDC, passées désormais sous contrôle des troupes du M23. Kigali vient de franchir le Rubicon. Il vient de cracher sur le sommet du Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) de Kampala, en installant une administration à sa solde à Rutshuru (Nord-Kivu). Par le M23 interposé, cette administration dévoile au grand jour les vraies intentions de Kigali, pour qui les négociations en cours à Kampala ne sont qu’une distraction supplémentaire. En effet, la logique de Kigali est de s’assurer du contrôle effectif d’une partie de la RDC. Le plan de la balkanisation est en marche.
Les négociations en cours à Kampala ont achoppé sur la composition de la Force internationale neutre, appelée à se déployer à la frontière commune entre la RDC et le Rwanda. Pour la délégation rwandaise, cette force doit être constituée d’éléments provenant de la sous-région. Ce qui revient à considérer qu’il s’agirait des militaires provenant, entre autres, du Rwanda et de l’Ouganda, pourtant considérés comme des pays agresseurs de la RDC, au regard des témoignages recueillis aussi bien par les services des Nations unies que par diverses ONG internationales présentes dans la région.
Pendant que la délégation rwandaise, conduite à Kampala par James Kabarebe, multiplie des entraves sur la voie devant conduire à la mise en place de cette force neutre, sur le terrain le M23, sponsorisé par le Rwanda, prend des espaces et s’installe.
Ce mouvement prend déjà ses marques sur terrain. Il ne cache plus son intention d’administrerla partie qu’il occupe. A Rutshuru, territoire grandcomme le Rwanda, le M23 vient d’installer son administration afin, sans doute, de peser davantage dans la balance lors d’éventuelles négociations avec Kinshasa.
Le double jeu
Au même moment, le sponsor - le Rwanda - se pavane à la table des discussions à Kampala, faisant monter inconsidérément les enchères.
En effet, depuis la réunion des experts, le lundi 6 août 2012, le Rwanda continue à s’opposer à l’idée d’élargir le cercle de la Force neutre aux pays autres que ceux de la CIRGL pour en faire un corps véritablement international. Option que rejette, sans raison valable Kigali.
Selon les dernières nouvelles en provenance de Kampala, les Etats membres de la CIRGL ont promis, à défaut d’un compromis, de porter l’affaire devant l’Union africaine.
Tout compte fait, l’arrogance de Kigali est consécutive aux avancées sur le terrain de opérations, alors que les Congolais, de bonne foi, espèrent obtenir des progrès par des voies diplomatiques.
Selon la radio onusienne Okapi, Kigali a, au travers du M23, mis en place des comités locaux de sécurité constitués «des cadres de base, des autorités coutumières locales ainsi que des leaders des communautés». «Ces derniers, selon ce mouvement rebelle, ont pour mission de veiller à la sécurité des populations et d’expédier les affaires courantes».
En effet, c’est depuis le samedi 4 août 2012 que cette mise en place est devenue effective. «Trois comités locaux de sécurité fonctionnent déjà, notamment à Rutshuru-centre, Kiwanja-Mabenga etRubare-Kalengera-Biruma», ont indiqué plusieurs sources à Rutshuru, contactées éventuellement par Radio Okapi. «Ces comités sont constitués de neufs membres chacun, parmi lesquels des chefs d’avenue et de cellule, des chefs de groupement et d’autres entités de base. Sur le plan sécuritaire, ces responsables locaux ont pour mission d’organiser des patrouilles nocturnes avec des jeunes de quartiers pour sécuriser la population et dénoncer des cas d’exactions et abus éventuels. Ces comités collaborent et font rapport à la police et à la branche armée du M23», écrit la radio onusienne.
Que dire d’autre ? Le plus évident est que Kigali, parrain de la rébellion menée par le M23, a étalé au grand jour ses véritables intentions. Il s’agit de prendre totalement le contrôle du Nord-Kivu, province riche en terres rares (coltan,…) et en pétrole. D’où, son empressement d’avoir sur le terrain une administration acquise à sa cause.
Pendant ce temps, à Kinshasa, c’est encore et toujours la victimisation, dans l’espoir d’une solution pacifique à la crise. Point de vue diamétralement opposé à la vision développée à Kigali. Difficile dans ces conditions de poursuivre des discussions, alors que Kinshasa part avec un sérieux handicap. C’est-à-dire l’impuissance de son armée pour contenir la fougue du M23 et de ses parrains : le Rwanda et l’Ouganda.
Le rapport des forces
Kigali, spécialisé dans l’art de la ruse, tente donc de faire endormir Kinshasa. C’est tout le sens de la réunion de Kampala. Des négociations rendues volontairement laborieuses, la multiplication des rencontres dans différentes capitales du continent participent d’une volonté de faire traîner les choses en longueur, jusqu’à obtenir ce que l’on recherche.
La RDC, qui s’est rendue à la table des négociations avec des atouts diplomatiques de taille : suspension de l’aide au Rwanda, le rapport des experts onusiens, … - ne devrait se contenter d’aussi peu. Le gouvernement doit savoir par quel bout renverser les tendances. Ce rapport des forces n’a pas encore évolué malgré ces avantages ponctuels actuellement engrangés.
La transposition du rapport des forces diplomatiques n’a de sens que si elle est relayée par une force militaire véritablement dissuasive.
Tant que le sous-traitant, le M23, occuperait du terrain, le sponsor Kigali poursuivrait son œuvre de distraction sur le front diplomatique. Entre-temps, sur le plan politique, le M23 va poursuivre son ancrage administratif sans désemparer.
Claquer la porte de la CIRGL
La RDC ne devrait plus compter sur une autre issue que celle de son renforcement militaire.
Le moment ne serait-il pas aussi propice pour Kinshasa de recevoir sa participation dans diverses organisations sous-régionales telles que la CEPGL ou encore la CIRGL ?
Que vaudrait la CIRGL sans la RD Congo ? Cette question vaut son pesant d’or dans la mesure où, si cette instance sous-régionale est incapable de proposer des solutions diplomatique, politique et militaire, elle ne sert pas, à dire vrai, les intérêts de la RDC.
La politique de la chaise vide ne paierait pas, serait-on tenté de réagir. Ne faudrait-il pas rétorquer que des discussions avec un interlocuteur de mauvaise foi avérée ne seraient que perte inutile de temps, d’énergie et de ressources ? Pousser à l’extrémité de sa patience, la RDC ne doit plus prêter le flanc à la distraction. La détermination des Congolais, démontrée lors de la marche des Catholiques, ne fait plus planer l’ombre d’un doute.
Aucun Congolais n’accepterait de subir, une fois de plus, l’humiliation imposée par Kigali.
Kampala et Kigali, qui tirent des ficelles dans le CIRGL, connaissent les tenants et les aboutissants de tout ce qui se trame. L’opinion congolaise n’accepte plus de jouer au dindon de la farce mise en scène par ces deux capitales. En claquant la porte, les autres gouvernements comprendront la quintessence des accusations régulièrement portées contre Kigali et Kampala.
En effet, tous les accords signés se sont révélés totalement en défaveur de la RDC. Et que dire de la paix est tant recherchée, mais elle n’est jamais acquise, particulièrement dans la région des Grands Lacs. Car, depuis que la RDC fait partie de la CIRGL, la guerre sévit en permanence dans la partie Est de la RD Congo.
Derrière tous ces calculs, il y a évidemment la balkanisation. Du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), en passant par le Conseil national pour la défense du peuple (CNDP de Laurent Nkunda), jusqu’au M23, c’est toujours Kigali qui se trouve au centre de la déstabilisation de la région des Grands Lacs. Autant lever définitivement une option en quittant la CIRGL – une organisation qui ne sert qu’à légitimer les mésaventures de Kigali et de Kampala.
Offensive militaire
Mais, au-delà de la voie diplomatique, visiblement privilégiée par Kinshasa, il est urgent de passer à l’offensive militaire. Or, cette option ne peut pas se révéler efficace dans la configuration actuelle du commandement militaire congolais.
D’où, l’urgence de changer tous les commandements militaires à partir du Nord-Katanga jusqu’en Ituri, en déployant de nouvelles unités formées dans divers programmes mis en œuvre au sein des FARDC.
Au stade actuel, seule l’option militaire est à même de changer le rapport des forces. Les FARDC en mutation ne devraientplus rester seules au front. Une guerre populaire comme l’avait souhaité M’zee Laurent-Désiré Kabila reste la solution. Cette fois-ci, plutôt que de continuer à jouer au cache-cache avec Kigali et Kampala, Kinshasa doit lever l’option claire d’un affrontement militaire. L’implication réelle des populations pousserait à une véritable offensive.Laquelle conduirait à son tour à un changement des rapports de forces.
Il n’est donc plus question de se livrer à ces différents marchés des dupes où la RDC donne tout sans contrepartie. Non seulement que le pays reçoit des coups de la part de ses voisins bellicistes, elle paie également le tribut le plus lourd en termes de perte en vies humaines : plus de 6 millions de morts, 2 millions de déplacés et plusieurs femmes violées.
Par ailleurs, le pillage des ressources naturelles de la RDC, maintes fois dénoncées, se poursuit inlassablement. La protection des richesses n’est possible qu’avec l’appropriation intégrale du système de défense du pays par ses propres fils. Un changement rapide de la chaîne de commandement à tous les niveaux doit bénéficier d’un traitement en urgence.
L’heure d’interminables négociations est terminée. Le seul langage que Kigali et ses commanditaires comprennent est celui des armes et de la violence. L’organisation d’une autodéfense globale devra également intégrer la donne extérieure avec le soutien des multinationales anglo-saxonnes. La réponse à réserver présentement serait celle de doter l’ensemble de la population d’armes pour défendre les frontières nationales. Les négociations ne sont plus acceptablesà cause de l’insuffisance de résultats engrangée sur la voie diplomatqiue.
Parallèlement, le gouvernement ferait mieux d’initier un débat public au sein du Parlement pour voter éventuellement un budget de guerre. Il s’agit de requérir l’adhésion de toute la société congolaise pour la défense de l’intégrité nationale, en péril.
Au regard de l’impasse actuelle, une offensive militaire sera la solution en cas d’échec total des négociations entre le Rwanda, l’Ouganda et la RDC.
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