(Le Potentiel 04/08/2012)
Recommander que Kigali et Kampala soient impliqués dans la résolution de la crise qui sévit en RDC serait mené Kinshasa en bateau. Surtout que la suggestion vient du Conseil de sécurité des Nations unies. A quel jeu joue celui-ci en s’abstenant de dénoncer les bourreaux et autres tireurs des ficelles du drame qui s’abat dans la partie Est de la RDC ? C’est troublant et, à la limite révoltant, de voir le Conseil de sécurité se perdre en circonlocutions et tourner autour du pot. Son attitude donne la preuve d’un complot international ourdi pour précipiter la balkanisation de la RDC.
Le Conseil de sécurité des Nations unies s’est, une fois de plus, penché jeudi dernier sur le cas de la République démocratique du Congo. Comme à l’accoutumée, les 15 membres du Conseil de sécurité ont condamné avec fermeté le drame qui s’abat à nouveau dans l’Est où a éclaté depuis quelques mois une rébellion opérant sous la bannière du M23.
Quoi que dur dans sa déclaration, le Conseil de sécurité s’est arrêté à mi-chemin. Il n’est pas allé jusqu’au bout de sa logique, laquelle devrait consister à envisager des actions musclées à même de dissuader les tireurs des ficelles de toutes les tensions qui fragilisent depuis plus de 10 ans cette partie de la RDC. Les plus apparents restent, sans nul doute, le Rwanda et l’Ouganda. Deux voisins qui n’ont jamais caché leur convoitise des richesses du Congo et de l’étendue de son territoire.
Cette absence de fermeté dans la réaction du Conseil de sécurité trouble dans la mesure où les éléments d’appréciation ont été fournis par la Monusco à l’issue d’une enquête menée sur le terrain des opérations. Le rapport rendu public indique sans ambages l’implication du Rwanda dans la nouvelle rébellion menée par le CNDP sous sa nouvelle dénomination de M23. Malgré cela, les 15 membres du Conseil de sécurité se refusent à nommer le coupable. Au contraire, ils usent de la langue de bois. Que redoutent-ils : quelqu’un ou quelque chose ?
Une question en appelant une autre : en évitant de crever l’abcès, l’exécutif des Nations unies subirait-il en son sein des pressions au point d’être pris en otage par quelques membres qui seraient de mèche avec les bourreaux de la RDC ? En tout cas, l’on n’est pas loin de cette évidence, tant son attitude alambiquée étonne. Surtout quand il s’agit d’une tendance manifeste à ignorer la vérité ou au besoin, l’étouffer.
Le mieux que les 15 membres du Conseil de sécurité ont trouvé à faire c’est d’exhorter les pays de la région à coopérer avec les autorités de la RDC pour démanteler et démobiliser les ex-rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). C’est trop simpliste, soutiennent d’aucuns qui relèvent que l’on demande aux pyromanes d’éteindre le feu qu’ils ont allumé. Des sources crédibles rapportent que même Kampala, qui fait semblant de plaider la cause de la RDC, n’est pas blanc comme neige.
En évitant de charger Kigali et Kampala, le Conseil de sécurité fait du Rwandais Paul Kagame et de l’Ougandais Yoweri Museveni des régents de la RDC.
Cela passe pour un tripatouillage diplomatique en règle destiné à conforter le Kigali et Kampala dans leur position, celle de reniements et démentis continuels. Et pourtant, les faits sur terrain les incriminent.
A tout prendre, il se dégage un commentaire. Soit le Conseil de sécurité est tombé dans le panneau, soit il sait à quel jeu il joue. Toutefois, il ressort à l’analyse que par son attitude, ce dernier approuve la version véhiculée par Kigali et Kampala, et rejette tacitement celle de Kinshasa. Aussi ses propositions/recommandations résonnent-elles comme du cousu-main.
Comme autrefois, l’on voudrait limiter la guerre dans l’Est de la RDC le seul espace de la RDC, en excluant la donne sous-régionale où des pays voisins à la RDC, clairement identifiés tirent des ficelles en entretenant par diverses manières la rébellion du M23. Il est temps, pense-t-on, au niveau du Conseil de sécurité de se démarquer de ses tournures diplomatiques qui contournent subtilement le vrai problème.
Que les 15 membres du Conseil de sécurité aient exprimé «leur ferme condamnation de tout appui extérieur apporté au M23, et exige la fin immédiate de tout soutien au M23, notamment par d’autres pays», en enjoignant «tous les pays de la région de coopérer activement avec les autorités congolaises pour le démantèlement et la démobilisation du M23», c’est bien beau. Mais, ce qu’ils doivent comprendre c’est que la guerre dans l’Est menée par le M23 ne peut nullement être considérée comme une fin en soi, ou comme de méchantes langues aiment à le dire un problème essentiellement congolais. Cette guerre est le fait de la volonté belliqueuse de Kigali et de Kampala d’entretenir en permanence le chaos à l’Est de la RDC pour mieux piller les ressources naturelles de cette région. Et ils se servent du M23 comme marionnette.
Le peuple congolais est déçu. Il se sent abandonné, seul contre tous les grands de ce monde, lesquels ne voient que leurs intérêts. D’autant que la paix et la sécurité pour la RDC devient une gageure, sinon un mirage.
Pour se dédouaner de la guerre injuste qui sévit dans la partie Est de la RDC, le Conseil de sécurité doit se démarquer de son attitude à la fois coupable et complice.
Sur le schéma du RCD et du CNDP
Tout est fait pour pousser Kinshasa à négocier avec le M23. C’est notamment lorsque le Conseil de sécurité demande «à tous les pays de la région de coopérer activement avec les autorités congolaises pour le démantèlement et la démobilisation du M23». De New York, le décor est en train d’être planté pour que le M23 soit placé autour d’une table avec Kinshasa et que tous les deux traités sur un pied d’égalité.
C’est révoltant. L’humiliation a des limites, que l’on ne devrait pas franchir. Au vu du schéma qui se dessine, c’est le retour à la case départ. Comme avec le RCD-Goma, et plus tard, le CNDP – deux mouvements rebelles parrainés par Kigali- on voudrait amener Kinshasa à intégrer dans les toutes les institutions issues des élections de novembre 2011, des représentants du M23. Ces derniers étant inféodés au Rwanda et à l’Ouganda, ce sont ces régimes qui vont trôner à la tête des instituions de manière à mieux les noyauter le moment venu.
Tout est fait pour entraîner la RDC dans un cercle vicieux, qui l’a drapé depuis l’accord de Lusaka en 1999, finalisé en 2003 par l’endossement de l’Accord global et inclusif en Afrique du Sud. Il a été actualisé lorsqu’il s’est agi du CNDP, qui a arraché le 23 mars 2009 la signature de l’Accord sur lequel rebondit la nouvelle création qui porte le même nom.
Voilà le schéma macabre qui tend à pérenniser le malheur de la RDC et que la communauté internationale, par le Conseil de sécurité interposé, s’apprête à imposer aux Congolais. Avec ce schéma, Kigali et Kampala ne répondront peut-être jamais de leurs nombreux crimes commis sur le sol congolais. Il est vrai que l’on pourrait procéder à des plâtrages mais, la plaie, très béante, tardera à être pansée. Et dans tout cela, la communauté internationale aura eu sa part de responsabilité.
Publié le samedi 4 août 2012 00:04
Écrit par Le Potentiel
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