Défections en cascade des militaires ex-CNDP - Armée : les taupes se démasquent

(Le Potentiel 14/08/2012) D’eux-mêmes, certains militaires ex-CNDP quittent les rangs pour des destinations inconnues. Ces défections en cascade sont loin d’être des cas isolés. Ces mouvements ressemblent à un mot d’ordre venu de quelque part. Le modus operandi ne fait l’ombre d’aucun doute, les déserteurs visent à saper le moral des FARDC au front. Du Nord-Kivu au Sud-Kivu ; de l’Ituri en Province Orientale, le mouvement semble avoir atteint Kananga au Kasaï Occidental. Les masques tombent !

Au commencement du Mouvement du 23 mars (M23), il y avait défection des unités des Forces armées de la RDC (FARDC) issues du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Depuis un temps, des défections se multiplient dans les rangs des FARDC. Comme un cheval de Troie, le navire de l’armée congolaise se vide de son équipage, notamment ceux qui ont tenté de l’infiltrer pour mieux la fragiliser.

Après le Nord-Kivu, c’est le tour du Sud-Kivu de subir le même revers. La dernière en date remonte à dimanche 12 août 2012 quand une vingtaine d’éléments issus de l’ex-rébellion du CNDP, dont quatre officiers ont rejoint la rébellion du M23.

Des unités ex-CNDP, autrefois intégrées dans les FARDC, viennent de se désolidariser des troupes loyalistes. Elles ont pris une destination inconnue. Ces éléments appartiendraient, selon Radio Okapi, au 1007ème régiment basé à Burhinyi, dans le territoire de Mwenga dans le Sud-Kivu.

Radio Okapi rapporte, par ailleurs, que le commandant de la 10ème région militaire s’est rendu le même jour à Kaniola où les déserteurs ont abandonné une Jeep militaire avant de s’évanouir dans la nature.

Les raisons de leur défection n’ont pas non plus été expliquées. Mais, l’on peut d’ores et déjà supposer qu’elles ont emboîté le pas à leurs pairs du Nord-Kivu. Elles devaient, sans doute, gonfler dans les tout prochains jours les rangs du M23.

En effet, depuis un temps, des mouvements similaires sont signalés dans des unités des FARDC de la Province Orientale. Dans le district de l’Ituri, le commissaire de district a récemment lancé à la population un message de mobilisation, particulièrement aux unités FARDC basées, leur interdisant de céder au charme du M23 qui, selon les informations, recrutaient déjà dans le district. Selon des témoignages non encore confirmés par des sources officielles, une trentaine d’éléments FARDC basés à Kananga serait portée disparue depuis samedi dernier. Une opération de recherche aurait même été lancée dans les alentours d u chef-lieu du Kasaï Occidental pour les retrouver. En attendant la confirmation officielle, cette information est à prendre très au sérieux.

Heureusement que jusqu’à nouvel ordre, ces défections des militaires ex-CNDP se constatent particulièrement dans les garnisons de l’Est. Ce n’est donc pas encore le cas, signale-t-on, dans d’autres régions militaires de la RDC où un calme apparent continue à régner parmi les hommes des troupes. Mais, les défections avérées de l’Est et celle à confirmer doivent être prises au sérieux. Ce n’est point l’hirondelle qui annonce le printemps. C’est tout le contraire.

Tentative de décryptage

Deux hypothèses s’affrontent. La première - la plus plausible en tout cas - suppose que les déserteurs sont allés rejoindre le M23, très actif dans le Nord-Kivu. Les militaires, qui ont fait défection dans le Sud-Kivu, sont, notamment ceux intégrés dans les FARDC au terme de l’Accord du 23 mars 2009 sur lequel se fonde le M23 pour légitimer sa rébellion. Si cette hypothèse passe pour la plus vraisemblable, elle en appelle d’autres.

La désertion des ex-militaires CNDP pourrait bien trouver son explication dans le vent de panique qui secoue l’édifice de base du M23, à savoir le sponsor de Kigali. En effet, le soutien du Rwanda au M23 passe, comme l’a si bien reconnu le président Joseph Kabila, pour un «secret de polichinelle». Or, depuis un temps, Kigali est acculé de toute part. Ses alliés le contraignent de cesser tout appui, de quelque nature que ce soit. Les Etats-Unis, son principal allié, suivi de la Grande-Bretagne ont décidé de suspendre des appuis financiers. Puis les Pays-Bas et la Suède ont gelé leur aide publique au développement en faveur du Rwanda, en attendant, disent-ils, de voir clair sur ce qui se passe dans la partie Est de la RDC.

Craignant d’être amputé de son principal soutien, le M23 serait donc en train de revoir ses cartes. Ce qui pourrait bien, d’une certaine manière aussi, expliquer la panique qui gagne ses rangs.

Mais, le plus important, c’est plutôt la mobilisation intérieure qui s’est créée dans l’opinion nationale congolaise. Car, contrairement aux rébellions antérieures, celle menée actuellement par le M23 a difficile à trouver un ancrage sur le plan intérieur – un handicap que le M23 a difficile à se défaire pour se faire un crédit à l’intérieur. L’ombre d’un échec plane donc sur son projet. Ce qui, du coup, met en mauvaise posture les taupes infiltrées dans les rangs des FARDC sous couvert du CNDP.

Pris en tenaille et se sentant, par conséquent, en insécurité dans les FARDC, les ex-militaires CNDP préfèrent se mettre rapidement en lieu sûr avant qu’ils ne soient démasqués plus tard. La direction logique à prendre est celle de rejoindre la base fortifiée, les territoires sous le contrôle du M23. Ce retour à la maison par tous les moyens, pour ne pas être pris en étau, démontre que quelque chose se prépare ou quelque chose est redoutée par le M23 et leurs soutiens.

Le voile se déchire
Avec la rébellion du M23, l’on commence de plus en plus à découvrir la face cachée de l’iceberg, c’est-à-dire les motivations immergées de tous les accords signés entre Kinshasa et tous les groupes armés opérant dans l’Est, en remontant jusqu’à l’Accord global et inclusif signé en 2002 en Afrique du Sud. En effet, l’accord de Sun City a ouvert la boite de Pandore en inaugurant un cycle de négociations qui devait amener jusqu’à l’accord du 23 mars 2009 signé à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, entre le gouvernement de Kinshasa et divers groupes armés, dont le CNDP.

Tous ces accords ont eu la particularité d’injecter dans l’armée nationale des éléments n’ayant pas nécessairement la même idéale de la défense de la patrie. Sans une base idéologique commune et d’engagement ferme de servir sous le drapeau, ces éléments sont restés cloîtrer dans leur vision de l’armée et du pays. Chacun a gardé son agenda originel au point que l’armée s’était transformée en un appareil ne formant pas un corps. Tout s’est malheureusement fait au détriment des FARDC qui a perdu toute homogénéité d’un corps d’armée moderne. Des militaires servant normalement sous le drapeau permettaient de s’identifier à leurs origines ethniques. Ils sont allés loin jusqu’à n’assurer que la sécurité de leur communauté, dans des coins bien déterminés. Les FARDC est plutôt une juxtaposition de l’ex-RCD/Goma, ex-MLC, ex-RCD/K-ML, ex-CNDP, etc. Comment dès lors bâtir une armée avec des éléments ne partageant rien en commun ? Leur aurait-on inculqué des notions d’une armée moderne, républicaine et professionnelle ?

De ce point de vue, les défections en cascades trouvent un sens. Depuis leur intégration en 2009, les militaires ex-CNDP ne se sont jamais considérés comme faisant partie intégrante des FARDC. Si bien que quand le M23 lance son mouvement, tous les ex-CNDP trouvent en cette occasion une aubaine pour replonger dans leur milieu naturel. Mais, la reconstitution du CNDP, dans sa forme revue et corrigée, sous sa nouvelle appellation du M23, repose plus que jamais sur la lancinante question de la reconstitution de l’armée, truffée des taupes qui n’ont pour seule mission que de la fragiliser davantage pour laisser libre court aux aventuriers de tous bords déterminés à remettre en cause l’intégrité territoriale de la RDC.

La sélection naturelle qui s’opère actuellement au sein des FARDC ne peut se poursuivre que si, le gouvernement de la République continue à garder sa ligne consistant à faire la différence entre le bon grain et l’ivraie. Tout en restant vigilant, il n’est pas exclu que des militaires ayant servi pendant une longue période au front, soient relevés par d’autres plus frais. Les taupes qui s’extirpent d’eux-mêmes n’ont donc plus de place au sein des FARDC.

Écrit par Le Potentiel
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