RDC: nombreuses zones d'ombre sept ans après la mort de Chebeya et Bazana
Il y a 7 ans en RDC, Floribert Chebeya, fondateur de l'ONG de défense des droits de l'homme la Voix des sans voix, était retrouvé mort dans sa voiture et son chauffeur Fidèle Bazana porté disparu. Floribert Chebeya s'était rendu la veille à une convocation de l'inspecteur général de la police nationale, le général John Numbi. Depuis, l'affaire a été jugée en première instance et en appel par la justice congolaise. Mais 7 ans après les zones d'ombre sont toujours nombreuses. Les proches des victimes dénoncent une parodie de justice et se tournent désormais vers le Sénégal, où une procédure contre l'un des suspects est en cours.
L'affaire Chebeya-Bazana a déjà fait l'objet de deux procès devant la justice congolaise. En 2011, la Cour militaire de Kinshasa poursuit huit policiers dont trois sont en fuite. Quatre sont condamnés à mort, un autre à la perpétuité.
En 2015, l'affaire est jugée en appel par la Haute cour militaire de Kinshasa. Au procès, quatre des policiers sont acquittés à leur tour, faute de preuves. Le cinquième, le colonel Daniel Mukalay, voit sa peine réduite à 15 ans de prison. Quant aux poursuites contre les trois fugitifs, elles sont suspendues.
Annie Chebeya, veuve de Floribert Chebeya
Pour les parties civiles, c'est la douche froide. Elles dénoncent « une parodie de justice ». Dès lors, pour elles, il n'y a plus rien à attendre de la justice congolaise.
L'espoir au Sénégal
L'espoir se trouve désormais du côté du Sénégal. Depuis 2014, une procédure est en cours, après une plainte des familles des deux victimes contre l'un des policiers congolais protagoniste présumé de ce double assassinat : Paul Mwilambwe. Il se dit témoin de l’implication de certains hauts gradés de la police congolaise dans ce double assassinat, à commencer par le général John Numbi, chef de la police à l'époque des faits.
« J’ai accepté aujourd’hui que ma voix soit entendue parce que le dossier est en train de traîner. Je suis à la disposition de la justice sénégalaise. Je demande à la justice sénégalaise de faire son travail. Pourquoi ? Parce que ma vie est en danger, y compris celle de ma famille, c’est-à-dire y compris la vie de mes enfants et de ma femme est en danger. Du fait que les commanditaires de l’assassinat de Chebeya sont au sommet de l’Etat, la part de la vérité c’est déjà connu, la part de la vérité est que Chebeya a été assassiné à l’Inspection générale de la police. La diplomatie est en train de jouer parce que je vois que mon dossier devient politique, c’est pourquoi peut-être la justice sénégalaise est en train de traîner. Mais je ne juge pas la justice sénégalaise, mais je me laisse à la disposition de la justice sénégalaise. Je lance un cri de cœur : que ma voix soit entendue », a déclaré Paul Mwilambwe.
Maître Domingo Dieng défend Paul Mwilambwe. L'avocat rappelle que l'Etat du Sénégal a signé des conventions et doit donc respecter le droit : « La justice reste la justice. Et les conventions internationales que l’on signe aussi doivent déboucher sur quelque chose. On ne peut pas s’asseoir sur la vérité indéfiniment. C’est ça notre combat », estime-t-il.
Un procès digne
Au Sénégal, les familles de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, qui espèrent un procès digne de ce nom, sont défendues par maître Assane Dioma Ndiaye. Comme son confrère, il estime que la justice doit passer : « Nous savons qu’il y a eu des pressions énormes de la part du gouvernement de Kinshasa. Ce que nous craignons évidemment, c’est que la réelle politique ne prenne le pas. C’est l’exigence de justice », a-t-il déclaré.
Sollicités sur la durée de cette procédure qui s’éternise, les différents organes de la justice n'ont pour le moment donné aucune explication.
Pour les familles, c'est la seule lueur d'espoir. Elles qui depuis le début désignent le général Numbi comme commanditaire de cet assassinat, mais n'ont jamais vu leur demande d'être entendu par la justice honorée.
Les commanditaires de cet ignoble assassinat sont tout à fait libres de leurs mouvements et n’ont jamais répondu de leurs actes.
Rostin Manketa, directeur de la Voix des sans voix
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