mercredi 14 novembre 2012

Matata à Paris. Les défis du Premier ministre au pays de F. Hollande

(L'Avenir Quotidien 14/11/2012) • Pendant ces 72 heures chrono à Paris, soit du mercredi au vendredi prochain, le chef du gouvernement français, M. Matata Ponyo doit aussi convaincre les opérateurs économiques à venir investir massivement dans divers secteurs en République démocratique du Congo.

• Comme à Bruxelles et Berlin le mois dernier, Matata Ponyo n’a pas de temps à perdre. Le pays est buté à trois grandes questions combien déterminantes pour son avenir : la sécurité, l’économie et la démocratie ; matières ayant milité en faveur de ce déplacement de Paris.

Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo Mapon vient de se rendre à Paris (France) où il va travailler avec les autorités françaises sur les questions de sécurité, notamment à l’est" de la RDC, en proie à un regain d’instabilité depuis six mois avec le Mouvement du 23 mars (M23).

Selon les informations en notre possession, l’homme d’Etat congolais mettra à profit ce cours séjour à Paris pour témoigner aussi de la volonté de son gouvernement de consolider le partenariat économique avec la France, en montrant tous les efforts (accomplis) pour stabiliser le cadre macro-économique, pour améliorer le climat des affaires et encourager les investisseurs français à apporter leur contribution en RDC.

Selon le classement de Doing Business 2013 de la Banque mondiale, qui note le climat des affaires de 185 pays, la RDC arrive 181ème, un classement qu’avait du reste contesté le ministre du Plan Célestin Vunabandi, rappelant qu’en 2012, la RDC était classée 178ème.

Pas de nuages entre Kinshasa et Paris

En octobre dernier, Augustin Matata Ponyo, avait effectué le déplacement de Bruxelles et Berlin. Là, les efforts pour améliorer les questions liées notamment à la démocratie, aux droits de l’Homme et à la paix ont été rappelés.

Cependant, quelques jours avant le sommet de la Francophonie, tenu du 12 au 14 octobre à Kinshasa, le président français François Hollande avait qualifié d’"inacceptable" la situation des droits de l’Homme et de la démocratie en RDC. Le président congolais Joseph Kabila avait répliqué que son pays n’était "pas du tout complexé".

Plusieurs commentaires fusant de toutes parts sont allés dans le sens de nuage entre Kinshasa et Paris. « Je t’aime…, moi non plus », « réponse du berger à la bergère », etc. sont les plus virulent que l’ont peut en retenir.

Et comme le Premier ministre gère les manettes de l’exécutif, il aurait eu vent de toutes ces imprécations avant de déduire les conséquences qui pourraient en découler, le périple parisien trouverait ici pour premier fondement de lever l’équivoque, si équivoque il y a, afin de ’’ décrisper, décongestionner les relations entre le pouvoir de Kinshasa et celui de Paris’’.

Besoin de muscles diplomatiques

La RDC, sans "muscles diplomatiques", ne peut contenir la pression du Rwanda. C’est ce qu’on pouvait lire dans une dépêche de l’Afp. Et la même dépêche de révéler, "Humiliation !", ce mot était sur toutes les lèvres à Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) quelques jours après l’élection du Rwanda, le 19 octobre à l’ONU, comme membre non permanent représentant l’Afrique au Conseil de sécurité.

Humiliation, car la RDC dénonce, depuis des mois, l’agression du Rwanda dans l’est du pays, où Kigali est accusé, par un rapport de l’ONU, de soutenir militairement la rébellion du Mouvement du 23 mars, dont l’apparition au début de l’année a provoqué une nouvelle catastrophe humanitaire au Nord-Kivu.

Ce sentiment d’humiliation traduit aussi la nécessité pour l’Etat à pacifier la partie orientale du territoire congolais. Toutefois "Sans muscles diplomatiques", selon les mots d’un expert, Kinshasa ne pourrait jamais barrer la route au Rwanda. L’Union africaine avait choisi son candidat, le Rwanda, il y a plusieurs mois, bien avant la publication du rapport de l’ONU incriminant lourdement les Rwandais pour leur rôle dans les violences au Nord-Kivu.

"Maintenant, le Rwanda est juge et partie dans le règlement de la crise dans l’est de la RDC", observe –t-on à l’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW).

Quoi qu’il en soit, sous le regard des quatorze autres membres du Conseil de sécurité, le Rwanda, élu pour deux ans, n’aura pas les mains libres pour autant. Parmi les cinq membres permanents, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ne soutiennent plus aussi fermement le pays. Et la France s’est rangée du côté de la RDC en dénonçant l’"agression" rwandaise.

Cela mérite d’être rappelé, bien qu’au comité des sanctions de l’ONU, le Rwanda pourra s’opposer à l’inscription de militaires rwandais ou du M23 sur la liste des personnes sanctionnées. Ce cas pourrait se présenter à l’issue de l’examen, en novembre à l’ONU, du rapport sur le M23 qui met en cause, notamment, le général James Kabarebe, puissant ministre de la défense rwandais.

Les relations entre Kigali et Kinshasa étaient déjà exécrables depuis le déclenchement, en avril, de la rébellion du M23. Ce mouvement est apparu en réaction à la volonté de Kinshasa de remettre de l’ordre dans l’armée congolaise, qui n’arrivait pas à digérer l’intégration de combattants tutsis (l’ethnie du président rwandais Paul Kagamé) issus d’une précédente rébellion.

Kinshasa voulait déplacer ces recrues loin de leur fief oriental où elles contrôlent de juteux trafics, miniers notamment, dont les tentacules vont jusqu’au Rwanda voisin. D’ex-rebelles ont déserté pour créer le M23. "Kigali contrôlait une partie de l’armée, de l’administration et de l’économie au Nord-Kivu. La remise en cause de cet édifice l’a poussé à réagir", selon un spécialiste des trafics douaniers de la Monusco, la mission de l’ONU en RDC.

De quoi réaffirmer l’implication directe du voisin dans la déstabilisation de sa voisine. Le Rwanda a retiré dernièrement ses 350 combattants, mais plusieurs autres dont des officiers sont toujours aux côtés du commandement du M23", affirme une source bien informée. Ce que conteste farouchement le Rwanda, comme à l’accoutumée. Alors qu’il est reconnu que "Sans Kigali, le M23 n’existe pas ‘’.

La voie diplomatique

Face à ces implications qui rendent le morceau dur, Kinshasa privilégie aussi sur la voie diplomatique. C’est aussi à ce niveau que la France, partenaire de la Rdc au Conseil de sécurité a encore un rôle à jouer, et même en appuyant les initiatives africaines. "On ne peut pas parler directement avec Kigali, qui nie toute immixtion à l’est, d’où le recours à la Conférence interrégionale des grands lacs (CIRGL)", explique l’abbé Malumalu.

A Kampala, capitale de l’Ouganda, le CIRGL, auquel appartiennent notamment la RDC et le Rwanda, est devenu "un cadre d’échanges". Mais ce que les discussions ont produit de plus concret, c’est un hypothétique projet de déploiement d’une "force neutre" de 4 000 hommes chargée de sécuriser la frontière orientale de la RDC.

Qui la financera ? Quels pays enverront des soldats ? Quel est le concept opérationnel ? Autant d’inconnues pour ce que le centre de réflexion International Crisis Group (ICG) qualifie de "fausse solution", à ne pas faire avec.

Le président François Hollande tient à muscler le mandat de la Monusco. "Ce sont les pays contributeurs qui fixent les conditions dans lesquelles leurs soldats peuvent utiliser la force", explique un expert civil de l’ONU. Ainsi, les soldats indiens et uruguayens se sont cantonnés à des actions défensives alors que le M23 gagnait du terrain et jetait sur les routes des centaines de milliers de civils. Faut-il alors négocier avec le M23 ? "Ce ne sont que des petits bandits, c’est la ligne rouge à ne pas franchir", tranche l’abbé Malumalu.

L’Ouganda menace de retirer ses casques bleus

Mis en cause par un rapport de l’ONU aux côtés du Rwanda, l’Ouganda a demandé au Conseil de sécurité, lundi 5 novembre, de "prendre au sérieux" sa menace de se retirer des opérations de paix auxquelles il participe si l’ONU ne se dissocie pas du rapport d’experts qui accuse Kampala d’aider la rébellion du M23 en République démocratique du Congo (RDC).

"Nous avons l’impression d’avoir été poignardés dans le dos", a déclaré le ministre ougandais de l’information Ruhakana Ruganda. Selon ce rapport d’experts, qui devrait être examiné par l’ONU dans le courant du mois de novembre, "de hauts responsables du gouvernement ougandais ont fourni un appui au M23 sous forme de renforts directs de troupes sur le territoire de la RDC, de livraisons d’armes, d’assistance technique, etc.

Et comme lors d’une fuite en avant, Kigali décide de fermer sa frontière avec la Rdc, dans les zones stigmatisées. On verra bien à quoi mènerait pareille initiative.

Quoi qu’il en soit, le Premier ministre Matata devait obtenir gain de cause dans cette bataille ; de quoi rassurer les investisseurs d’apporter leurs capitaux dans un pays en paix.

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