(Le Potentiel 24/11/2012)
Kinshasa n’exclut plus l’option des négociations directes
avec le M23 dont, curieusement, les revendications ont été jugées « légitimes »
par la dernière tripartite qui a réuni à Kampala les chefs d’Etat de la RDC, du
Rwanda et de l’Ouganda. Kigali et Kampala n’attendent plus que ce moment pour se
dédouaner de toute implication dans la crise qui sévit dans l’Est de la
RDC.
Après avoir longtemps résisté, Kinshasa serait sur la voie de lâcher
du lest en acceptant enfin de rencontrer les rebelles du M23 pour, selon les de
la déclaration du mini-sommet de Kampala, « examiner les causes du
mécontentement » et voir dans quelle mesure « y répondre dans la mesure du
possible ».
Ce qui sous-entend des négociations pour éventuellement
aplanir les divergences aux fins de dégager un compromis autour des questions
qui divisent. Si les négociations directes avec le M23 ont l’avantage de limiter
les dégâts sur le terrain d’affrontement, elles ont néanmoins l’inconvénient de
faire la part belle aux pays désignés comme agresseurs de la RDC, à l’occurrence
le Rwanda et, dans une certaine mesure, l’Ouganda. Ainsi, accepter de négocier
avec le M23, c’est autrement disculper Kigali et Kampala de tout soupçon
d’agression.
Quoi que salutaire pour les populations civiles qui paient
le lourd tribut de la recrudescence des violences dans l’Est du pays, l’option
des négociations suppose la reconnaissance, autant par Kinshasa que d’autres qui
soutiennent encore la thèse de l’agression, de l’existence d’un problème
congolo-congolais, supposé être le nerf de la nouvelle rébellion portée par le
M23. Ce n’est pas donc pas pour rien que le Rwanda et l’Ouganda soutiennent
vivement l’option des négociations en faisant pression au sein de la Conférence
internationale sur la région des Grands Lacs pour que la RDC se plie à cette
exigence.
Il y a bien des raisons qui légitiment cet acharnement de la
CIRGL à vouloir à tout prix initier des négociations entre le M23 et la RDC. En
effet, le rapport final du groupe des experts des Nations unies sur la RDC a mis
à nu la forte contribution du Rwanda, essentiellement, et de l’Ouganda, en
second lieu, dans la rébellion du M23.
Au point 4 du rapport, les experts
de l’ONU confirment sans détours la mainmise de ces deux pays dans les activités
menées par le M23. Ils notent que « Le M23 est soutenu à la fois par le Rwanda
et des individus gravitant au sein du gouvernement ougandais. Des fonctionnaires
rwandais ont coordonné la mise sur pied du mouvement et l’exécution de ses
principales opérations. Les fonctionnaires ougandais, pour leur part, lui
apportent un concours moins visible, en permettant à sa branche politique
d’opérer à partir de Kampala, et en dynamisant ses relations extérieures.
L’appui des officiers des forces armées ougandaises, bien que restreint, s’est
révélé décisif pour la prise de principales agglomérations du Rutshuru
».
Bien avant que l’Onu ne publie le rapport final de ses experts sur la
RDC, le gouvernement congolais a, après avoir longtemps gardé le silence,
franchi le Rubicon en citant nommément le Rwanda comme pays agresseur. Kinshasa
est allé jusqu’à solliciter l’implication du Conseil de sécurité des Nations
unies pour obtenir des sanctions contre le régime de Kigali. Le rapport est allé
plus loin en indexant également l’Ouganda parmi les soutiens au
M23.
Malgré les éléments de défense présentés par le Rwanda, le groupe
des experts a entériné dans le rapport final leurs conclusions de départ,
chargeant de plus le Rwanda dans l’aventure du M23. Or, depuis toujours, Kigali
nie toute implication dans l’action menée par le M23, considérant que les
revendications exprimées par les rebelles ne relèvent nullement de sa
compétence.
Dans ses nombreuses apparitions publiques, son ministre des
Affaires a défendu tout haut que le M23 était un problème entièrement congolais
qui ne concernait en rien le Rwanda. C’est dire qu’en acceptant de se mettre
autour d’une table avec le M23, Kinshasa va indirectement dédouaner ses deux
voisins de l’Est dans l’action initiée par le M23. Il va donner des arguments à
Kigali et à Kampala ; des arguments que ces deux capitales pourraient bien s’en
servir pour un plaidoyer devant les instances qui les ont unanimement condamnés
au regard de leur appui avéré au M213. Les négociations directes entre Kinshasa
et le M23 signifient autrement que Kigali et Kampala n’ont jamais été associés
au M23.
Belle sortie de scène
Dans cette hypothèse, Kigali et
Kampala vont allégrement étoffer leur beau rôle de médiateur dans la crise
congolaise en cherchant à agir sur mandat de la CIRGL. Les négociations directes
avec le M23 ont deux grandes conséquences fâcheuses sur le plan diplomatique.
Dans un premier temps, elles légitiment le président Kagame dans sa position qui
a toujours considéré la situation dans l’Est comme un problème
congolo-congolais. Elles remettent par conséquent en cause le travail des
experts de l’ONU sur la RDC. Sur un autre tableau, le revirement de Kinshasa
aura également des répercussions sur son crédit à l’étranger. Les négociations
avec le M23 jettent un discrédit sur la RDC.
Prendre le virage des
négociations avec le M23, c’est autrement mettre à l’écart le Rwanda et
l’Ouganda de la crise dans l’Est de la RDC. Or, le monde entier est au courant
de la forte présence rwandaise et ougandaise aux côtés des rebelles du M23.
Kinshasa doit savoir jouer sur ces deux tableaux pour sauver sa face. Négocier
avec le M23, c’est dédouaner ses deux voisins de l’Est. Mais, ne pas accéder à
cette voie, c’est aussi laisser pourrir la situation dans l’Est du territoire
national où le M23 progresse déjà, selon certaines sources, vers Bukavu. Avec
cette promesse, au cas où Kinshasa s’entêterait d’ouvrir les négociations, de
lancer l’assaut sur d’autres villes et localités. C’est un dilemme pour le
gouvernement.
Après la chute de Goma, le Rwanda a appelé à un dialogue
politique en RDC. « Ce qui s’est passé aujourd’hui à Goma montre clairement que
l’option militaire pour apporter une solution à cette crise a échoué et que le
dialogue politique est la seule façon de résoudre le conflit en cours », a
affirmé dans un communiqué la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise
Mushikiwabo. Le Rwanda sait pourquoi il pousse Kinshasa à négocier avec le
M23.
Écrit par LE POTENTIEL
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Potentiel
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