(Le Figaro
26/11/2012)
REPORTAGE - Les chefs d'État de la région des Grands Lacs,
soutenus par l'Union africaine, exigent des rebelles qu'ils quittent Goma et ses
alentours avant la fin de la journée. Sur le terrain, c'est le statu
quo.
Après avoir pris Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l'est de la
République démocratique du Congo, les rebelles du M23 ont continué d'avancer.
Vendredi soir, ils ont conquis Saké après plusieurs heures de combats violents.
La ville s'est vidée en quelques heures, les habitants fuyant les tirs et les
bombardements.
Dimanche matin, sur la route entre Goma et Sake, toujours
ces longues files de femmes, lourdement chargées. Un bébé, des sacs de
nourriture sur le dos, elles avancent. Des minibus remplis de déplacés, des
matelas attachés à l'arrière, les doublent en klaxonnant bruyamment. Les enfants
sont mis à contribution, certains tiennent des chèvres en laisse, d'autres
portent leurs cadets. Après avoir dû quitter Saké en urgence, les habitants
commencent à revenir. Une jeune femme, une casserole remplie de riz sur la tête
est suivie de deux jeunes enfants. «On nous a dit que la situation s'était
calmée, alors on rentre. La vie dans le camp est trop difficile. Un peu plus
loin sur la route, les soldats rebelles du M23 ont rétabli le poste de douane
afin de taxer les camions de marchandises qui entrent et qui sortent de Goma.
Jean-Claude, au volant de sa voiture, n'a pas de carte d'électeur pour
témoigner de son identité, alors le douanier s'énerve. «Les bonnes habitudes
reviennent vite», ironise le jeune homme. Après deux jours de no man's land, la
vie reprend son cours, presque normal.
Un verrou statégique
La
ville de Saké est stratégique. C'est de là que partent deux axes importants:
l'un, au sud, mène à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu et l'autre à l'ouest vers
le Masisi, une des zones où se déroulent actuellement les combats. «Quand ils
sont partis, les FARDC (les Forces armées de la République démocratique du
Congo) ont tout pillé sur leur chemin, ils ont tout pris. Il ne nous reste plus
rien, même pas un matelas ou une casserole», raconte une femme tout de jaune
vêtue. Elle veut nous montrer sa maison, ou plutôt ce qu'il en reste et les
photos de ses enfants blessés lors des combats. Elle vient du quartier de
Birere, devenu un champ de batailles. Plusieurs maisons ont été détruites dans
les combats. Les cicatrices sont profondes et certains trous d'obus témoignent
encore de ces violences. «Je n'ai plus rien et nulle part ailleurs où aller,
alors je vais attendre. Mes voisins m'aident, pour le moment ça va».
Un
homme intervient et lui coupe la parole. «Ce n'était pas la sécurité avant, les
FARDC volaient tout ce qu'ils voulaient, on avait tout le temps peur pour nos
biens et nos familles», assure-t-il. Personne n'est plus là pour le contredire.
Des soldats du M23 patrouillent dans la ville, fusil à la main. À côté d'eux,
les femmes installent leurs petits étals de nourriture à vendre sur le marché.
Elles déplient de grands tissus remplis de beignets ou de légumes. Les enfants
préparent leurs cartables, les écoles rouvrent peu à peu leurs portes. Les
représentants du M23 n'ont de cesse de répéter qu'ils vont restaurer la paix
dans la région. Les habitants de Saké, du moins ceux qui sont revenus, veulent y
croire.
Par Edith Bouvier
Envoyée spéciale à Sake
Par Edith Bouvier Mis à jour le 26/11/2012 à 12:47
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