(KongoTimes 04/05/2012)
L’instabilité que connait l’Est du Congo est principalement liée aux ambitions hégémoniques de certains États voisins et à l’exploitation illicite des ressources naturelles au profit des multinationales occidentales. Le Rwanda n’a jamais fait mystère de ses prétentions territoriales sur l’Est du Congo, partie qu’il contrôle par l’entremise des groupes armés en collaboration avec le pouvoir de Kinshasa. Ayant crée et soutenu des groupes armés à l’Est du Congo, l’Ouganda s’octroie le droit de faire des incursions périodiques en RDC sous prétexte de traquer sa rébellion outre l’exploitation des gisements pétroliers congolais sans contrepartie. Dès lors, comment comprendre que les Pays-Bas qui n’ignorent pas ce contexte conçoivent un plan de coopération au développement impliquant le Rwanda, l’Ouganda et l’Est du Congo sans la RDC ? Une étrange coopération.
Il est de règle consacrée en droit que les États sont les principaux acteurs de la vie internationale, à côté des organisations internationales et les individus dont le rôle s’accroit à la faveur de la mondialisation. En tant que sujet de droit international, les États continuent de jouer le rôle central en matière de traités, conventions et accords internationaux. Mais pour de raisons qui restent à édifier, le royaume des Pays-Bas a choisi de déroger à cette règle concernant sa coopération au développement en République démocratique du Congo. Dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas publié le 3 avril 2012 il était annoncé la tenue d’un séminaire sur le plan pluriannuel pour la coopération au développement des Pays-Bas en Afrique.
Organisé en collaboration avec la fondation Netherlands-African Business Council (NABC), le séminaire avait pour but de donner des informations utiles aux entreprises intéressées sur la situation du Ghana, de l’Éthiopie et de la région des Grands Lacs. Énumérant les pays composant cette région, le communiqué indique le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et l’Est du Congo. Comme il fallait s’y attendre, l’indication de l’Est du Congo comme faisant partie de la région des Grands Lacs n’a laissé la diaspora congolaise des Pays-Bas indifférente. Plusieurs correspondances ont été adressées au ministre compétant par quelques personnalités et quelques organisations, notamment le RCK, Lisanga, Talentueux et Justice Plus, pour exprimer leur préoccupation et chercher à comprendre le pourquoi de cette démarche. Réagissant aux questions lui adressées, le ministère indique que la coopération au développement de la Hollande en Afrique passe par deux volets : un partenariat bilatéral avec 10 pays, et la RDC ne figure pas sur la liste, et une approche régionale, notamment avec la région des Grands Lacs.
Pour ce dernier cas, les Pays-Bas disposent d’un plan pluriannuel en matière de coopération au développement pour l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et l’Est du Congo. Ils soutiennent ne pas considérer l’Est du Congo comme un pays à part. Des informations crédibles et vérifiées sur le terrain par les membres du RCK, il nous revient que le séminaire a été reporté à une date ultérieure et on ignore pourquoi. Toutefois des interrogations subsistent :
1. Pourquoi citer l’Est du Congo comme faisant partie de la région des Grands Lacs alors que la RDC est officiellement membre de l’organisation regroupant les pays de cette région ?
2. Étant donné qu’il n’existe pas de partenariat bilatéral entre les Pays-Bas et la RDC dans le domaine de la coopération au développement alors que tel partenariat existe à l’égard du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda, qui sera l’interlocuteur des Pays-Bas quant à l’application de son plan de coopération concernant l’Est du Congo ?
3. Lorsque l’on sait que l’Est du Congo est une vaste région comprenant plusieurs entités (régions, villes, territoires et collectivités) sans représentation juridique commune, et que l’exécution d’un plan de développement implique nécessairement l’accomplissement d’actes juridiques valables, par quel mécanisme sera exécuté ce plan ?
A ces questions on pourra ajouter d’autres. Mais le plus important c’est de relever le caractère étrange de cette démarche dans un contexte géopolitique aussi complexe. Il n’est un secret pour personne que l’instabilité que connait l’Est du Congo est principalement liée aux ambitions hégémoniques de certains États voisins et à l’exploitation illicite des ressources naturelles au profit des multinationales occidentales. Le Rwanda n’a jamais fait mystère de ses prétentions territoriales sur l’Est du Congo, partie qu’il contrôle par l’entremise des groupes armés en collaboration avec le pouvoir de Kinshasa. Ayant crée et soutenu des groupes armés à l’Est du Congo, l’Ouganda s’octroie le droit de faire des incursions périodiques en RDC sous prétexte de traquer sa rébellion outre l’exploitation des gisements pétroliers congolais sans contrepartie. Dès lors, comment comprendre que les Pays-Bas qui n’ignorent pas ce contexte conçoivent un plan de coopération au développement impliquant le Rwanda, l’Ouganda et l’Est du Congo sans la RDC ? Jetant un regard vers le passé, il nous revient de signaler le Royaume des Pays-Bas a en projet (depuis 2006) l’ouverture d’un consulat à l’Est du Congo. Un ancien fonctionnaire de l’ambassade de la RDC en Hollande (déjà fermée) confirme l’existence de ce projet. Tout dernièrement, en 2010, un séminaire organisé en collaboration avec les autorités hollandaises était centré sur les frontières de la RDC en 2020. Quelle projection !
Sur le chapitre des dernières élections en RDC, il est important de rappeler l’aide accordée par la Hollande au processus électoral. Ce pays avait financé deux projets à travers les programmes radio et tv en vue d’assurer l’éducation des masses en matière électorale. Un soutien financier consistant avait accordé à la mission d’observation électorale du Centre Carter et à celle de l’Union Européenne où des observateurs hollandais avaient d’ailleurs pris part. Avec toute cette aide les autorités néerlandaises avaient déclaré vouloir contribuer à un processus électoral libre et transparent garantissant le respect de la volonté des électeurs. Paradoxalement, après que les électeurs congolais, les missions d’observations et les organisations indépendantes aient décrié la fraude électorale et le manque de crédibilité des résultats officiels, un mutisme prolongé est observé du côté de la Hollande. En réponse à la correspondance lui adressée par notre organisation sur le paradoxe entre, la politique très stricte appliquée par la Hollande en matière d’immigration et le laxisme observé face au régime dictatorial qui pousse justement les gens à l’exil, le ministre des Affaires étrangères exprime la déception de son pays suite au chaos électoral en RDC. Il déclare cependant que la Hollande a décidé de garder contact avec les autorités congolaises par solidarité avec la position de l’Union Européenne. Faut-il encore chercher à comprendre pourquoi l’Union Européenne préfère soutenir un pouvoir issu de la fraude électorale, elle qui ne jure que sur le respect des principes démocratiques ?
La démarche du royaume des Pays-Bas n’est pas unique en son genre, elle est loin d’être un cas isolé. L’opinion se rappelle encore la déclaration d’Herman Cohen sur l’appartenance du Kivu au Rwanda. Le soutien du gouvernement belge, américain et bien d’autres encore ne font aucun mystère pour manifester leur soutien rejeté par la volonté des électeurs. La frustration provoquée par la fraude électorale, le laxisme du pouvoir de Kinshasa face aux groupes armés actifs à l’Est du Congo et le mutisme de la communauté internationale devraient amener les congolais à la conclusion suivante : à celui qui doit seul protéger son droit il sera toujours demandé de disposer d’une force conséquente. Nul n’est besoin d’aller lire Montesquieu pour comprendre que pour maintenir l’équilibre dans une société et y prévenir le règne de l’arbitraire, le pouvoir (la force positive) doit arrêter le pouvoir (la force nuisible). Et ça, les congolais en sont capables.
Me Honoré Musoko
Justice Plus/ Pays-Bas
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