(Le
Potentiel 15/11/2012)
La publication du rapport des experts de l’ONU – déjà
disponible en anglais – a mis dans tous leurs états l’Ouganda et le Rwanda,
nommément cités comme les principaux appuis aux rebelles du M23. A Kigali tout
comme à Kampala, l’agitation est à son comble. Et le malheur ne venant jamais
seul, les Etats-Unis viennent d’annoncer les couleurs, en prenant des sanctions
contre les responsables du M23, plus particulièrement le chef militaire, Sultani
Makenga. Il est désormais repris sur la liste noire des Etats-Unis. L’ONU est
également allée dans le même sens. Se considérant comme les suivants sur la
liste, à Kigali et à Kampala on ne sait plus où donner de la tête, c’est la
panique générale.
Malgré toutes les pressions exercées autant par
l’Ouganda que le Rwanda pour bloquer la publication du rapport final de
l’Organisation des Nations unies sur la situation sécuritaire dans l’Est de la
République démocratique du Congo, des experts de l’ONU ont maintenu leur version
des faits sur l’implication avérée de Kigali et de Kampala sur leur soutien à la
rébellion menée dans l’Est de la RDC par les troupes rebelles du M23.
Si
le Rwanda n’est pas encore passé à l’action pour faire valoir son
mécontentement, l’Ouganda par contre, est déjà passé à l’action, en menaçant
notamment de rappeler ses troupes impliquées dans différentes missions de
maintien de la paix aussi bien au Soudan du Sud qu’en Somalie.
Comme si
cela ne suffisait pas, Kampala a décidé de fermer son principal poste frontalier
avec la RDC. Il s'agit d'une réaction des autorités ougandaises, furieuses
d'avoir été mises en cause dans un rapport de l'ONU, les accusant de soutenir la
rébellion du M23 dans l'Est de la RDC.
Dans la ville frontière de
Bunagana, l'armée ougandaise empêche toute traversée de la frontière. Kampala
affirme que cette mesure doit dissiper les soupçons que les autorités
ougandaises utiliseraient cette frontière pour aider la rébellion du M23 en RDC,
ainsi que le suggéraient les fuites d'un rapport d'experts de l'ONU.
Pris
en tenailles, Kigali et Kampala sont désormais à l’offensive, craignant des
jours sombres dans les tout prochaines heures. Décidemment, le ciel n’est pas
clément vis-à-vis de ces deux capitales de la région des Grands Lacs. Des
nouvelles en provenance de New York, siège de l’ONU, ne leur sont pas
favorables.
Selon des sources concordantes, les Etats-Unis ont décidé
mardi dernier de placer le chef des rebelles du M23, Sultani Makenga, sur leur
liste noire des personnes physiques ou morales sanctionnées pour leur
participation au conflit en RDC. Les Nations unies ont également indiqué avoir
pris des sanctions à l'encontre de Sultani Makenga. Ce qui n’est pas de nature à
sécuriser autant les autorités ougandaises que rwandaises, réputées comme
parrains du M23.
Les prochains sur la liste devaient se recruter dans
les rangs de ces deux capitales, ce qui accentue la pression. A Kigali et à
Kampala, l’on n’est pas encore aux abois. Mais, la double sanction de l’ONU et
des Etats-Unis est prise très au sérieux.
L’étau se resserre
A
l’origine de cette décision américaine, le département du Trésor américain,
l’équivalent du ministère des Finances, pointe du doigt le colonel déchu Makenga
d'être le « responsable d'horreurs à grande échelle contre la population en RDC,
notamment du recrutement d'enfants soldats et de campagnes de violence contre
les civils ».
Dans un communiqué, le département du Trésor américain
affirme détenir des preuves que le colonel renégat a reçu des cargaisons
d'armement en violation de l'embargo international sur les armes imposé aux
groupes armés opérant dans l’Est de la RDC.
Concrètement, ces sanctions
visent le gel d’éventuels avoirs appartenant à M. Makenga sur le sol des
Etats-Unis. Des poursuites judiciaires ne sont pas exclues contre le colonel
Makenga.
De son côté, le Conseil de sécurité a décidé de geler et
d’interdire de voyage le concerné. Des griefs sont plus graves : meurtres,
d'exactions et de violences sexuelles. « Les nouvelles sanctions prises par les
Etats-Unis et l'ONU contre Sultani Makenga montrent que le monde ne restera pas
inactif devant les atrocités commises sous ses ordres par le M23 », s'est
félicité l'ambassadrice américaine à l'ONU, Susan Rice.
Kinshasa exige
plus
Pendant que l’incriminé nie les faits mis à sa charge, le
gouvernement estime ces sanctions « insuffisantes ». Pour le porte-parole du
gouvernement, il faut aller au-delà, en prenant des sanctions contre les auteurs
des soutiens provenant du Rwanda et de l’Ouganda, bien identifiés par les
experts des Nations unies. « Il est bon qu'on aille jusqu'aux sources,
c'est-à-dire au Rwanda. Il y a des noms qui sont autrement plus importants,
beaucoup plus décisifs, beaucoup plus dangereux pour les populations du Kivu que
Sultani Makenga. Je pense par exemple au ministre rwandais de la Défense », a
déclaré Lambert Mende. Allusion est faite à James Kabarebe.
Ces pressions
exercées sur Kigali et Kampala ont le mérite de démontrer que les commanditaires
des actes criminels ne resteront pas impunis indéfiniment. Les Etats-Unis et
l’ONU, tout comme les Congolais d’ailleurs, n’accepteront jamais que la justice
ne soit pas rendue à ces millions de morts congolais. Prises de panique, les
deux capitales donnent des signes évidents de nervosité. Kampala, pour se
dédouaner, vient de fermer la frontière de Bunagana, une manière de couper les
vivres au M23. Cette décision influerait-elle sur les sanctions onusiennes ?
Rien n’est moins sûr !
Encadré
Condamnation ferme de l'Ouganda et
du Rwanda
L’Ouganda et le Rwanda sont menacés de sanctions à la suite
d’un rapport des experts de l’ONU qui les accuse d’armer le mouvement M23. Ce
dernier exige, quant à lui, d’être admis à la table des négociations.
«
Le Conseil condamne fermement tout appui extérieur apporté au mouvement rebelle
congolais M23 par des pays voisins et exige que ces ingérences cessent sous
peine de sanctions », c’est ce qu’a déclaré récemment le Conseil de l’ONU cette
semaine à la suite de la publication d’un rapport confidentiel d’experts de
l’Onu accusant à nouveau Kigali — déjà mise en cause dans un document
intermédiaire — et, pour la première fois, Kampala, d’armer le M23 en
RDC.
Le Conseil, qui se dit prêt à prendre des « sanctions ciblées »
contre les dirigeants du M23 et « ceux qui violent le régime de sanctions et
l’embargo sur les armes » auxquels est soumise la RDC, a exprimé son soutien
sans réserve au groupe d’experts de l’ONU du comité 1533, qui a rédigé ce
rapport accablant pour les deux pays. Il demande aux pays de la région de
renforcer leur coopération avec ces experts et d’aider le gouvernement congolais
à désarmer le M23 ainsi que les autres groupes armés qui opèrent dans la région.
Le Conseil a également demandé au secrétariat général de l’Onu de lui faire des
propositions pour renforcer les capacités de la Monusco dans sa mission, en
particulier en ce qui concerne la surveillance du « flot d’armes et de matériel
militaire » qui transite par les frontières est de la RDC.
Les deux pays
africains mis en cause démentent catégoriquement, et les responsables ougandais
sont déjà en train de rédiger une réponse formelle à ces accusations. «
L’Ouganda se prépare à infirmer point par point le récent rapport de l’Onu
l’accusant de soutien aux rebelles du M23 dans l’est de la RDC, et ne craint
donc pas d’éventuelles sanctions de l’Onu », a déclaré samedi dernier le
ministre ougandais des Affaires étrangères par intérim, Henry Okello Oryem. Ce
dernier a qualifié les accusations et les menaces de sanctions de «
manipulations de la part d’individus à l’ONU » qui, selon lui, tentent de faire
échouer les efforts régionaux sur la RDC.
L’Ouganda est à la tête de ces
efforts des dirigeants de la région des Grands Lacs qui tentent de mettre sur
pied une « force neutre » chargée de lutter contre les divers groupes armés
actifs dans l’est de la RDC, afin de mettre fin à l’instabilité chronique dans
cette zone.
Kigali, qui a démenti à plusieurs reprises tout soutien au
M23, a accusé les auteurs du rapport de « mener une campagne politique
».
Au moment même où le Conseil de l’Onu menace Kigali et Kampala, le M23
menace, lui, de reprendre l’offensive si des négociations directes ne s’ouvrent
pas le plus tôt possible. C’est en tout cas ce qu’a déclaré mercredi dernier le
président de la branche politique du M23, Jean-Marie Runiga, à Bunagana, une
localité située à la frontière avec l’Ouganda, dans l’est de la RDC.
Publié le jeudi 15 novembre 2012 01:30
Écrit par LE POTENTIEL
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Potentiel
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